Montres et lunettes connectées

Parmi la liste sans cesse plus longue de nos objets connectés, deux méritent une attention particulière. Ils
nous sont très familiers et nous accompagnent depuis si longtemps, tout en se transformant au fil des siècles. La montre et nos lunettes font en effet partie de ces objets qui ont su se rendre indispensables et s’adapter. L’année 2013 marqua de ce point de vue un tournant intéressant, même si nous considérons aujourd’hui que ce fut en fait leur chant du cygne. Le début de la première décennie de ce siècle fut pourtant marqué par une série d’innovations portées par la vague montante de l’Internet des objets. Google ouvrit le bal par l’annonce fracassante de ces fameuses « Glass », présentées comme le complément indispensables de nos smartphones qu’il n’était plus alors nécessaire de sortir tout le temps de sa poche. Un terminal d’un nouveau genre qui demanda quelques années de développement avant d’être mis sur le marché en 2014. Avant même d’être disponibles, un écosystème complet se mit en place autour de nombreux services de Google (recherche, prise de photos, tournage de vidéos, lecture
ou diction d’e-mails, suivi d’itinéraires, …).

« Alors que la famille des “wearable
communication devices” ne cesse de s’agrandir,
les lunettes et les montres, connectées ou pas,
disparaissent peu à peu. »

Devant la révolution annoncée, un an avant la sortie officielle, Facebook et Twitter parmi beaucoup d’autres, s’invitèrent dans les lunettes connectées de Google, en proposant des applications complémentaires (comme l’ajout dans son fil d’actualité de photos prises directement avec les lunettes). Au même moment, le Congrès des Etats-Unis demandait
à Google des explications sur la manière dont seraient gérées les données personnelles et surtout, si la question de la protection de la vie privée de personnes susceptibles d’être filmées à tout moment, à leur insu, était bien prise en compte. Certains n’attendirent même pas leur lancement pour les interdire, comme certains casinos de Las Vegas, certains bars ou certaines salles de cinémas.
Ce nouvel écran, qui a popularisé les applications de réalité augmentée, a bien sûr aiguisé les convoitises. Alors que Google misait sur un rythme d’introduction de ses lunettes très progressif afin de tenir compte des réticences éventuelles, les concurrents ce sont très vites lancés dans son sillage : L’américain Microsoft, le japonais Sony, le chinois Baidu, … De nombreuses start-up tentèrent de proposer des alternatives sur ce marché naissant, comme les deux français Optivent et Laster Technologies ou les nord-américains Telepathy One et Vuzix M100.
Toujours en 2013, un autre front fut ouvert par le lancement d’une nouvelle génération de montres connectées qui s’arrogèrent rapidement 10 % des 45 milliards d’euros du marché mondial annuel des montres traditionnelles quelque peu déstabilisé. L’offensive fut générale : Samsung, Sony, LG, Google ou encore Apple proposèrent tout à tour
leurs modèles. Comme un smartphone qui permet également de téléphoner, les
« smartwatches » donnent encore l’heure, mais offrent de nombreuses fonctions comme lire ses SMS et ses e-mails, consulter son agenda ou mesurer son activité sportive.
Face aux géants, certains innovèrent en explorant de nouveaux modèles de financement, comme Pebble qui lança sa montre grâce à des fonds mobilisés sur la plate-forme de financement participatif Kickstarter.Alors que la famille des « wearable communication devices » ne cesse de s’agrandir, il faut bien constater que les lunettes et les montres, connectées ou pas, disparaissent peu à peu. Certes, pour créer de nouveaux objets, les designers s’accrochèrent à nos références passées, comme un passage obligé, mais aussi pour les faire accepter plus facilement par leurs futurs utilisateurs. Les premières automobiles ne ressemblaient-elles pas à des calèches sans chevaux ? Mais aujourd’hui, nos nouveaux terminaux s’affranchissent de nos anciens modèles, sauf pour quelques nostalgiques ou collectionneurs. Ces équipements de tous les jours qui nous collaient à la peau se font oublier, disparaissent, en bénéficiant des dernières avancées des nanotechnologies. L’habitude de lire le temps au poignet ou de mettre une paire de lunettes s’est perdue au profit de l’heure à la demande et de la chirurgie ophtalmologique corrective. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Offres de musique en ligne
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut a publié son rapport
« Internet des objets 2013-2017 », par Samuel Ropert.

TV Connection

Dix ans exactement se sont écoulés depuis le début de
ce qu’il est convenu d’appeler la guerre des téléviseurs connectés. Décennie mouvementée durant laquelle nous sommes passés du tube cathodique passif venu du 20e siècle à l’écran plat désormais interactif par la grâce d’une toute simple connexion à l’Internet. Tout aurait pu être très simple, mais tout fut en fait très compliqué. Les technologies disponibles ont d’abord pu faire croire que la TV interactive était pour bientôt.
On était alors en 2000 et on entrait seulement dans une longue phase expérimentale. Celle des pionniers qui, comme le groupe Sky au Royaume-Uni, proposèrent les premiers contenus interactifs. Le must était alors de pouvoir commander sa pizza en un clic sur une télécommande. Mais c’est Google qui mit le feu aux poudres en 2010 en lançant, en même temps que sa Google TV, une grande manœuvre visant à faire main basse sur les recettes publicitaires, après avoir capté la publicité sur Internet et posé ses jalons sur les mobiles. Un véritable feu d’artifice. Avec le recul, il semble bien que cette frénésie était justifiée. Nous étions arrivés au point de rupture : celui où les équilibres du passé cèdent avec fracas sous les pressions conjuguées de l’innovation technologique et de nouveaux venus tentant de faire leur place au soleil.

« Le téléviseur est demeuré l’écran central du divertissement au sein du foyer et le point d’accès unifié à tous les contenus »

Les éditeurs de chaînes ont joué leur partie, en lançant dans l’urgence – et souvent
dos au mur – des initiatives comme YouView au Royaume-Uni ou HbbTV à l’échelle européenne, dans le but de créer des univers TV fermé où le flux broadcast était enrichi (mais pas concurrencé) par des contenus haut débit. Des francs tireurs, nationaux comme Roku et Vudu aux Etats-Unis ou globaux comme Apple avec son boîtier connecté Apple TV, ont lancé des offres combinant un accès à des services de vidéo premium et un “best of” du divertissement multimédia en ligne (musique, réseaux sociaux, photos, etc.) via un boîtier propriétaire ou un terminal connecté tiers. Les rois de l’équipement, comme Sony, ont encore une fois tenté leur chance avec leur media center censé gérer l’ensemble des contenus domestiques sur tous les écrans du foyer numérique. D’autres, comme Samsung, en s’associant avec des grands de l’Internet comme Yahoo !, ont voulu au plus vite mettre sur pied un « TV App Store » et reproduire le miracle des plates-formes d’applications en les adaptant au téléviseur. D’autres enfin, avec Google TV comme chef de file, sont restés fidèles à des idées simples en proposant un accès sans couture à tous les contenus accessibles. Et ce, sur un téléviseur qui demeure l’écran central du divertissement au sein du foyer et le point d’accès unifié à tous les contenus, quelle que soit leur provenance (flux broadcast, VOD, catch-up TV, Web, mobile, …). Alors que certains avaient annoncé la fin du téléviseur, banalisé dans une mer d’écrans, ce dernier ne cessait de se transformer dans un tourbillon d’innovations, poussant à un renouvellement accéléré d’un parc
en évolution constante : tour à tour plat, HD, ultra HD, 3D ou connecté. Même les télécommandes, qui n’étaient au mieux que des objets inélégants, envahissants et un peu stupides, se sont mises en tête de devenir intelligentes – en se dotant d’un clavier ou d’un écran –, tout en luttant avec les téléphones mobiles qui se voyaient bien prendre le contrôle du domicile en tant que commande universelle. Le retour à une certaine simplicité que nous avions presque oubliée est finalement en train
de se produire après la tempête numérique qui souffla sur le poste de télé. Les écrans, à force de devenir fins, seront bientôt souples et ultra légers, dotés des ressources
des plus puissants ordinateurs, portables ou muraux, et le plus souvent invisibles. C’est au tour des télécommandes de disparaître, maintenant que nos écrans nous obéissent au geste et à la parole, facilitant le tri et l’accès à un univers, sans cesse en extension, d’images, de vidéos et de millions de chaînes et de programmes, enfin accessibles depuis que la barrière de la langue est tombée grâce au sous-titrage en temps réel proposé par mon service Internet préféré. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Foyer numérique
*Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing
et commercial de l’Idate. Rapport sur le sujet : « TV Connectée :
Qui contrôlera l’interface client ? » par Sophie Girieud