Mipcom : le téléviseur tente de rester incontournable

En fait. Le 6 octobre s’est achevé le 27e Marché international des programmes audiovisuels (Mipcom) qui s’est tenu à Cannes durant quatre jours : 12.500 représentants de 4.211 sociétés, provenant de 102 pays, se sont retrouvés
pour vendre et acheté des droits de diffusion sur tous les écrans connectés.

En clair. Le Mipcom en automne et le MipTV au printemps (1), organisés par le groupe anglo-néerlando-américain Reed Elsevier (2), sont les plus grands marchés mondiaux
des programmes audiovisuels : « pilotes » (nouveautés) pour le premier, « formats » (déclinables dans différents pays) pour le second. Applications mobiles, Web, TV connectée, … Le téléviseur n’est plus le seul écran à être convoité par les producteurs
de programmes audiovisuels. Les chaînes souhaitent pourtant que la télévision reste
« le média autour duquel les autres gravitent », comme l’a exprimé Anne Sweeney, coprésidente de Disney Media Networks et président d’ABC Television. « Les technologies d’avenir vont s’appuyer sur la bonne vieille télévision », a abondé Kevin Reilly, président du divertissement de Fox Broadcasting. Cette filiale du groupe News Corp a diffusé cette année en avant-première sur iTunes et en VOD un épisode de sa nouvelle comédie New Girl. Résultat: plus de 2 millions de téléchargements et, grâce
à un bouche-à-oreille sur Twitter et Facebook, Kevin Reilly a expliqué que « la série
a démarré à l’antenne avec les meilleurs scores d’audience pour une comédie depuis
dix ans ».
Tous les chemins mènent à la télévision ? « Les frontières entre le contenu et la technologie sont en train de s’effacer », admet Anne Sweeney. Le studio Miramax, ancienne filiale de Disney, ne fait plus des chaînes de télévision un passage obligé.
Son directeur général, Mike Lang, multiplie les accords de distribution numérique : Netflix, Hulu, Facebook, Google TV. Apple, … Miramax est ainsi le deuxième studio
de cinéma américain à proposer certains de ses films sur Facebook, après Warner
Bros dès le mois de mars (3).
Netflix, la plateforme de VOD sur laquelle les séries TV représentent désormais 50
à  60 % des visionnages, achète de plus en plus de droits en première exclusivité
(« House of Cards », « Lilyhammer », «Borgia », …). Le public s’est en outre invité
au Mipcom, pourtant réservé aux professionnels, grâce au projet Entertainement Experience du cinéaste hollandais Paul Verhoeven. Il s’agit du premier format de divertissement multiplateformes (cross-media) articulé autour de la réalisation d’un film par des non-professionnels (crowdsourced). « C’est un tsunami qui se prépare », avait lancé Frédéric Mitterrand, lors du dernier MipTV (4). Rendez-vous le 1er avril 2012. @

Roberto Mauro, Samsung : « La “SmartTV” est à la télévision ce que le “Smartphone” est au mobile »

Le directeur de la stratégie et du développement de Samsung Electronics
France détaille pour Edition Multimédi@ les avancées du numéro un mondial
des téléviseurs, devenant aussi premier fabricant de smartphones. Les accords
sur les contenus se multiplient tous azimuts.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Samsung et France Télécom ont signé le 6 juillet 2011 un partenariat. Est-il « compatible » avec la charte « TV connectée » signée en octobre 2010 par la chaîne TF1, avec laquelle vous avez un accord jusqu’en 2012 ?
Roberto Mauro :
Samsung travaille de façon collaborative avec les partenaires de la chaîne de la valeur des médias,
en particulier les éditeurs de télévision et les opérateurs télécoms, afin que notre offre SmartTV soit la plus pertinente et attrayante pour nos clients. Le partenariat européen avec Orange – dont le portail est proposé sur tous les téléviseurs connectés de la gamme Smart TV, ainsi que sur les lecteurs et Home cinéma Blu-ray – et le travail que nous faisons avec les opérateurs télécoms sont complémentaires et tout à fait compatibles avec le partenariat TF1 et les développements en cours avec les chaînes de télévision. Chacun contribue à l’écosystème SmartTV.

« La France est une nation où les marques des principales chaînes télévisées nationales gratuites et payantes sont très fortes, et où la régulation à laquelle elles sont soumises est déterminante – en particulier en ce qui concerne le financement de la création audiovisuelle. »

EM@ : La surimpression sur le signal TV est-elle un problème ?
R. M. :
Les services en surimpression des chaînes sont disponibles depuis l’an dernier sur TF1. Et notre volonté est que les chaînes aient le contrôle éditorial de tels services.

EM@ : TF1, qui passé avec vous un accord « TV connectée » dès décembre 2009, vous a signifié en 2010 ne pas vouloir la surimpression de Yahoo sur les écrans Samsung en Europe. Y a-t-il ce problème aux Etats-Unis ou en Asie ?
R. M. :
L’histoire et la régulation de l’industrie de l’audiovisuel évoluent de façon différente dans chaque région du monde. La France est souvent citée comme un cas représentatif en Europe : une nation où les marques des principales chaînes télévisées nationales gratuites et payantes sont très fortes, et où la régulation à laquelle elles sont soumises est déterminante – en particulier en ce qui concerne le financement de la création audiovisuelle. Dans ce contexte, les discussions franches et coopératives que nous avons eues en 2009 et 2010 avec les chaînes – et en particulier TF1 – nous ont permis d’intégrer les caractéristiques du marché français, et plus généralement européen, dans notre stratégie SmartTV. Le partenariat Yahoo déployé à partir de 2009 dans une dizaine de pays était non exclusif, et nous avions déjà notre plateforme propriétaire dans les autres pays – plus d’une centaine – où Samsung est présent. En Europe, la plateforme Samsung a remplacé celle de Yahoo à partir de 2010. Suivant les situations locales dans les autres pays, Yahoo peut aujourd’hui coexister ou non avec la plateforme Samsung.

EM@ : Samsung Apps peut-il être à la TV ce que l’App Store est à l’iPhone ?
Quels sont vos partenaires « contenus » en France pour la TV connectée ?
R. M. :
Effectivement, pour Samsung la « SmartTV » est à la télévision ce que le
« Smartphone » est à la téléphonie mobile, c’est-à-dire un changement profond quant
aux possibilités offertes au consommateur dans l’usage de son produit. Nous souhaitons être le leader du marché de la télévision connectée comme nous le sommes déjà au niveau mondial dans la vente de téléviseurs. Nous voulons aussi être les premiers à offrir à nos clients l’offre de services et de contenus la plus complète. Cette offre s’étoffe continuellement grâce aux nombreux développeurs qui créent des applications pour Samsung Apps. L’interface de nos produits connectés (TV, BD et HTS) se veut très proche de celle de nos smartphones. Elle permet à nos clients d’accéder à cinq types de services : vidéo à la demande (VOD et SVOD) comme par exemple TF1 vision, télévision de rattrapage (catch up TV), visioconférence en partenariat avec les opérateurs ou par l’application Skype ; recherche web grâce
au navigateur intégré à partir des téléviseurs des séries 6500, et notre magasin d’applications Samsung Apps qui compte dejà plus de 50 « applis » développées en France comme Orange, l’INA, L’Equipe, Allociné, soit plusieurs centaines au total. Plus de 5 millions d’applications ont déjà été téléchargées dans le monde [de février 2010 à mai 2011, ndlr] depuis Samsung Apps sur des téléviseurs Samsung. La croissance que nous observons est vertigineuse.

EM@ : Après Yahoo et Orange, Samsung est-il prêt à accueillir Google TV et Apple TV ?
R. M. :
Seuls Google et Apple pourraient répondre ; il faudra attendre qu’ils communiquent publiquement sur leurs projets futurs.

EM@ : La télécommande n’a pas évolué depuis 15 ans. Samsung propose une télécommande à écran tactile. Les smartphones sous Bada ou les Galaxy Tab peuventils être les télécommandes de Internet@TV ?
R. M. :
Tout à fait, jusqu’à récemment la télécommande avait très peu évolué. A partir
de 2010, afin de permettre une expérience utilisateur plus simple et plus riche, Samsung a doté les SmartTV des séries 8000 et 9000 d’une télécommande avec écran tactile 3 pouces, au design identique à celui d’un smartphone. Nous avons aussi développé les applications pour smartphones et tablettes qui permettent de télécommander le téléviseur et d’interagir de façon très simple avec les applications,
en particulier pour l’insertion de champs de texte au moyen d’un clavier virtuel. En 2011, nous sommes passés à l’étape suivante : le smartphone ou la tablette ne sont plus seulement une télécommande ; ils deviennent un deuxième écran du foyer. Certains téléviseurs Samsung permettent en effet de recevoir sur un smartphone ou tablette Samsung tous les programmes qui s’affichent sur le téléviseur, d’où qu’ils proviennent : TNT, lecteur Blu-Ray, décodeur TV, disque dur multimédia. Il est ainsi possible par exemple de regarder en même temps un film sur le téléviseur et un match de foot en direct sur la tablette… pour la paix des couples !

EM@ : Croyez-vous en outre à la TV sur mobile ou la TMP (télévision mobile personnelle), au moment où Samsung accuse une baisse des ventes des téléviseurs ?
R. M. :
La consommation de vidéos sur mobiles et tablettes est en croissance très forte mais rien ne laisse prévoir aujourd’hui en France la construction d’un réseau dédié au
« broadcast » pour la TMP ; la transmission se fera plutôt sur les réseaux data existants WiFi et 3G/4G.

EM@ : Samsung France s’est associé début 2011 à Universal Music pour
le smartphone « Wave II ». Quels sont les autres accords dans la musique, l’audiovisuel, le cinéma ou la presse ?
R. M. :
Samsung France discute avec toutes les majors de la musique mais entretient
des liens plus étroits avec Universal Music et Warner Music. Ces relations ont pu aboutir à des partenariats avec Christophe Maé, Lady Gaga ou l’offre de musique illimitée dans le Wave II. La montée en puissance des smartphones, segment sur lequel Samsung est leader en France, et des tablettes tactiles nous a obligé à mettre en place une offre de services très large. C’est ainsi que Samsung France s’est associé à Videofutur pour offrir un service de VOD sur smartphones haut de gamme et tablettes, à Relay.com pour disposer de l’ensemble de la presse magazine sur tablettes ou à Gameloft, le leader mondial du jeu sur mobiles. Ces services construits localement peuvent tout à fait être complémentaires à ceux développés de manière plus globale par des acteurs comme Google, dont Samsung utilise l’OS Android. @

Philippe Citroën, Simavelec : « Les fabricants de téléviseurs connectés sont prêts à discuter du financement de la création »

Le président du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec), par ailleurs DG de Sony France, se dit prêt à « trouver un juste équilibre » avec les chaînes de télévision. Il explique aussi pourquoi son organisation est sur le point de saisir le Conseil d’Etat contre la dernière décision
« copie privée ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La charte « TV connectée »
signée par les seules chaînes de télévision (TF1,
France Télévisions, M6, Canal+, NextRadioTV, …) a maintenant cinq mois. Avez-vous répondu formellement – le Simavelec ou les fabricants – aux éditeurs de chaînes de télévision sur cette charte que vous
avez jugée « sans fondement juridique » ?
Philippe Citroën (photo) :
Le Simavelec n’a pas répondu formellement à cette charte (1). Mais, que ce soit en tant qu’association professionnelle ou en tant que fabricant, les contacts sont nombreux et permanents avec les éditeurs de chaînes de télévision qui en sont les signataires.
Les termes de cette charte ont pu en surprendre plus d’un, mais nous nous inscrivons résolument dans une optique de collaboration avec les chaînes (2), afin de trouver un juste équilibre pour chacun : celui qui résulte de la convergence de la télévision linéaire avec les services en ligne désormais accessibles avec les téléviseurs connectés.
Les questions qu’il nous faut résoudre ensemble sont notamment : comment assurer la protection des jeunes publics, la protection de la vie privée, le financement par tous les acteurs de la création, la neutralité des réseaux, etc.

EM@ : Le Simavelec table en France sur 2,6 millions de postes TV « connectables » en 2011 (+ 240 %) ; or seul « un quart » ont été « connectés » l’an dernier (moins de 200.000) : pourquoi un tel décalage, alors que 18 millions de foyers ont accès à Internet ? Les box ou les disques durs multimédias connectés ont-ils déjà gagné la bataille ?
P. C. :
Nous ne sommes qu’au début de l’introduction des téléviseurs connectés. Il faut que les usages s’installent et que l’offre de contenus croisse et se diversifie. Nous faisons le pari de la simplicité et de la richesse des catalogues adaptés à l’écran de télévision et nous ne doutons pas que la TV connectée monte rapidement en puissance face aux box et autres disques durs multimédias. La distribution l’a d’ailleurs bien compris, qui va de plus en plus mettre en oeuvre des démonstrations de téléviseurs connectés dans les points de vente afin que les consommateurs puissent pleinement mesurer les avantages de ces téléviseurs.

EM@ : Depuis plus d’un an, le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) demande que les fabricants – ou leurs importateurs – de « terminaux de réception interactifs » tels les téléviseurs connectés – soient obligés d’investir
dans le cinéma. Est-vous prêts à financer la création audiovisuelle et cinématographique ?
P. C. :
La convergence du monde du « broadcast » avec celui du « broadband » va probablement entraîner des changements majeurs dans la chaîne de valeur et nous sommes prêts à discuter de la contribution de chacun au financement de la création. Une chose est sûre : nous ne voulons pas d’un système déséquilibré et inéquitable de taxation qui, à l’instar de celui de la rémunération pour copie privée, créerait des distorsions de concurrence. D’ailleurs, une réflexion législative pour une modification en profondeur
des mécanismes de financement de la copie privée serait la bienvenue.

EM@ : La décision « copie privée » n°13 du 12 janvier, parue au J.O. le 28 janvier, est entrée en vigueur au 1er février. Quand allez-vous saisir le Conseil d’Etat contre ces nouvelles taxes touchant notamment « certaines » tablettes ? Pourquoi la réforme de la commission Albis/Hadas-Lebel ordonnée par le Conseil d’Etat en 2008 ne donne pas satisfaction ?
P. C. :
Voilà des années que le Simavelec dénonce, non pas le principe de la rémunération pour copie privée et la juste rémunération des ayants droits, mais un système qui est à bout de souffle tant il est malmené par la technologie. Il en résulte, depuis longtemps d’ailleurs, des situations absurdes et créatrices de déséquilibre concurrentiel. De plus, des solutions techniques intelligentes comme celles d’intégrer
de la mémoire dans nos produits, par exemple sur les téléviseurs, notamment pour désengorger le Net, ne sont pas envisagées en raison de cette taxation lourde et sur
bien d’autres points. La dernière décision ne semble pas échapper à cette règle et le Simavelec entend effectivement la contester devant le Conseil d’Etat. Il y a actuellement des discussions entre industriels tant sur le fond que sur la forme de ce recours qui sera déposé dans les prochaines semaines. Le mode de fonctionnement et le rapport de force au sein de la commission de la rémunération pour copie privée n’ont, en définitive, pas changé malgré la décision du Conseil d’Etat de 2008.

EM@ : Etes-vous favorable au « rapprochement » évoqué par Eric Besson entre CSA, Arcep et ANFR pour la gestion des fréquences ? Celles du dividende numérique pour la 4G/LTE vont être attribuées d’ici l’été : en attendant un
2e dividende numérique avec norme DVB-T2, l’audiovisuel est-il perdant face
aux télécoms ?
P. C. :
Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur un rapprochement entre les différentes autorités que vous mentionnez. Le Simavelec travaille de longue date avec chacune d’entre-elles, de manière constante et efficace. Si nos interlocuteurs évoluent, nous nous adapterons. Concernant le dividende numérique, il s’agit d’un sujet sur lequel nous sommes particulièrement vigilants. Le succès de la TNT tient non seulement à la qualité technique et la richesse de chaînes qu’elle apporte mais aussi
au fait qu’elle s’inscrit dans un historique français de télévision hertzienne gratuite, accessible à tous.
Il faut préserver cette capacité à toucher le plus grand nombre par voie hertzienne
avec une télévision numérique en haute définition aujourd’hui et encore plus demain,
et pourquoi pas en 3D aussi. Si de nouvelles technologies de compression apparaissaient, il serait crucial que les gains en fréquences obtenus restent dans le domaine de l’audiovisuel et permettent d’améliorer les contenus et services. Ainsi, il est indéniable qu’avec le DVB-T2 on pourrait tirer avantage pour offrir plus – et j’allais dire «mieux » – de programmes : généralisation de la HD et arrivée de la 3D en hertzien. Mais c’est avant tout une décision politique car, d’un point de vue technique, le DVB-T2 est déjà utilisé au sein de l’Union européenne – en Grande-Bretagne.

EM@ : Verra-t-on des téléviseurs 4G/LTE ? En outre, les fabricants sont-ils prêts pour la Télévision mobile personnelle (TMP) et la Radio numérique terrestre
(RNT) ?
P. C. :
Sur la question des téléviseurs 3G/LTE, je vous laisse le soin d’interroger directement les constructeurs car cela relève pour l’instant de leurs stratégies propres.
En ce qui concerne la RNT, les constructeurs l’appellent de leurs vœux depuis des années. Ce n’est pas une question de disponibilité de produits. Si la décision politique de lancer la RNT était prise, les produits arriveraient sur le marché dans un délai de neuf à douze mois. Quant à la TMP, ce n’est pas là également une question de disponibilité de produits, mais bien de modèle. @

Les fabricants de téléviseurs se « déchaînent »

En fait. Le 18 janvier, le président du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec) – Philippe Citroën, par ailleurs DG
de Sony France – a indiqué à Edition Multimédi@ que les discussions se poursuivaient avec les chaînes de télévision autour des téléviseurs connectés.

En clair. Les onze chaînes de télévision françaises – qui avaient rendu publique le 23 novembre dernier leur « Charte sur les modalités d’affichage des contenus et services
en ligne sur les téléviseurs et autres matériels vidéo connectés » – n’ont pas fini de voir les fabricants de téléviseurs marcher sur leurs platesbandes. « L’écran de télévision n’appartient pas aux chaînes. Leur charte, à laquelle nous n’avons pas répondu formellement, n’a pas de fondement juridique et n’engage que ses signataires », a expliqué Philippe Citroën, président du Simavelec, à Edition Multimédi@. TF1, France Télévisions, M6, Canal+ ou encore NextRadioTV (BFM TV) veulent « continuer à exercer un contrôle total et exclusif sur les contenus et services affichés en surimpression ou autour de leurs programmes diffusés » (2). Le président du Simavelec ne l’entend pas de cette oreille : «La juxtaposition de contenus à l’écran ne pose pas de problème. Il y a seulement débat sur la “superposition” [à leur signal, ndlr]», nous a-t-il indiqué en marge d’une conférence de presse du Simavelec. « Avec la norme HbbTV, la télévision devient interactive.
Il faut laisser l’innovation se développer et ne pas créer des lignes Maginot. (…) Nous, constructeurs, nous sommes pour la neutralité de l’Internet. Le problème est de réétablir des règles du jeu. (…) La connectivité [des postes de télé, ndlr] sera source
de nouveaux revenus, de partage de la valeur. (…) Cela bouleversera l’équilibre économique des chaînes assis sur la publicité », a-t-il déclaré. Pour les fabricants
de téléviseurs (Philips, Sony, Panasonic, Samsung, LG, …), la TV connectée est prometteuse en France : plus de 2,6 millions de téléviseurs « connectables » à Internet devraient être vendus cette année (sur un total de plus de 8,950 millions d’unités), soit… 240 % de croissance par rapport à 20105. « Un quart d’entre eux ont été effectivement connectés et ce taux de connexion progresse », a précisé Philippe Citroën. Alors que les ventes totales de téléviseurs devraient décliner en 2012 et 2013 (à respectivement 8,550 et 8 millions d’unités), les industriels espèrent que la TV connectée freinera la chute. Face aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ils se disent « concurrents » : « Notre avantage est la simplicité avec une seule télécommande (en guise de navigateur) et une seule interface. Le consommateurs décidera ». Reste à nouer des accords avec des éditeurs de contenus. Par exemple, Sony est un allié de la Google TV (3) mais éprouve des difficultés techniques et éditoriales. @

Sweet digital home

C’est la première fois que je rends visite à mon oncle
depuis que sa famille a emménagé dans l’un de ces nouveaux e-quartier, dont les luxueuses publicités envahissent nos écrans depuis quelque temps. Ma curiosité est à son comble ! Le portail d’entrée s’ouvre comme par magie à la seule vue de mon visage et au son de ma voix. Autant pour m’impressionner que pour jouer avec ses nouveaux gadgets, ma tante déclenche une véritable féerie zen : les murs et le plafond m’accueillent en s’éclairant d’une agréable lumière bleue, au son d’une de mes musiques préférées. A l’intérieur, l’écran est roi. Des écrans plats dans chaque pièce comme autant de fenêtres grandes ouvertes sur le Net. Des tablettes personnelles posées ici ou là, comme autrefois autant de livres en instance de lecture. Jusqu’aux miroirs des salles de bain qui affichent l’heure, la météo, une vidéo ou la retransmission d’un programme radio. Je ne parle même pas des systèmes de sécurité et de gestion domestique qui se sont faits oublier en œuvrant en silence, tandis que quelques robots spécialisés prennent en charge
des tâches domestiques répétitives. Mes hôtes, qui ne me font grâce d’aucun détail, tiennent à me présenter à ces personnages d’importance que sont l’aspirateur et la repasseuse.

« Avec l’aide d’une “box”, de WiFi et d’un peu de courant porteur, des millions de ménages ont pu faire l’expérience concrète de la mise en réseau d’ordinateurs, de téléphones et de téléviseurs »

Ce rêve technologique est devenu bien réel, même s’il ne reste accessible qu’à quelques privilégiés, tendance « bobo geek ». D’autant que s’il est un domaine dont l’évolution est lente, c’est bien celui de l’habitat soumis à maintes contraintes, au premier rang desquelles nos habitudes : une maison dans l’imaginaire collectif, c’est avant tout quatre murs, un toit et une cheminée qui fume. Longtemps, les maisons d’avant-garde sont restées un sujet de curiosité et de recherche. En 1957, une maison du futur fut construite au cœur du parc Disneyland qui proposait ainsi de visiter le foyer type des années 1980. Après avoir été démoli, elle a été reconstruite en 2008 en partenariat avec Microsoft, HP et Lifeware pour en faire une toute nouvelle attraction. Malgré ces visions futuristes, l’intelligence a mis beaucoup de temps pour passer du labo au foyer. Les décennies passèrent sans que ne soient tenues les promesses de
ce qu’il était convenu d’appeler la domotique. A tel point que durant les années 1990, nous n’osions plus utiliser ce vocable trop souvent associé à un vaste cimetière d’innovations. Pendant ce temps, s’ouvrait l’ère des automatismes domestiques. Composants, micromoteurs et capteurs ont permis le développement d’un réel marché, tout d’abord tiré par la gestion climatique et la sécurité (fermetures automatisées, vidéosurveillance). La nouveauté des années 2000 aura été le développement des premiers réseaux domestiques si souvent annoncés, et tant attendus car sans eux
rien n’est possible. Avec l’aide d’une box, de WiFi et d’un peu de courant porteur, des millions de ménages ont pu faire l’expérience concrète de la mise en réseau d’ordinateurs, de téléphones et de téléviseurs.
Une nouvelle guerre économique s’ouvrait entre les fournisseurs de solutions autour
de quelques questions clés. Où stocker les contenus ? Quel pilotage pour les solutions du foyer numérique ? Faut-il choisir entre la box et le téléviseur ? Finalement, le marché s’est d’abord organisé autour de solutions combinant terminaux, offres de services et contenus propriétaires, tandis que se développaient des solutions techniques permettant une meilleure interopérabilité au sein du foyer : soit par des terminaux interopérables, soit par un serveur multimédia central. Nous avons ensuite assisté à une montée en puissance progressive de l’intégration de services et de contenus au sein du terminal. C’est récemment que le basculement vient de se produire vers des solutions en ligne et qui se résume en une formule : le « home in the cloud ». Maintenant que les TICs ont envahi nos foyers, mon oncle, comme celui de Jacques Tati en son temps, trône au milieu d’un palais des Mille et une nuits de banlieue. Et je me pose avec lui cette question existentielle, presque vitale : ma maison tournera-t-elle sous Windows, sous Androïd, sous Linux ou sous le dernier OS d’Apple ? @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Le e-commerce
*Depuis 1997, J.D. Séval est directeur marketing et commercial de
l’Idate. Rapport sur le sujet : « Digital Home : le marché mondial
des équipements du foyer numériques », par Laurent Michaud