Ma radiovision

6 heures 50 du matin, la ville est encore prisonnière d’un fin filet de givre. Des frissons le long du dos, je pose un pied par terre après une courte nuit de sommeil. Un programme, mimusique, mi-info sert de bande originale à cette scène rituelle et soutient mes premiers pas hésitants. La radio est ainsi, chaque matin, l’ingrédient indispensable et discret de mon retour progressif à la réalité. La radio, ce média modeste qui a si bien résisté dans une époque dominée par l’image, illustre presque parfaitement la théorie qui veut que les médias s’additionnent sans se remplacer.

« Nous autres, auditeurs, avons désormais accès à de nouveaux programmes diversifiés et démultipliés grâce à l’accès à des données associées. »

La radio est en effet pleine de surprises et n’a pas échoué au grand cimetière des technologies d’hier, où trône pourtant la TSF d’un Woody Allen se retournant avec une tendre nostalgie sur son passé dans son très beau “Radio Days”. On pense souvent que l’âge d’or de la radio fut cette parenthèse magique où elle s’imposa comme le premier grand média familal, de son apparition dans les années 20 jusqu’à la généralisation rapide de son grand concurrent, le poste de télévision, dans les années 50. C’est bien sûr vrai, mais elle nous surprend encore ! Quelque 100 ans plus tard, l’année 2020 est celle de tous les dangers pour la radio puisque la bande FM, symbole de la libéralisation des années 80, vient d’être abandonnée. La radio a dû se réinventer, même si elle a failli être éteinte par les jeunes générations qui se sont détournées d’elle comme de la presse au changement de millénaire. Son salut est venu de sa simplicité et de sa plasticité : la radio d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le poste à réception hertzienne d’antan. Paradoxalement, au moment de disparaître, la radio d’autrefois s’était déjà réincarnée en se démultipliant. A tel point que tout le monde fait aujourd’hui de la radio (ou presque) en intégrant l’écoute de la radio aux principaux usages du Web (messagerie instantanée, recherche, réseaux sociaux, actualités) en simulcast, en pure webradio, en catch-up radio ou en smart radio. Les télés, les journaux et les multiples acteurs du Web (des géants de l’Internet aux spécialistes de la musique en ligne), sans compter les services d’accès à des listes infinies de stations mises à disposition par les success stories de l’époque, Last.fm ou live365, tous quasiment ont voulu décliner leur média dans ce format apparemment si simple. A l’inverse, les stations de radio classiques survivantes se sont réinventées en intégrant l’écrit et l’image à leur site Internet.

Qui se souvient qu’en 1928, l’un des noms de la télévision naissante a été “la radiovision”. Et qui aurait pu dire que le futur et la radio serait la vidéo ? Et c’est pourtant ce qui est en train de se passer, au moment où des rédactions d’un nouveau genre déclinent (en les intégrant) les médias autrefois séparés de la télévision et de la radio. Sur ma radio numérique à images, la magie des grandes voix sans visage à fait long feu, même si nous autres, auditeurs, avons désormais accès à de nouveaux programmes diversifiés et démultipliés grâce à l’accès à des données associées. Dès 2006, John Hogan, patron de Clear Channel Radio, déclarait : « Nous sommes devenus agnostiques quant au moyen de diffuser la radio et passionnément mobilisés par les contenus ». Finalement, après bien des tâtonnements, c’est bien la réalité : à côté d’une banalisation inévitable du média,
la radio live sait encore créer des programmes exclusifs et attractifs, qui s’écoutent et se regardent désormais via des réseaux haut débit fixe et mobile sur la plupart des terminaux existants, intégrant des écrans permettant de suivre ses programmes de radios préférés. Au bout du compte, force est de reconnaître que c’est encore bien souvent la radio qui nous inspire. Je me rappelle parfaitement du temps où nous cherchions désespérément les nouveaux business models à même de financer les contenus de l’Internet. La radio de toujours s’était rapidement imposée à nous. Gratuite, accessible, universelle, elle contenait tous les ingrédients que nous recherchions ! Il ne lui manquait que l’interactivité. C’est chose faite. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique “2020” : Les jeux vidéo *
* Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et
commercial de l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécoms
en Europe). Rapport sur le sujet : « Le marché de la Webradio »,
par Gilles Fontaine, Sophie Girieud et Marc Leiba
www.idate-research.com

Xavier Couture, Orange : « Remettre en cause nos exclusivités serait une très mauvaise nouvelle »

Nommé il y a un peu plus d’un an et demi à la tête de la direction des Contenus du groupe France Télécom, Xavier Couture dresse un premier bilan de son action et explique à Edition Multimédi@ la stratégie d’Orange dans ce domaine.

PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLES DE LAUBIER

Edition Multimédi@ : Qu’avez-vous mis en place depuis 20 mois ? Quelle place représente maintenant la direction Contenus d’Orange chez France Télécom ?
Xavier Couture :
Depuis mai 2008, mon action a été de donner corps à la stratégie de contenus voulue par le président Didier Lombard, et initiée par mes prédécesseurs. Orange a gagné une véritable légitimité dans les contenus. L’année 2008 a été très riche pour notre activité, avec le lancement de la chaîne « Orange foot », devenue depuis « Orange sport », et du bouquet « Orange cinéma séries ». Cela nous a permis d’enrichir l’offre de la « TV d’Orange » et de poursuivre notre politique de différenciation par rapport aux autres opérateurs et fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En 2009, nous avons consolidé la stratégie contenus : les chaînes sont montées en puissance et se sont enrichies en terme de fonctionnalités (par exemple, fonction redémarrage sur « Orange cinéma séries ») ; nous avons mené une politique active
de partenariats innovants avec les professionnels du monde des médias. Ainsi, nous proposons à nos abonnés les services de télévision de rattrapage de France Télévisions [accord sur trois ans devrant être renégocié mi-2010, ndlr] et M6, ou encore, nous avons signé un accord avec France Télévisions pour les intégrer à
2424 actu, notre service d’actualité multi supports.
La « TV mobile d’Orange » a également connu une belle progression – le phénomène iPhone y ayant sans doute contribué – avec aujourd’hui une moyenne de 1 million d’utilisateurs actifs par mois. Enfin, citons la signature – le 10 novembre 2009 – d’un accord historique avec la majorité des organisations professionnelles du cinéma français pour notre bouquet « Orange cinéma séries ». Désormais, nous sommes
un acteur avec lequel il faut compter ! En 2010 nous poursuivrons notre politique
de partenariats.

EM@ : Vous êtes un homme de médias. Jusqu’où pensez-vous que France Télécom puisse aller dans les contenus et leur financement ?
X. C. :
Je me suis efforcé de réconcilier les contenus et la technologie. Orange est avant tout une entreprise opérant des réseaux, et c’est sur ces réseaux que nous construisons les nouveaux modèles de divertissement. J’appelle cela une activité
« d’éditeur de réseaux ». Orange ne produit pas d’événements sportifs mais reste
un agrégateur de contenus sportifs et éditeurs de chaînes avec «Orange sport », «Orange sport info » et «Orange sport event ». Dans le cinéma, nous avons une
activité de coproduction via notre filiale Studio 37, mais pas de production déléguée. Nous soutenons également les auteurs et les producteurs travaillant sur les nouveaux formats trans médias, ce type d’œuvres devant connaître un formidable développement. Dans cet esprit, Orange a créé une bourse d’aide à l’écriture sur
les formats innovants avec la fondation SACDBeaumarchais et lancé deux appels
à projets : Transmedia Lab avec Orange Vallée [bouclé en novembre dernier] et les ateliers Orange de la création – dont le dépôt des candidatures est fixé jusqu’au 31 janvier 2010. Nous soutenons la création mais nous n’avons pas pour autant vocation
à produire les contenus diffusés sur nos plates-formes. Cela est également valable pour la musique comme pour les jeux. Nous allons continuer à nous développer, notamment à travers la co-édition de services et les partenariats.

« Nous soutenons la création mais nous n’avons pas pour autant vocation à produire les contenus diffusés sur nos platesformes. Cela est également valable pour la musique comme pour les jeux. Nous allons continuer à nous développer, notamment à travers la coédition de services et les partenariats. »

EM@ : Le rapport de Marie-Dominique Hagelsteen sur les exclusivités des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) n’est pas attendu avant début 2010. Comment voyez-vous évoluer votre stratégie à ce sujet ?
X. C. :
Le jugement du tribunal de commerce a été infirmé le 14 mai 2009 par la Cour d’appel de Paris à l’occasion d’une décision très bien motivée en faveur de l’exclusivité sur la chaîne « Orange sport ». Nous verrons si la Cour de cassation, devant laquelle se sont pourvus SFR et Free, estime devoir casser cette décision. Concernant la mission confiée à Mme Hagelsteen, nous attendons la remise du rapport pour nous prononcer.
Ce qui est acquis, c’est que l’Autorité de concurrence n’a pas jugé nécessaire une remise en cause immédiate de nos exclusivités. Dans son avis du 7 juillet 2009, elle a reconnu les bénéfices de l’arrivée d’un nouvel entrant sur le marché de la TV payante et a également estimé que le rétablissement de la concurrence dans ce secteur passe notamment par le dégroupage du marché de gros des chaînes TV. Dans tous les cas,
la remise en cause des exclusivités acquises par Orange serait une très mauvaise nouvelle pour les univers du sport et de la création.

EM@ : Les multiples services médias proposés par Orange entretiennent-ils un éclatement de l’audience ?
X. C. :
La diversité des services que l’on propose est à mettre en regard de la diversité des nouveaux usages de consommation. Voyez ce qui se passe sur les mobiles,
les réseaux sociaux, la vidéo sur Internet… En termes d’audience, cela représente au contraire une opportunité. On assiste à une disparition progressive des frontières entre
les écrans, TV, PC et mobile notamment. Les contenus devenant le plus souvent trans médias, on est désormais capable de suivre une audience d’un écran à l’autre. Il y a de nouveaux “business models” à trouver en la matière.

EM@ : L’Hadopi prend du retard. Les décrets d’application de la loi ne sont pas signés. Cela vous inquiète-t-il ?
X. C. :
Orange a toujours soutenu la lutte contre le téléchargement illégal et a fortement contribué à faire aboutir les accords de l’Elysée (dits Olivennes) signés en 2007.
Nous sommes notamment convaincus de la nécessité de faire de la pédagogie auprès des internautes. La priorité aujourd’hui pour lutter contre le piratage est en effet le développement de l’offre légale. Nous développons pour notre part de nombreuses offres payantes, sécurisées et innovantes, accessibles au plus grand nombre et rémunératrices pour les ayants droit. Ces offres répondent aux nouveaux usages de
la consommation de contenus. Ainsi, nous avons été les premiers en France à proposer de la VOD légale à l’acte sur PC en 2002, puis sur la TV en 2003. Aujourd’hui, les clients ont accès à un catalogue proposant jusqu’à 4.700 films et programmes audiovisuels. Autre exemple :
« Orange cinéma séries » lancé en 2008 est un bouquet payant multi-écrans, 100 % cinéma et séries, dont l’intégralité des programmes est accessible à la demande.
Le développement de cette offre légale passe par la fixation d’un cadre réglementaire favorable, tenant compte des modèles économiques existants et des accords professionnels.

EM@ : La plainte d’Orange contre Canal + a 1 an (novembre 2008-novembre 2009). Depuis la fusion TPSCanalSat et les 59 conditions « antitrusts », que reprochez-vous à la chaîne cryptée ?
X. C. :
Nous avons constaté des difficultés d’accès aux droits et des pratiques de verrouillage qui n’étaient pas acceptables. Nous avons remarqué que les 59 conditions n’avaient pas été toutes respectées. Il était donc normal que nous en fassions part aux autorités de la concurrence, dont nous attendons la décision. Cependant Canal+ reste avant tout un partenaire : nous mettons ses offres à la disposition de nos clients, lesquels sont une source de croissance importante également pour la chaîne cryptée. @

Chronologie des médias : aller plus loin dans la réforme ?

La chronologie des médias a été réaménagée par l’accord du 6 juillet 2009,
afin notamment de favoriser l’offre légale. Face aux modifications des modes
de consommations des films, la question est de savoir s’il faut poursuivre
– et jusqu’où – sa réforme.

Par Christophe Clarenc (photo) et Renaud Christol, avocats, cabinet Latham & Watkins

L’apparition de la télévision, divertissement concurrent
mais également nouveau vecteur de diffusion du cinéma,
a été perçue comme une ombre sur la prospérité des
salles obscures (1). La menace s’est renforcée avec
le développement des cassettes VHS.
Les pouvoirs publics français et communautaires ont alors décidé d’intervenir en prévoyant des délais obligatoires entre la délivrance du visa d’exploitation d’un film (visa qui permet sa sortie en salle) et sa diffusion en vidéo ou à la télévision. La chronologie des médias était née.

Une réforme nécessaire
Avant les réaménagements engagés en décembre 2005, le dernier état de celle-ci était le suivant :

• Jour J pour la sortie en salles • J + 6 mois pour l’exploitation en vidéo physique •
J + 9 mois pour l’exploitation en paiement à la séance • J + 12 mois pour l’exploitation
en chaînes payantes • J + 24 mois pour l’exploitation en chaîne gratuite coproductrice •
J + 36 mois pour l’exploitation en chaîne gratuite non coproductrice.

En instaurant des fenêtres d’exclusivité pour chaque média, la chronologie garantissait ainsi la rentabilité d’un film à chaque stade de son exploitation. Toutefois, face au développement du numérique et des nouveaux modes de consommation des oeuvres
– tels que la vidéo à la demande (VOD) et la télévision de rattrapage –, mais surtout en raison de l’essor du piratage et donc des pertes de revenus issues de cette pratique,
il est apparu nécessaire de réaménager cette chronologie. Ce réaménagement a été effectué en plusieurs étapes. Une fenêtre d’exploitation spécifique pour la VOD payante
à l’acte fixée à 33 semaines après la sortie des films en salle a été crée le 20 décembre 2005 (2). Puis, dans le cadre de la mission confiée à Denis Olivennes sur la lutte contre
le téléchargement illicite et sur le développement des offres légales d’œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques, les ayants droit de l’audiovisuel, du cinéma et les chaînes de télévision se sont engagés, le 23 novembre 2007, à aligner l’ouverture de la fenêtre de la VOD payante à l’acte sur celle de la vidéo physique. Le 17 décembre 2007, la directive « Services de médias audiovisuels » (3) (ou directive SMA) a réaffirmé que les délais de diffusion des films devaient être convenus entre
les ayants droit et les fournisseurs de services de médias et a étendu ce principe aux services non linéaires que sont les services de médias audiovisuels à la demande (4). Cette directive a été transposée en droit français par la loi du 5 mars 2009 (5). Enfin,
le 12 juin 2009 (6), le législateur français a mis en place les nouvelles bases juridiques de la chronologie des médias. Comme cela était permis par la directive « SMA », le législateur a fixé le délai d’exploitation en vidéo physique (« vidéogrammes ») à quatre mois à compter de la sortie en salle (7). En ce qui concerne les services de télévision
et des services de médias audiovisuels à la demande, la loi a renvoyé à un accord professionnel (8).
Elle a tout de même fixé un délai d’un mois pour la conclusion d’un tel accord en matière de services de médias audiovisuels à la demande, sous peine de voir appliquer le régime de la vidéo physique aux services de VOD payante à l’acte et qu’un décret fixe les délais pour les autres services de médias audiovisuels à la demande.

L’accord du 6 juillet 2009
La menace du législateur a porté ses fruits : un accord, également relatif aux services de télévision, a été signé le 6 juillet 2009 par les organisations de professionnels du cinéma (exploitants, distributeurs, producteurs), les chaînes de télévision payantes et gratuites (France Télévision, TF1, Arte, Canal+ et M6, l’association des chaînes du câble et du satellite), des éditeurs de vidéo à la demande (Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande, syndicat de l’édition vidéo numérique, Orange et SFR). Les consultations en vue de la conclusion de cet accord avaient été lancées dès le mois d’octobre 2008 par le CNC. Cet accord du 6 juillet 2009 a été conclu pour une durée
de deux ans, tacitement reconductible par périodes d’un an. La grande majorité des dispositions de l’accord a été rendue obligatoire (9) par l’arrêté du 9 juillet 2009.

Intégration des nouveaux médias
Par voie de conséquence, les non-signataires tels la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la Société civile des auteurs-réalisateurs- producteurs (ARP), la Fédération française des télécoms (FFT) ou le Syndicat
de l’édition vidéo numérique (SEVN) sont tout de même soumis à ces dispositions.
La nouvelle chronologie des médias est la suivante :

• Jour J pour la sortie en salles • J + 4 mois pour l’exploitation en vidéo physique et exploitation en VOD payante à l’acte (10) • J + 10 mois pour la première fenêtre d’exploitation en chaîne payante si la chaîne a conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma • J + 12 mois pour la première fenêtre d’exploitation en chaîne payante si la chaîne n’a pas conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma • J + 22 mois pour la seconde fenêtre d’exploitation en chaîne payante si la chaîne a conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma • J + 22 mois pour la première fenêtre d’exploitation en chaîne gratuite si la chaîne applique des engagements de coproduction d’un montant minimum de 3,2 % de son chiffre d’affaires (y compris la part antenne) • J + 24 mois pour la seconde fenêtre d’exploitation en chaîne payante si la chaîne n’a pas conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma • J + 30 mois pour la seconde fenêtre d’exploitation en chaîne gratuite si la chaîne n’applique pas des engagements de coproduction d’un montant minimum de 3,2 % de son chiffre d’affaires (y compris la part antenne • J + 36 mois pour l’exploitation en VOD par abonnement • J + 48 mois pour l’exploitation VOD gratuite.

L’étanchéité des fenêtres a été assouplie. Désormais l’exploitation exclusive dans la fenêtre “télévision” par rapport à la VOD payante à l’acte relève des accords entre les services de télévision et les ayants droit. Par ailleurs, les signataires de l’accord
(s’ils ont pris note que la mise à disposition d’un film dans le cadre d’un service de télévision de rattrapage relevait de la convention passée entre le CSA et l’éditeur du service de télévision) ont tout de même lié cette mise à disposition à la diffusion télévisuelle en linéaire du film et recommandé que cette mise à disposition soit limitée dans le temps et neutralisée en fin de fenêtre. La réforme de la chronologie des médias modernise, sans conteste, « les règles d’exploitation des films afin de les adapter aux nouveaux modes de diffusion », et tend à « favoriser le développement de l’offre
légale ». Toutefois, face au fléau que constitue le piratage pour l’industrie du cinéma,
on peut se demander si cette réforme sera suffisante à cet égard. Le délai de quatre mois entre la sortie en salle et la mise à disposition en VOD payante à l’acte peut paraître trop long.
En effet, les internautes disposent de tous les moyens pour visionner les films qui les intéressent quelques jours après leurs sorties en salle (le piratage consistant parfois
à filmer l’écran de la salle de cinéma), voire avant. Dans ce contexte, ils n’attendront vraisemblablement pas quatre mois pour avoir accès à un film, au surplus payant.
La solution pour lutter efficacement contre le piratage ne résiderait-elle pas dans la simultanéité entre la sortie en salle et l’offre en vidéo à la demande à l’acte plutôt que
dans leur discrimination temporelle ?

Salle et VOD simultanément ?
Telle était la proposition formulée par Luc Besson en décembre 2008 : « Je serais favorable à la création d’une offre premium sur Internet de 48 heures, le samedi
et le dimanche qui suivent la sortie du film en salle. Cette offre pourrait être commercialisée à un prix de 25 à 35 euros ». Mais quel est le « juste prix » que le consommateur est prêt à verser pour visionner un film ? Au-delà de la lutte contre le piratage, d’autres débats sont apparus comme celui de la place de la VOD par rapport à celle du DVD ou celui relatif aux éventuelles distorsions de concurrence issues de la réglementation des fenêtres de télévision payante et des relations entre ces fenêtres et celles de télévision gratuite. L’accord du 6 juillet 2009 prévoit un mécanisme de suivi tous les six mois. Rendez-vous en janvier 2010 ! @

Ephéméride

12 décembre
l Google annonce qu’il teste auprès de certains de ses employés dans le monde un nouveau téléphone mobile fonctionnant sous son système d’exploitation Android, sans préciser s’il s’agira du premier véritable « Google Phone ». Ce smartphone serait baptisé Nexus One et fabriqué par le taïwanais HTC.

14 décembre
l TeliaSonera lance commercialement, en Suède, le premier réseau mondial de quatrième génération de mobile (4G). Ce réseau mobile très haut débit, dit LTE (Long Term Evolution), est équipé par Ericsson. Les débits théoriques sont de 100 Mbits/s descendant (contre 40 Mbits/s pour la 3G+) et 50 Mbits/s montant.
l Les Echos signent avec les syndicats de journalistes un accord sur les droits d’auteur et l’organisation multimédia des différentes rédactions du groupe. Cet accord est l’un des premiers à être signé après la promulgation de la loi « Hadopi » qui adapte le droit d’auteur des journalistes à l’intégration web-papier notamment.

15 décembre
l Free lance l’enregistrement à distance de programmes de télévision pour les abonnés de la Freebox HD. La programmation, immédiate ou en différée sur le magnétoscope numérique, se fait de n’importe où en se connectant sur le site web du fournisseur d’accès à Internet.

16 décembre
l Avatar, la superproduction en trois dimensions (3D) de James Cameron, qui aurait consacré à son film un budget record dans le cinéma de 300 millions de dollars, sort en France sur près de 800 écrans, dont presque 500 en 3D. Le français Ubisoft a édité le jeu vidéo « Avatar : The Game » diffusé dans le monde (voir p 6).
l Orange lance les « atelier de la création » pour soutenir les producteurs français dans la concrétisation de « projets innovants multi écrans » adaptés « aux nouveaux usages et à la convergence entre le web, le mobile et la télévision » (voir EM@ n°3, p. 7). Date limite de dépôt des projets : 31 janvier 2010.

17 décembre
l Sony indique que son livre électronique « e-Reader » va proposer l’accès au « Wall Street Journal » et au « New York Post », deux quotidiens du groupe News Corp. Le premier sera à 14,99 dollars par mois (plus 5 dollars pour la version « Plus » après la clôture de la Bourse) et le second à 9,99 dollars.
l Médiamétrie publie pour les premiers résultats des audiences en France de la « catch up radio », ou radio de rattrapage (écoute différée en téléchargement de podcasts, streaming ou webradio d’émissions déjà diffusées à l’antenne). Pour novembre 2009, France Inter arrive en tête (voir Indicateur p. 10 et Chronique p .12).
l L’Arcep se félicite de la publication au Journal Officiel de la loi « Pintat » de lutte contre la fracture numérique (voir EM@ n°3, p. 3), qui prévoit que « l’attribution des fréquences du dividende numérique (très haut débit mobile) tient prioritairement compte des impératifs d’aménagement numérique du territoire ».

18 décembre
l Google, qui va faire appel, est condamné à verser 300.000 euros de dommages et intérêts aux éditions du Seuil, Delachaux & Niestlé et Harry N. Abrams (groupe La Martinière), ainsi qu’au Syndicat national de l’édition (SNE) et à la Société des gens de lettres (SGDL), pour avoir numérisé des livres sans autorisation.
l Free Mobile est retenu par l’Arcep, le régulateur des communications électroniques, pour être le quatrième opérateur mobile de troisième génération (3G). La filiale mobile du groupe Iliad recevra son autorisation d’utilisation de fréquences en janvier 2010 et promet d’ouvrir ses services dans deux ans, en 2012.

19 décembre
l Canal+ signe avec le cinéma français – représenté par le Bloc (mais pas le Blic), l’UPF et l’ARP – un accord selon lequel la chaîne cryptée porte ses obligations de financement des oeuvres européennes de 12 % à 12,5 %, et de 9 % à 10 % pour la production française (droits de « catch up TV » et prime au succès de 0,5 % inclus).

22 décembre
l Apple prépare le lancement pour 2010 d’un service de télévision sur Internet accessible par abonnement, via iTunes et sur l’Apple TV, afin d’offrir l’accès à des séries de chaînes de télévision américaines. Et selon le « Wall Street Journal », le fabricant de l’iPhone et de l’iPod aurait déjà convaincu CBS et Walt Disney. @

L’âme des objets

Je me souviens d’un temps que j’ai bien connu, où les
objets étaient simplement… des objets inanimés et où
l’on se plaisait à imaginer qu’ils pouvaient avoir une âme. Aujourd’hui, parmi les milliards d’objets qui nous entourent et qui nous servent, une forte proportion sont dit
« intelligents ». Grâce à une puce intégrée, ils sont porteurs de leur identité ; ils enregistrent des informations et parfois communiquent entre eux et surtout avec nous ! Les possibilités offertes par ces nouvelles propriétés semblent infinies… L’avènement des objets intelligents dans notre quotidien a été
une véritable révolution.
Révolution douce et irréversible de nos habitudes, aux conséquences sociales et économiques profondes, comme en son temps la machine à laver ou le réfrigérateur.
Ce matin après avoir claqué la porte, mon manteau s’est immédiatement adapté aux conditions extérieures – pluie légère et froid piquant –, tandis que son col, qui intègre l’ensemble des outils de communication de base, me permet d’écouter les nouvelles
du matin sur ma station radio préférée. Un rapide coup d’œil sur la manche droite me permet de prendre connaissance du planning de la journée. Je n’ai même pas eu besoin de sortir mon téléphone mobile pour prendre un premier appel : le micro et l’oreillette intégrés dans le col permettent de répondre directement.

« Mon téléphone mobile est quant à lui devenu
une
véritable télécommande universelle, ou encore
mieux,  
une souris me permettant d’agir sur l’espace
qui m’entoure. »

Mon téléphone mobile est quant à lui devenu une véritable télécommande universelle,
ou encore mieux, une souris me permettant d’agir sur l’espace qui m’entoure. D’un clic dirigé vers une affiche annonçant un concert qui m’intéresse, j’obtiens immédiatement
les informations utiles : les détails sur le programme, les dernières critiques et les places encore disponibles. Si je veux, je peux réserver à l’instant.
Je suis rassuré, car je viens de recevoir les alertes – toutes au vert – du bulletin
de santé quotidien de mon père, enregistré par sa puce implantée qui mesure les indicateurs clés et les transmets à son médecin et à ses proches. Son état nécessite une vigilance constante, et nous sommes rassurés de savoir que nous pouvons lui venir en aide rapidement si cela s’avére nécessaire.

Il m’arrive encore d’être surpris lorsque je rentre le soir chez moi et que mon salon tout entier s’adapte instantanément à mes goûts, de la lumière d’ambiance aux motifs sur les murs en passant par ma musique préférée du moment. L’Internet aujourd’hui, ce sont près de 3 milliards d’êtres humains connectés, contre 1 milliard en 2008. Mais
ce sont également 20 milliards de sites Web correspondant à des lieux virtuels et
des objets communiquant les uns avec les autres en permanence, sans intervention humaine.
Ce sont enfin 200 milliards d’objets communiquant et tous associés à leur site Web : objets intégrés dans les murs, robinets, poignées de portes, réfrigérateurs, clés, automobiles, vestes, parapluie, valises, sacs à main, pacemakers, téléphones portables… Auxquels s’ajouteront sans doute bientôt d’autres milliards de poussières intelligentes ou « smart dusts » : une galaxie de micro-machines – puces équipées de capteurs, senseurs, processeurs, radios et générateurs qui forment, par leur nombre, un réseau communicant – intégrées dans notre environnement et régulant notre vie quotidienne. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique “2020” : La radio
* Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et
commercial de l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécoms en
Europe). Rapports sur le sujet : « M2M : The Machine-to-Machine
Market » de Samuel Ropert et « RFID & Internet of Things »
de Vincent Bonneau – www.idate-research.com