La neutralité d’Internet entre les mains de l’Arcep

En fait. Le 26 août est parue au « Journal Officiel » l’ordonnance de transposition
du Paquet télécom qu’Eric Besson – ministre en charge notamment de l’Economie numérique – avait présentée en Conseil des ministres le 24 août, ainsi que le rapport correspondant au Président de la république.

En clair. Ne cherchez pas « neutralité des réseaux » et encore moins « neutralité d’Internet » dans le texte de l’ordonnance de transposition du Paquet télécom : ce principe n’y apparaît pas explicitement. Certes, le texte soumis ce 24 août au président de la République Nicolas Sarkozy mentionne bien dans ses motifs deux objectifs :
« garantir la neutralité des réseaux » et « promouvoir la neutralité des réseaux », mais l’ordonnance ellemême ne repend pas ces termes. En fait, il faudra désormais s’en remettre aux opérateurs télécoms, dont les obligations sont accrues, et à l’Arcep, dont les pouvoirs sont renforcés. Pour les internautes et les mobinautes, l’article 3 complète le Code des postes et des communications électroniques pour que « [le ministre chargé des communications électroniques et l’Arcep] veillent (…) à favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix ». S’il n’est pas satisfait, le consommateur pourra faire jouer la concurrence en changeant d’opérateur télécoms ou de fournisseur d’accès à Internet (FAI). Encore faut-il que ces derniers informent correctement leurs abonnés. C’est ce que prévoit l’article 33 de l’ordonnance. Sur les treize informations que doivent donner les fournisseurs aux consommateurs « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible », quatre touchent de près ou de loin la neutralité du Net : niveau de qualité, procédures pour mesurer et orienter le trafic, restrictions à l’accès à des services et à leur utilisation (ainsi qu’à celle des équipements terminaux fournis), mesure afin de réagir à un incident ayant trait à la sécurité ou à l’intégrité (1). Cela suppose qu’en amont le gouvernement et le régulateur « veillent à l’exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus (…) », et « fixent des obligations en matière d’accès » et fassent respecter le « principe de non discrimination ». Pour y parvenir, l’Arcep « peut [c’est-à-dire qu’elle n’est pas obligée, ndlr] fixer des exigences minimales de qualité de service » (article 16) et « peut également être saisie des différends portant sur (…) les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communication au public en ligne [tels que Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, etc, ndlr] » (article 17). Les rapports de force peuvent commencer, comme dans la plainte récente de Cogent contre Orange. @

Le VDSL2 ne devra pas concurrencer le FTTH

En fait. Le 17 août est parue au Journal Officiel une circulaire de François Fillon adressée aux préfets de Région et de département pour « la mise en oeuvre du programme national très haut débit et de la politique d’aménagement numérique
du territoire ». Le gouvernement favorise la fibre optique.

En clair. Pas de neutralité technologique dans le très haut débit : l’Etat français mise sur le déploiement de la fibre optique jusqu’à domicile (FTTH) pour atteindre les objectifs fixés par le président de la République en février 2010, lors des Assises des territoires ruraux. A savoir : « que la totalité des ménages français disposent d’un accès Internet à très haut débit en 2025, et 70 % d’entre eux dès 2020 », rappelle la circulaire datée du 16 août. Mais entre « disposer » et « s’abonner », il y a un grand pas que
les Français ne sont pas encore prêts de franchir comme le démontrent les premiers chiffres du FTTH. Qu’à cela ne tienne, François Fillon demande aux préfets
d’« apport[er] une attention particulière à ce que les projets de “montée en débit” [entendez le VDSL2 permettant jusqu’à 100 Mbits/s sur le réseau téléphonique, ndlr] correspondent soit à une véritable étape intermédiaire vers le déploiement de réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH), soit à des zones où le FTTH n’arrivera pas à l’horizon de dix ans ».
Bien que l’Arcep s’apprête à autoriser – avant la fin de l’année – le VDSL2 sur la sous-boucle locale de cuivre de France Télécom (lire EM@40, p. 7), il s’agit pour le gouvernement de ne pas remettre en cause la concurrence dans l’ADSL sur le réseau téléphonique et surtout de ne pas retarder – plus qu’il ne l’est – le déploiement de la fibre optique sur le territoire national. Ce choix technologique et politique va coûter très cher à la France : près de 25 milliards d’ici à 2025. La circulaire ne fait pas état du coût global, mais elle précise que le gouvernement va consacrer 2 milliards d’euros du Grand emprunt au très haut débit, dont 900 millions d’euros en soutien aux collectivités locales dans les zones peu denses (1). Et pour ne pas tomber dans l’aide d’Etat illicite qu’interdit l’Union européenne, les préfets sont appelés à favoriser la concertation avec les opérateurs télécoms au sein de « commissions consultatives régionales pour l’aménagement numérique des territoires » (lesquelles avaient été annoncées dès le
9 juin par Eric Besson, ministre de l’Economie numérique, lors des 5e Assises du Très haut débit). L’Arcep, la CDC (2) et le Commissaire général à l’investissement, René Ricol (en charge du Grand emprunt) devront être associés à ce dialogue publicprivé.
« Les opérateurs (…) ont manifesté l’intention d’investir dans les principales agglomérations pour couvrir, au plus tard en 2020, 57 % des ménages », indique la circulaire. @

Le VDSL2 va être autorisé sur la boucle locale de cuivre : pour concurrencer la fibre ?

Alors qu’un rapport sénatorial sur l’aménagement numérique du territoire, daté
du 6 juillet, s’inquiète du retard dans le déploiement de la fibre optique, l’Arcep s’apprête à autoriser l’introduction du VDSL2 sur le réseau téléphonique pour permettre 50 à 100 Mbits/s.

Sur à peine plus de 1 million de foyers raccordables directement à la fibre optique, ou FTTH (1), seulement 140.000 sont abonnés au 31 mars dernier. Est-ce le présage d’un échec national malgré les 25 milliards que la France va consacrer au déploiement de
la fibre sur tout le territoire ? L’arrivée d’ici à la fin de l’année – sur les bonnes vieilles lignes de cuivre téléphoniques – de la technologie VDSL2, ne manquera pas de faire réfléchir opérateurs télécoms et consommateurs sur l’intérêt immédiat de miser sur la coûteuse fibre optique.

Financement du très haut débit : vers l’impasse ?

En fait. Le 13 juillet, la commissaire européenne Neelie Kroes – chargée du Numérique – a tenu sa dernière réunion avec une quarantaine de PDG des secteurs des télécoms, des médias et du Web pour tenter de trouver – en vain finalement – un consensus autour du financement des réseaux (très) haut débit.

En clair. Aucun consensus n’a été trouvé en quatre mois de confrontation des acteurs
du numérique, réunis depuis mars dernier par Neelie Kroes sur le financement du déploiement des réseaux très haut débit en Europe (1). Opérateurs de réseaux et équipementiers télécoms rechignent à mettre seuls la main à la poche pour financer la fibre optique. Dans leurs onze propositions remis à Neelie Kroes le 13 juillet, ils prônent une « meilleure gestion des ressources rares » de l’Internet, s’inquiètent d’une
« situation de déséquilibre » entre les opérateurs télécoms « support[a]nt seuls le fardeau » des investissements réseaux locaux et les fournisseurs de contenus du Web d’envergure mondiale. Ils demandent « des règles du jeu (…) suffisamment souples » et veulent pouvoir pratiquer « la différenciation en matière de gestion du trafic pour promouvoir l’innovation et les nouveaux services, et répondre à la demande de niveaux de qualité différents ». Ils plaident pour des « modèles économiques (…) bifaces [où les acteurs économiques peuvent se rémunérer des deux côtés, ndlr], basés sur des accords commerciaux » : par exemple, les Google/YouTube, les Yahoo, Amazon et les
Dailymotion doivent, selon eux, payer un droit de passage en fonction de la qualité de service demandée sur les réseaux (très) haut débit. Ils veulent à ce propos une
« interconnexion IP avec garantie de qualité de service (par exemple avec la norme
IPX) ». La commissaire européenne en charge du Numérique va maintenant étudier
ce cahier de doléances et émettre – en septembre – des recommandations sur le calcul des tarifs d’accès à ces réseaux (très) haut débit, tout en lançant une consultation sur la non-discrimination. Les opérateurs télécoms veulent bien investir dans les réseaux de nouvelle génération (NGN/NGA) à condition de mettre un terme à la neutralité du Net,
afin d’avoir un retour sur investissement en faisant payer – aux fournisseurs de contenus et aux internautes – différents niveaux de services. Ces derniers veulent
au contraire le respect de la neutralité du Net. La France, elle, a proposé l’idée d’une
« terminaison d’appel data » qui ne fait pas l’unanimité. Le dialogue de sourds débouchera-t-il sur une impasse ? La Commission européenne propose d’injecter
9,2 milliards d’euros pour aider au financement des NGN/NGA de 2014 à 2020, en échange d’un engagement d’investissement de 100 milliards de la part du secteur privé. Mais il faudrait 300 milliards pour que tous les Européens aient au moins 30 Mbits/s d’ici 2020, dont la moitié à 100 Mbits/s. @

Six mois après l’e-G8, un « c-G8 » prévu en novembre

En fait. Le 6 juin se termine une consultation que le ministère de la Culture
et de la Communication a lancée le 24 mai pour faire réaliser une étude sur
« la rémunération de la création à l’ère numérique ». Les résultats seront présentés lors du Sommet culturel organisé à Avignon, en novembre 2011.

En clair. Après l’e-G8 (« e » pour électronique) des 24 et 25 mai à Paris, voici qu’est programmé ce que l’on pourrait appeler le c-G8 (« c » pour culture) les 17 et 18 novembre prochains à Avignon. Point commun entre ces deux « mini » sommets des huit pays les plus riches de la Planète (1) : le numérique et les droits d’auteur. La Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) précise à Edition Multimédi@ que lors de ce « Sommet culturel au format G8 élargi » dix-sept pays seront représentés. « Il se déroulera en parallèle du début du Forum d’Avignon [du 17 au 19 novembre, ndlr]. Un dîner commun entre le Sommet et le Forum aura lieu le 17 novembre au soir, ensuite le sommet ministériel se tiendra séparément mais au même endroit, le Palais des Papes, jusqu’au lendemain midi », nous explique Caroline Rogard à la DGMIC. Le Forum d’Avignon – dirigé par d’anciens (2) de la DDM (devenue DGMIC) et lié au ministère de la Culture et de la Communication – organise en effet ses 4e Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias (3). Il y sera question du financement des industries culturelles par les acteurs de l’Internet et les fabricants de terminaux interactifs. En janvier dernier, le président de la République avait demandé à Frédéric Mitterrand – lors de ses vœux au monde de la Culture – que se tienne « avant le G20 à Cannes [les 3 et 4 novembre 2011, ndlr]» un « un sommet des pays du G20 sur la question des droits d’auteur [sur Internet] pour que nous essayions d’avancer ensemble : pas les uns contre les autres, [mais] les uns avec
les autres ». Et Nicolas Sarkozy avait lancé, à propos de culture et de numérique : « Il y eu beaucoup de malentendus ». Son ministre de la Culture profite donc du Forum d’Avignon pour faire – finalement après – une sorte de c-G17 (à Avignon). Au Sommet de la culture, les discussions seront donc « économiques et industrielles », avec une
« réflexion sur la création, la culture et la valorisation de l’immatériel ». L’étude « à portée internationale sur la rémunération de la création à l’ère numérique », commanditée par la DGMIC, contribuera aux débats. Bilingue (anglais et français),
elle traitera de « tous les contenus de création dématérialisés qui relèvent du droit d’auteur » et « pour lesquels les réseaux numériques jouent le rôle de nouveau support de diffusion, ainsi que ceux pour lesquels le numérique sert d’outil de création » : musique, presse, livre, cinéma, télévision, animation, photographie, jeu vidéo, etc. @