Dieux vidéo

Encore une fois, je me suis laissé prendre au jeu, au jeu vidéo bien sûr. 4 heure du matin, décidément pas une heure pour se coucher quand on doit reprendre son travail
à 8 heures après avoir traversé deux banlieues et un périphérique. Mais comment résister ! Je viens tout juste de commencer la nouvelle version en ligne d’un de mes jeux préférés de construction d’empires, et qui tient vraiment ses promesses. Grâce à mon casque 3D immersif à 360°, je rentre intégralement dans un univers virtuel en haute définition et en relief. Un système de caméra et de capteurs, saisit mon image et mes mouvements, me transformant en manette de jeu et projetant mon avatar au cœur de l’action d’un univers persistant, massivement multijoueurs.

« Depuis 2000, date à laquelle ce secteur est passé devant le cinéma, il talonne désormais le secteur de la musique – les jeux vidéo ont commencé leur marche vers l’âge adulte. »

J’ai déambulé dans les rues de Pompéi une grande partie de la nuit avant de comprendre que la clef de l’énigme était enfermée à double tour dans une cassette détenue par Pline le Jeune, l’un de mes meilleurs amis resté à Misène. Le temps de disputer une partie d’échec délicieusement anachronique avec Jules (César bien sûr)
et la nuit était déjà bien entamée. Les jeux vidéo ont su rester ce laboratoire des technologies et des usages innovants, en poussant toujours plus loin le potentiel des équipements et des logiciels. Cependant, même les jeux les plus simples continuent
de se développer – c’est toujours un plaisir de se faire un bon vieux casse-briques – dessinant une industrie de plus en plus complexe. Force est de constater que l’univers du jeu a peu à peu envahi l’ensemble du champ des applications et des supports : les jeux pour tous, partout et tout le temps.
Une civilisation du Jeu semble bien être en train d’approfondir notre civilisation des loisirs apparue au tournant des années 1960. Même si je résiste vaillamment, je pourrais facilement passer chaque moment de ma journée en jouant. Mes terminaux mobiles – smartphone, tablette, eBook – me permettent de jouer dès que j’ai un moment de libre dans les transports ou en faisant la queue. Durant la journée – oui même au travail – les occasions de jouer sont fréquentes : entre un jeu occasionnel (casual game), un de ces multiples jeux en ligne plébiscités par les contacts de mon réseau social préféré, ou plus sérieusement en révisant une nouvelle procédure sur
un serious game récemment acquis par mon employeur. Cette montée en puissance
a donné lieu a une véritable guerre de position entre les consoliers d’hier, les tenants
du couple gagnant « terminaux mobiles-apps » et les nouveaux grands studios de création – dans une filière qui se dématérialise rapidement. Avant les jeux, la musique et la vidéo ont montré le chemin. Terminé les magasins où nous courrions découvrir les nouveautés et les bonnes occasions.

L’avenir du jeu se joue désormais en ligne et à très haut débit. Depuis le lancement
de Pong en 1972 et le record en 1986 de Zelda, premier jeu millionnaire en joueurs, l’industrie des jeux vidéo à fait du chemin. Depuis 2000, date à laquelle ce secteur est passé devant le cinéma, il talonne désormais le secteur de la musique – les jeux vidéo ont commencé leur marche vers l’âge adulte. C’est ainsi que le cinéma et le jeu vidéo ont désormais amorcé leur fusion, annoncée dès 2009 par le réalisateur mexicain Guillermo del Toro.
Les plus grandes signatures du moment, dont Steven Spielberg, Peter Jackson, ou James Cameron, mettent désormais leur talent à l’écriture des scénarios des jeux les plus exigeants. L’univers des jeux est ainsi presque aussi riche que la diversité des œuvres romanesques d’autrefois, pour le pire – telenovelas et combats en tout genre – et le meilleur – thriller, reconstitution historique, drame psychologique, biopic – sans oublier les univers roses et adultes qui sont à l’origine de véritables empires industriels.
Les stars sont également de retour. Idéales et inaccessibles, elles semblaient avoir disparu avec Marylin. De nouvelles actrices et acteurs virtuels peuplent désormais l’imaginaire des foules : déesses idéales car reconstruites et inaccessibles par définition, ces égéries d’un nouveau genre nous donnent rendez-vous certains soirs sur les murs animés de nos appartements pour des aventures qui donnent le vertige. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique “2020” : La télévision
Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et
commercial de l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe).
Rapport sur le sujet : « Le marché mondial des jeux vidéo » et « In-Game
advertising », par Laurent Michaud – www.idate-research.com