La fibre optique à domicile disqualifiée par le VDSL ?

En fait. Le 9 juin, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) s’est dit « surpris et déçu » par le peu d’abonnés à la fibre optique à domicile – 80.000 (sans les 290.000 de Numericable) – sur les 800.000 foyers raccordés. La faute à l’ADSL et au VDSL ?

En clair. Le marché mondial de la fibre optique est encore loin de détrôner l’ADSL
qui reste le moyen le plus répandu – dans 61,4 % des cas – pour accéder à l’Internet haut débit, tandis que la fibre optique jusqu’à l’immeuble (FTTB) ou à domicile (FTTH) est encore à 8 %. Il n’y a qu’au Japon où la fibre a dépassé le cuivre (en 2009). Selon l’Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe (Idate), qui organise le 16 juin les 4e Assises du très haut débit (1), « les marchés du très haut débit progressent rapidement » et devrait atteindre fin 2010 les 52 millions d’abonnés dans le monde,
4,1 milliards en Europe, dont près de 1 million en France (955.600 précisément).
Mais le 100 Mbits/s se font encore attendre pour le plus grand nombre. La faute à
« trop cher » ? Raccorder tous les Français à de la fibre optique – d’ici à 2025 comme le souhaite Nicolas Sarkozy – coûterait 30 milliards d’euros, le grand emprunt n’ayant prévu que 2 milliards (EM@2 p. 3). La Datar (2), elle, estime que le coût pouvait être ramené à 18 milliards si l’on termine le réseau très haut débit par d’autres technologies comme la 4G mobile. Mais c’est oublier un peu vite l’ADSL, qui n’a pas encore dit son dernier mot dans la diffusion audiovisuelle (IPTV et VOD en tête). Selon nos informations, l’Union internationale des télécoms (UIT) va officialiser la norme
« G.Vector » ou « G.993 .5 » permettant à l’ADSL de se transformer en « VDSL3 » capable d’atteindre de 100 à 500 Mbits/s sur une distance allant de 500 mètres à 1 kilomètre. « Grâce à la technologie DSM (Dynamic Spectrum Management) que nous avons développée, les lignes de cuivre vont pouvoir facilement offrir des débits 100 Mbits/s avec une très bonne qualité entre le point de terminaison
de la fibre (sous – répartiteur, immeuble, …) et le raccordement de l’abonné via une ligne téléphonique. Et avec le “bonding”, qui consiste à fusionner deux ou trois paires de cuivre, les 500 Mbits/s sont même possibles », explique à Edition Multimédi@ John Cioffi, l’Américain co-inventeur de l’ADSL (3) dans les années 80 et actuel PDG – fondateur de la société Assia. En France, SFR est l’une de ses grandes références européennes (avec Deutsche Telekom, Telefonica ou encore Swisscom). Selon lui, le coût de déploiement de la fibre à domicile est prohibitif : « 2.500 dollars par abonnés pour le FTTH, contre 100 dollars par abonnés VDSL (auxquels il convient d’ajouter
100 à 200 dollars pour la fibre à 1 kilomètre) ». Disponibilité : 2011. @

Le rendez-vous manqué des industries culturelles

En fait. Les grandes absentes du colloque « neutralité des réseaux » de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), le 13 avril, étaient les industries culturelles (musique, cinéma, édition) et leurs ayants droits, ainsi que les médias audiovisuels traditionnels (télévision et radio).

En clair. Le colloque de l’Arcep a donné l’impression que la question cruciale de la Net neutralité ne concerne que les opérateurs télécoms, les fournisseurs d’accès à Internet, les acteurs du Web et les internautes eux-mêmes. A la tribune, aucun représentant de la musique, du cinéma, de l’édition (nouvel entrant dans le numérique), de la télévision ou encore de la radio. Selon nos informations, Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Association des producteurs de cinéma (APC) a été auditionné sans vidéo et le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a demandé à l’être…
Tout juste a-t-on cinq interviews vidéo sur les 21 mises en ligne sur le site web du régulateur des communications électroniques pour avoir un léger aperçu de ce que ces industries culturelles et audiovisuelles pensent du principe de neutralité des réseaux, qu’elles empruntent allègrement à coup de téléchargements, podcats, flux en streaming, voire en simulcasting. Ainsi, le directeur général de la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD), Pascal Rogard, déclare que « la Net neutralité ne peut pas être la Net impunité » et que l’« on ne peut pas, au nom d’un concept encore extrêmement vague, continuer de légitimer le pillage de la propriété littéraire et artistique ». Le président de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Bernard Miyet (1), le dit autrement : « La neutralité, c’est cette possibilité d’accès multiple à tout le patrimoine dans le respect de la propriété et du droit de chacun à vivre de sa création » RTL craint d’être « traité comme un citoyen de seconde zone par rapport aux géants de l’Internet comme Google ou Yahoo » et TF1 rappelle que « l’audiovisuel est partie intégrante des offres avec le triple play ». Seul,
le 13 octobre, Jean Musitelli, membre de l’Hadopi (2), était le mieux à même de parler au nom des ayants droit lors du colloque : « La neutralité du Net implique de trouver
un point d’équilibre. Mais que l’intérêt général ne devienne pas la seule variable d’ajustement. Il faut aussi assurer la protection de la propriété intellectuelle et la diversité culturelle. La neutralité ne peut être l’alibi de l’illégalité et des contenus illicites. La loi [Hadopi] a prévu un dispositif d’avertissements et de sanctions, avec l’autorité judiciaire. Car la neutralité [du Net] est ni laxiste ni intrusive. (…) Les réseaux n’ont pas réussi à valoriser les contenus », a-t-il expliqué. @

Le web et le cinéma critiquent le décret « SMAd »

En fait. Le 16 avril, s’est achevée la consultation publique de la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
sur le projet de décret sur les médias audiovisuels à la demande.

En clair. Le projet de décret sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), qui prévoit les contributions de préachat ou de coproduction de films européens ou français, ne fait pas l’unanimité ! Après l’opposition de Marc Tessier, président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVD), à ce texte « qui
ne se comprend pas » (lire EM@ 11, p. 4), c’est à l’Association des services Internet communautaires (ASIC) de critiquer ce texte. Pour ses membres, comme Dailymotion ou Youtube (Google), « une réelle ambiguïté demeure quant au champ d’application de ces mesures ». Car le projet de décret semble méconnaître « la frontière entre SMAd
et services d’hébergement ». L’Asic, coprésidée par Giuseppe de Martino (Dailymotion) et Pierre Kosciusko-Morizet (PriceMinister), demande donc au ministère de la Culture et
de la Communication – dans leur contribution que Edition Multimédi@ s’est procurée –
de maintenir cette frontière « en remplaçant systématiquement [dans le texte] le terme “éditeurs de services” par le terme “éditeurs de services de médias audiovisuels” ».
Et, dans le cas d’offre combinant par exemple vidéo à la demande (VOD) et hébergement de contenus des internautes, seule la partie du chiffre d’affaires générée par l’activité « SMAd » (VOD, catch up TV, …) devrait être concernée. De même, le seuil de déclenchement des 15 millions d’euros prévu pour la VOD par abonnement ou à l’acte ne devrait concerner que le chiffre d’affaires « SMAd ». Insatisfaction également du côté du cinéma. Alors que le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) – qui a obtenu un délai d’une semaine (1). – n’a répondu qu’en fin de semaine dernière, la Socièté civile des Auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) demande, elle, à une
« scission plus claire, dans le régime des obligations, entre télévision de rattrapage (…) et des SMAd », afin de « lever une ambiguïté ». En outre, selon elle, le décret devrait préciser le régime applicable aux SMAd « mixtes » (à l’abonnement et à l’acte). L’ARP répète ce qu’elle a déjà dit au Conseil supérieur audiovisuel (CSA), à savoir opter pour « un régime adapté d’obligations pour les SMAd qui réalisent entre 5 et 15 millions d’euros de chiffre d’affaires » et à un autre régime « d’obligations plus importantes pour les services d’abonnement et les services mixtes ayant des recettes d’abonnement majoritaires qui réalisent plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires net annuel » @

Free mise tout sur les « tuyaux » : et les contenus ?

En fait. Le 23 mars, le groupe Iliad a publié ses résultats pour 2009 : chiffre d’affaires en progression de 25 % à 1,95 milliard d’euros et bond du bénéfice
net de 75 %, à 175,9 millions d’euros. Il vise les 5 millions d’abonnés en 2011,
avec notamment la fibre optique. En attendant Free Mobile en 2012.

En clair. Le groupe contrôlé par le fondateur de Free, Xavier Niel, mise à fond dans
les « tuyaux ». Contrairement à Orange ou dans une moindre mesure SFR, le deuxième fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne s’intéresse aux contenus que pour les distribuer. Le directeur général d’Iliad, Maxime Lombardini, réaffirmait devant l’Association des journalistes médias (AJM) en janvier dernier que son groupe
« n’av[ait] pas vocation à être producteur de contenus ». Alors que Orange coproduit des films (Studio 37) ou que SFR investit dans la musique (SFR Music), Free peut-il continuer à ne pas s’impliquer plus directement dans les contenus ? Peut-il se contenter d’une « alliance objective » (dixit un représentant du cinéma français) avec Canal+ dans la distribution du bouquet de télévision (offre promotionnelle Canal+ à
1 euros par mois) et de CanalSat par ADSL ? Comme l’a montré l’institut d’études économiques Coe-Rexecode, les marges les plus élevées sont désormais généré dans les services et contenus numérique mais pas dans les « tuyaux » (lire EM@9 p. 7). Faiblement endetté, Free pourrait se permettre de monter dans la chaîne de valeur.
Au lieu de cela, le « troublion des télécoms » mise à fond sur le déploiement d’infrastructures. L’année 2012 s’annonce d’ailleurs la plus délicate pour car
il lui faudra d’ici-là investir environ 1 milliard d’euros dans un réseau très haut débit mobile pour lancer Free Mobile et quelque 1 milliard d’euros supplémentaires pour déployer son réseau très haut débit en fibre optique, sans compter le prix de la quatrième licence UMTS de 240 millions d’euros. Or, investir aussi dans des contenus nécessiterait encore plus de cash, seul Orange étant capable de mener de front ces deux stratégies et de concurrencer Canal+. Xavier Niel n’a-t-il pas prédit qu’ « avant la fin de l’année, le prix du “triple play” (1) en France va augmenter (…) de l’ordre de cinq euros » ? Pour l’heure, Free compte plus de 3,778 millions d’abonnés. Avec Alice racheté en 2008 à Telecom Italia, le groupe Iliad en totalise 4,456 millions. Mais Alice
lui en a fait perdre 158.000 en un an, notamment au profit de SFR qui pourrait lui ravir la place de numéro deux derrière Orange. Mais Thomas Reynaud, le directeur financier du groupe contrôlé par le fondateur Xavier Niel, reste confiant pour l’année 2010 et vise les 5 millions d’abonnés en 2011. @

eEurope : – 4,5 millions d’« emplois » d’ici à 2015 ?

En fait. Le 17 mars, la Chambre internationale de commerce (ICC) a publié une étude intitulée « Promouvoir l’économie numérique ». Elle a calculé que les industries créatives en Europe pourraient perdre, rien que cette année, jusqu’à
17 milliards d’euros et 345.000 emplois à cause du piratage en ligne.

En clair. Depuis qu’elle a créé en 2005 une instance, baptisée BASCAP (Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy) pour « appeler les gouvernements à s’engager plus dans l’application et la protection des droits de propriété intellectuelle », la Chambre internationale de commerce s’est fixée comme objectif de « rendre le public conscient de l’ampleur de la contrefaçon et du piratage et des dommages liés ». Selon son étude commandée au du cabinet de conseil parisien Tera Consultants et rendue publique à Bruxelles, « le piratage numérique, qui recouvre les diverses formes du piratage en ligne, dont l’échange de fichiers (peer to peer – P2P), est le responsable
de la majeure partie des pertes économiques des industries créatives ». Résultat : le manque à gagner total des industries créatives au sens large – musique, cinéma, télévision, édition, publicité, services en ligne de distribution de contenus ou encore logiciels – risque de s’élever à un total cumulé de 217 milliards d’euros de 2010 à 2015 dans l’Union européenne « si la politique actuelle ne change pas » (1). Et selon nos informations, cela provoquerait une perte totale et cumulée supérieure à 4,5 millions
de « pleins temps annuels » sur ces cinq ans, dont 1,2 million d’emplois en 2015. Car, si les médias n’ont retenu que ce dernier chiffre « cumulatif », l’impact social du piratage numérique pourrait être bien plus négatif.
« Le piratage numérique pourrait provoquer entre 2010 et 2015 la perte d’environ
4.5 millions de pleins temps annuels, si l’on prend cette unité de mesure et non pas
la notion d’emploi stricto sensu », indique à Edition Multimédi@ Patrice Geoffron,
directeur de l’étude et professeur à l’Université Paris-Dauphine. C’est beaucoup
au regard des quelque 14 millions d’emplois actuels en Europe dans les industries créatives. Cette hypothèse haute de destruction de valeur et d’emplois s’appuie sur
le scénario le plus sombre avancé par Tera Consultants, à savoir une croissance du piratage numérique sur Internet qui prend en compte non seulement les échanges
de fichiers via les réseaux P2P, mais aussi le streaming. Alors que dans le scénario
le moins sombre, où seuls les échanges de fichiers sont considérés (mais pas toutes communications effectuées via le protocole IP), les dégâts s’élèvent à 144 milliards entre 2010 et 2015, et un total d’un peu plus de 2,7 millions de pleins temps annuels. @