Canal+ 100 % numérique en position dominante

En fait. Le 22 novembre, le président du directoire du groupe Canal+, Bertrand Méheut, a dressé un état des lieux de la première chaîne payante française au moment de son basculement dans le tout-numérique. Mais il n’a pas dévoilé
le nombre actualisé d’abonnés, lesquels étaient 10,8 millions à fin 2009.

En clair. Bertrand Méheut a indiqué qu’à fin septembre le portefeuille d’abonnés aux chaînes Canal+ et CanalSat avait progressé de 245.000 clients sur un an en France :
« Plutôt satisfaisant », a-t-il estimé. Le revenu moyen par abonné de 45 euros a augmenté de plus de 1,50 euro par rapport à il y a un an. Et la première chaîne payante compte faire mieux grâce à son nouveau décodeur par satellite doté d’un disque dur WiFi et HD pour enregistrer 150 heures de programmes et à la diffusion de toutes ses chaînes sur la console de jeux Xbox de Microsoft, ainsi que sur ordinateur. Comme la fin de l’année – Noël oblige – constitue pour Canal+ la période la plus importante pour recruter de nouveaux abonnés, la chaîne cryptée pourrait accroître son emprise sur le marché français de la télévision payante où il est déjà en position dominante (plus de 60 % de part de marché). Sur plus de 5 millions d’abonnés à Canal+ (bouquet premium hors CanalSat et TNTSat), 60 % reçoivent la chaîne cryptée par satellite, 19 % par la télévision numérique terrestre (TNT), 15 % par l’ADSL et 7 % par le câble. Grâce à la l’ADSL, Canal+ recrute la moitié de ses nouveaux clients, suivie par le satellite.
L’Autorité de la concurrence a estimé le 16 novembre qu’elle ne pouvait pas remettre en cause les exclusivités conclues par Canal+ avec TF1, M6 et Lagardère sur le satellite, la TNT et l’ADSL, ces clauses ayant été validées par le gouvernement en 2006 après la prise de contrôle de TPS (1) et CanalSat par Vivendi Universal. Malgré les plaintes du groupe AB et de RTL9 en 2007 et de France Télécom en 2008 sur ces exclusivités sur le satellite, l’ADSL, le FTTH (2) ou mobiles, comme pour une trentaine de chaînes indépendantes (comme celles de Universal, Disney, Fox, Turner et MTV),
il n’y aura donc pas de sanctions contre Canal+. Pour autant, les sages de la rue de l’Echelle garde Canal+ sous surveillance pour toutes les exclusivités conclues postérieurement à 2006 : extension des exclusivités à la fibre optique, à la télévision
de rattrapage et à « tout nouveau support de diffusion » de TF1 et Lagardère, ainsi
qu’à d’autres éditeurs de chaînes indépendants (3). Il s’agit de déterminer l’éventuelle existence d’un effet de cumul (« verrouillage ») induit par leur superposition sur le marché, estime l’Autorité de la concurrence. L’instruction complémentaire continue. @

Le Geste se renforce dans l’audiovisuel en ligne

En fait. Le 23 novembre, Philippe Jannet, le président du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) a dressé – pour la dixième année – un bilan de son action lors de la 25e Assemblée générale qui s’est tenue dans les locaux du quotidien Le Monde (où il est PDG du Monde Interactif).

En clair. Si l’année 2010 du Geste a été marquée par l’évolution de la presse en ligne (statut de presse en ligne, première année du fonds SPEL (1), réforme du droit d’auteur des journalistes par l’Hadopi 2, le CFC générant plus de revenus du numérique que le papier, …), l’année 2011 sera en priorité placée sous le signe de l’audiovisuel en ligne. Lors de la 10e AG du Geste, son président a annoncé « pour tout début 2011 l’organisation d’une journée de réflexion et d’échanges sur les nouveaux supports, tablettes, mobiles et télévisions connectées ». Bertrand Gié, président de la commission « Audiovisuel et nouveaux médias » du Geste et par ailleurs directeur délégué des nouveaux médias du groupe Le Figaro (2), a précisé que cette « journée prospective » se tiendra en deux temps : une matinée sur la TV connectée et une aprèsmidi sur les tablettes et nouveaux supports audiovisuel connectés. « Les questions du modèle économique, de la publicité, des possiblité techniques y seraient précisément traitées », indiquet- il. Un des deux juristes du Geste, Maxime Jaillet, constitue un groupe de travail juridique sur le sujet (neutralité des terminaux, affichage des widgets, …). Des discussions auront lieu courant 2011 avec les opérateurs télécoms et les fabricants de téléviseurs. Il s’agit pour l’organisation professionnelle
de faire entendre la voix des éditeurs intéressés par la TV connectée, qui ne sont pas forcément des Google, Yahoo ou Apple… « Un média spécialisé comme Equidia, des opérateurs de jeux en ligne comme Betclic, le distributeur multi-contenus Zaoza et maintenant Allociné [nouvel adhérent, tout comme MySkreen, ndlr] sont des exemples de membres du Geste positionnés sur ce terminal », explique-t-on à EM@. Cet ancrage dans l’audiovisuel en ligne concerne aussi la TNT (3), avec l’Association pour le développement des services TV évolués et interactifs (AFDESI), dont le délégué général, Jean Dacie, nous indique qu’un dossier d’expérimentation a été déposé au CSA en vue d’obtenir l’autorisation « dans les prochaines semaines ». Un portail baptisé « Mes Services TV » et basé sur la technologie de TV connectée HbbTV sera testé au premier semestre 2011. Le Geste y mettra son flux RSS « Alerinfo » renvoyant vers les contenus de ses éditeurs membres. La commission « Audiovisuel et nouveaux médias » se penche également sur le sort des webradios (4). Celles-ci demandent à bénéficier d’une extension de la licence légale (4 % à 7 % des revenus) appliquée aux seules radios hertziennes. @

Les ayants droits attendent les SMAd au tournant

En fait. Le 22 novembre, la Société civile des auteurs multimédias (Scam)
– dirigée par Hervé Rony depuis cet été – s’est « réjouie » de la publication
au JO le 14 novembre du décret sur les SMAd (VOD, catch up TV, …), malgré
des obligations « en-deçà » de celles imposées aux chaînes télévisions.

En clair. Décidément, à moins d’un mois de son entrée en vigueur, le 1er janvier 2011,
le décret SMAd suscite toujours des réactions mitigées depuis que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en a limité la portée. Après la filière cinématographique (1) déçue par la nouvelle mouture officialisée (2), ce fut au tour des auteurs multimédias de regretter que les obligations de financement de la production de films français imposées aux SMAd (3) soient « endeçà des obligations auxquelles ont souscrit les télédiffuseurs linéaires ».
La Scam faisait partie des organisations d’ayants droits demandant que ces obligations soient alignées sur celles des chaînes de la TNT et du câble. Au-delà du fait que seuls sont concernés les services en ligne proposant au moins 10 films ou 10 œuvres audiovisuelles, la Scam avait estimé que le seuil de déclenchement fixé à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires était à lui seul suffisant pour prendre en compte le caractère émergent de la vidéo à la demande (VOD) : « Ce seuil permet déjà à la grande majorité des services concernés d’échapper aux engagements d’investissements qui sont ceux des autres diffuseurs ». La télévision de rattrapage (catch up TV) n’est pas concernée par ce seuil car elle est assimilée à la chaîne dont elle dépend. Mais le CSA a
« surenchéri » en instaurant une progressivité « qui a pour effet d’amoindrir encore les obligations des SMAD », selon la Scam. Résultat : le décret prévoit une montée en charge des obligations de production des services de VOD à l’acte et par abonnement. En effet, le décret indique que les taux pleins – à savoir la part du chiffre d’affaires annuel net consacrée à la production des films – sont atteints à la troisième année d’activité seulement après deux taux moindres applicables. Exemple : 8 % la première année, 10 % la seconde et 12 % la troisième pour les films français proposés après leur sortie en salle au-delà de 36 mois (4). Mais ce premier décret suffira-t-il à laisser ces services émergents devenir plus mature et plus solides financièrement pour affronter
la concurrence des Google TV, Apple TV et autres Hulu ? Rendez-vous dans 18 à 24 mois, prévoit le texte. En attendant, le CSA a lancé le 26 novembre un appel à candidatures pour des SMAd sur le multiplexe R3 de la TNT. Tandis qu’est attendu pour mi-décembre le rapport de Sylvie Hubac, conseillère d’Etat à qui le CNC a confié la mission de faire des propositions de « rémunération minimale garantie » pour l’exploitation de films de cinéma sur les SMAd. @

TV Connection

Dix ans exactement se sont écoulés depuis le début de
ce qu’il est convenu d’appeler la guerre des téléviseurs connectés. Décennie mouvementée durant laquelle nous sommes passés du tube cathodique passif venu du 20e siècle à l’écran plat désormais interactif par la grâce d’une toute simple connexion à l’Internet. Tout aurait pu être très simple, mais tout fut en fait très compliqué. Les technologies disponibles ont d’abord pu faire croire que la TV interactive était pour bientôt.
On était alors en 2000 et on entrait seulement dans une longue phase expérimentale. Celle des pionniers qui, comme le groupe Sky au Royaume-Uni, proposèrent les premiers contenus interactifs. Le must était alors de pouvoir commander sa pizza en un clic sur une télécommande. Mais c’est Google qui mit le feu aux poudres en 2010 en lançant, en même temps que sa Google TV, une grande manœuvre visant à faire main basse sur les recettes publicitaires, après avoir capté la publicité sur Internet et posé ses jalons sur les mobiles. Un véritable feu d’artifice. Avec le recul, il semble bien que cette frénésie était justifiée. Nous étions arrivés au point de rupture : celui où les équilibres du passé cèdent avec fracas sous les pressions conjuguées de l’innovation technologique et de nouveaux venus tentant de faire leur place au soleil.

« Le téléviseur est demeuré l’écran central du divertissement au sein du foyer et le point d’accès unifié à tous les contenus »

Walt Disney : un géant fragilisé par le numérique ?

En fait. Le 11 novembre, le groupe Walt Disney a publié les résultats de son
année fiscale achevée le 2 octobre 2010 : bénéfice net en hausse de 20 % à
près de 4 milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires en augmentation de 5 %
à 38 milliards. Un conglomérat en quête de stratégie numérique.

En clair. Le plus gros conglomérat au monde avec ses 144.000 salariés (dont 300 personnes en France) et ses cinq grandes activités – réseaux de télévisions, parcs
et hôtels, studio de cinéma, produits, médias interactifs – termine son année fiscale sur une fausse note : notamment une baisse significative de la télévision (réseau câblé sportif ESPN, Disney Channel et chaîne ABC) durant son quatrième trimestre, tant en chiffre d’affaires (- 7 %) qu’en résultat opérationnel (- 18 %). Comme cette activité pèse pour 45 % du total des revenus du groupe, ce fléchissement dû à un « changement dans les recettes de la TV payante » a déçu. Le modèle de la TV payante subirait-il
le contrecoup de la vidéo sur le Net ? Cinq ans après le départ de son ancien PDG, Michael Eisner, Disney semble chercher une vraie stratégie numérique. Il n’a pas le contrôle de Hulu – plateforme de VOD et de catch up TV dans laquelle Disney/ABC a coinvesti en 2007 avec Fox et NBC Universal – et regarde déjà du côté de l’Apple TV. ABC a réduit ses effectifs et se numérise, tandis que Disney espère que sa plate-forme de VOD, KeyChest, sera prête en fin d’année. Heureusement, le succès record de
« Toy Story 3 » au cinéma et en DVD (Blu-Ray compris) a compensé le manque à gagner. L’acquisition de Pixar en 2006 commence à porter ses fruits et Disney en espère encore beaucoup lors de la sortie à l’été 2011 de « Cars 2 » (1), qui sera aussi en exclusivité sur la PS3. Au printemps dernier, Disney a annoncé la fermeture des studios ImageMovers Digital. Disney est, en outre, tenté de bousculer la chronologie des médias, « Alice au pays des merveilles » ayant déclenché une polémique en Europe après sa sortie DVD moins de trois mois après sa sortie en salle. Dans la branche produits (rentable) et les médias interactifs (déficitaire), le DG de Disney, Robert Iger, a précisé qu’il allait maintenant « moins investir dans les consoles de jeu, mais plus dans les jeux vidéo en ligne ». En juillet dernier, Disney a fait deux acquisitions : Playdom, éditeur spécialisé dans les jeux pour réseaux communautaires comme MySpace avec Mobster ou encore Facebook avec Treetopia ; Tapulous, éditeur de jeux pour l’iPhone/iPod/iPad, pour « devenir le leader du divertissement mobile ». Quant aux livres numériques, Disney entend adapter sa e-librairie DineyDigitalBooks aux tablettes. « Les médias numériques évoluent encore, nous en sommes au début
du début », avait lancé Robert Iger en début d’année. @