Les paradoxes de la politique sécuritaire en France : des lois aux résultats

Plus d’un an et demi après l’adoption de la première loi Hadopi, se pose la question de la pertinence du processus – complexe – mis en place en France pour lutter contre le piratage sur Internet. La « riposte graduée », qui manque
de moyens, atteindra-t-elle les objectifs visés ?

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

Cela ne fait pas trois mois que le dispositif mis en place par les deux premières lois dites Hadopi (1) est en vigueur que les critiques fusent déjà, rappelant, à s’y méprendre, la vindicte dont
le gouvernement a fait l’objet en matière de sécurité des biens
et des personnes. De fait, la conférence de presse tenue par la Haute autorité pour la diffusion et la protection des droits sur Internet (Hadopi) le 12 janvier dernier est intervenue concomitamment aux statistiques rendues publiques par le ministère de l’Intérieur.

Régulation de la neutralité de l’Internet : les Etats-Unis donnent le la à l’Europe

Le régulateur fédéral américain, la FCC, a adopté le 21 décembre dernier le nouveau règlement sur la neutralité de l’Internet aux Etats-Unis. Ce texte, qui pourrait être contesté, servira tout de même de référence à l’Europe – y compris
à la France qui s’apprête à légiférer.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

Adopté le 21 décembre 2010 à une courte majorité, le nouveau règlement de la Federal Communications Commission (FCC) sur
la Net Neutrality a un effet contraignant immédiat sur l’ensemble des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) américains, qu’ils soient fixes
ou mobiles. Ce nouveau règlement de la FCC sera certainement attaqué en justice, car son fondement juridique repose sur les
termes très généraux du chapitre 1 de la loi américaine sur les télécommunications, fondement légal qui a été jugé déjà insuffisant par une cour d’appel dans l’affaire Comcast (1). L’avenir de ce règlement reste donc incertain.

Les exclusivités de Canal+ sur la fibre et la catch up TV restent dans le collimateur

Après trois ans d’instruction, l’Autorité de la concurrence a rendu, le 16 novembre 2010, sa décision de poursuivre l’instruction sur des exclusivités pratiquées par le groupe Canal Plus sur le marché de la télévision payante où
il est en position dominante.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Aucune décision définitive, a fortiori, de sanction n’est prononcée à l’encontre de Canal Plus. Cette décision
d’« étape » permet cependant à l’Autorité de la concurrence, d’une part, de poursuivre ses investigations sur les pratiques
de Canal en matière de distribution de programmes sur la
fibre optique et de télévision de rattrapage, et, d’autre part,
de préciser le champ de l’instruction notamment en écartant les accords signés avec TF1 et M6 qui avaient été validées dans le cadre de l’opération de concentration Canal Plus/TPS autorisée le 30 août 2006 par le ministre de l’Economie (1).

Vidéo à la demande : la France s’adapte au dumping réglementaire

Le décret du 12 novembre 2010 impose des obligations de financement du cinéma français et européen aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Il prend en compte les inquiétudes du CSA, mais le risque de dumping réglementaire demeure.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Alexandre Entraygues, avocat, Gide Loyrette Nouel.

Le gouvernement français avait fustigé dès 2009 la distorsion de concurrence entre les plateformes de musique en ligne iTunes et AmazonMP3, lesquels paient la TVA au Luxembourg (3 % sur la part liée aux droits d’auteur, soit sur environ 75 % du prix de vente), tandis que la Fnac et Virgin paient la TVA en France à hauteur de 19,6 %. Cette menace d’un déséquilibre entre le dispositif français, réputé lourd et contraignant, et d’autres dispositifs plus “accueillants” est à nouveau revenue sur le devant de la scène à l’occasion du décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd).

Comment l’Europe veut encourager l’investissement dans le (très) haut débit

Il n’est pas inutile de rappeler l’objectif « ambitieux » que la Commission européenne a fixé en vue de raccorder à « plus de 100 Mbits/s » la moitié des Européens d’ici à 2020, alors qu’en France le rapport Maurey – remis le 26 octobre – préconise différentes taxes pour financer le très haut débit.

Par Christophe Clarenc (photo) et Renaud Christol, avocats, cabinet Latham & Watkins

Mettre le haut débit de base (ADSL) à la disposition de tous les Européens d’ici à 2013, et faire en sorte que, d’ici à 2020, tous les consommateurs européens puissent avoir accès à des vitesses de connexion d’au moins 30 Mbits/s et qu’au moins la moitié d’entre eux puissent disposer de connexions Internet de plus de 100 Mbits/s : tel est l’objectif fixé par la Commission européenne dans la stratégie numérique qu’elle a dévoilée le 19 mai 2010 (1). Pour atteindre cet objectif, qu’elle qualifie elle-même d’ambitieux (2),
la Commission européenne a considéré qu’il était « nécessaire d’élaborer une politique globale, reposant sur une combinaison de technologies et poursuivant deux buts : d’abord, garantir une couverture universelle en haut débit (combinant réseaux fixe et sans fil) avec des vitesses de connexion portées progressivement jusqu’à 30 Mbit/s et au-delà ; et, à terme, promouvoir le déploiement et l’adoption de réseaux d’accès de nouvelle génération (NGA) sur une grande partie du territoire de l’Union, qui permettent des connexions internet de plus de 100Mbit/s ».