Financement du cinéma et réforme fiscale du « multi play » : dommage collatéral

Le projet d’augmentation de la TVA sur les offres multi-services Internet-
télévision-téléphone, envisagé dans la prochaine loi de Finances 2011, aurait des conséquences insoupçonnées sur le financement du Septième art français par
les fournisseurs d’accès à Internet.

Le ministre du Budget (1), François Baroin, l’a affirmé le 25 août sur Europe 1 :
« Le statut quo sur le triple play n’est pas possible. On a une injonction de Bruxelles
qui nous pousse à bouger. On va bouger suffisamment pour être en ligne sur le plan économique avec Bruxelles ». Du coup, les organisations professionnelles du cinéma (ARP, APC, SACD, …) s’inquiètent. Quel est le problème ? La Commission européenne
a envoyé le 18 mars 2010 à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, une
mise en demeure enjoignant la France de mettre la fiscalité des offres triple play des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – quadruple play si le mobile est inclus – en conformité avec la directive TVA.

Lagardère : vers 10 % de revenus en numérique

En fait. Le 26 août, le groupe français Lagardère – premier éditeur mondial
de magazines grand public et groupe de médias audiovisuels au travers de
sa filiale Lagardère Active – a revu à la hausse des prévisions annuelles,
grâce à la croissance du marché publicitaire. La publicité sur le Net y contribue.

En clair. Quant la publicité va un peu mieux, tout va un peu mieux. Surtout pour un conglomérat qui se veut un « pure player » des médias en devenir, prêt à céder des participations minoritaires dans Canal+, EADS, Amaury et Marie Claire. En mai, malgré
la crise structurelle de la presse, le groupe dirigé par Arnaud Lagardère avait annoncé
qu’il pourrait relever ses prévisions 2010. C’est chose faite, depuis la publication fin août de ses semestriels. « Nos résultats sur les trois derniers mois confirment la reprise du marché publicitaire », constate le dirigeant (1). Cette embellie, après une année publicitaire 2009 « exécrable » (2), est notamment due aux activités numériques qui dépassent déjà 7 % du chiffre d’affaires. Lagardère Active vise les 10 %. Cette reprise est confortée par les prévisions publicitaires de ZenithOptimedia : croissance de 3,5 % cette année, dont 13 % pour la publicité sur le Net. Lagardère Active surfe. Des sites web comme Elle.fr, Parismatch.com, Europe1.fr, JDD.fr ou encore Doctissimo.fr et Boursier.com renforcent audience et rentabilité. Quant aux développements de Lagardère sur les tablettes et livres numériques, ils plaisent à la société de Bourse Exane BNP Paribas qui a relevé fin août sa recommandation sur le titre Lagardère de sousperformer à sur-performer. Dès le mois d’avril, le groupe a lancé Paris Match sur l’iPad. D’autres titres le sont et le seront aussi. Au début l’été, Lagardère Active a même nommé un Monsieur e-reader en la personne d’Olivier Boutin. Le groupe y voit non seulement un moyen d’accroître ses recettes publicitaires, mais aussi de multiplier les contenus payants comme sur l’iPhone.
Le monde d’Apple (iPad, iTunes, …) permet, selon Didier Quillot, le PDG de Lagardère Active, de « ne pas renouveler l’erreur historique commise sur l’Internet avec la gratuité des contenus » (Les Echos du 26 mai 2010). Lagardère Publishing, la branche édition
qui reste la plus rentable du groupe malgré un ralentissement, est aussi pionnière dans
le domaine de la tablette, notamment aux Etats-Unis, ainsi que dans la distribution de livres numérique avec la plateforme Numilog. @

Bruno Chetaille, Médiamétrie : « La France sera le premier pays à mesurer l’Internet mobile et ses applications »

Le PDG de l’entreprise de mesure d’audiences explique à Edition Multimédi@
les évolutions majeures à attendre à l’heure du cross-media et de la fragmentation de l’audience. Après la téléphonie mobile, dont les premiers résultats sont attendus fin octobre, d’autres baromètres sont prévus.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : au-delà de la télévision, de la
radio et des sites web, où en est Médiamétrie dans l’instauration de nouveaux baromètres, notamment
pour l’Internet mobile, les jeux vidéo ou la vidéo à la demande ? Les « widgets » ou les livres numériques auront-ils bientôt leur mesure ?
Bruno Chetaille (photo) :
Notre activité se développe
selon deux axes : l’enrichissement de la mesure d’audience de référence de chaque média – radio, TV, internet – et le développement de nouveaux services destinés à mieux comprendre notre environnement numérique et à suivre les nouveaux usages. Mieux comprendre l’environnement, c’est notamment suivre l’équipement des foyers
et leurs dépenses. Nous savons ainsi qu’il y a en France 43 millions d’utilisateurs du téléphone mobile. Suivre les nouveaux usages, c’est savoir combien d’entre eux utilisent leur téléphone mobile pour surfer sur Internet – 30 % en l’occurrence, en progression de 6 % en un an – et mesurer l’audience des sites par cet accès. La France sera le premier pays à disposer d’un tel service incluant les applications. Ce service est partagé avec nos clients. Nos premiers résultats trimestriels seront publiés fin octobre. De la même façon, nous suivons l’équipement des foyers en tablettes et avons créé des baromètres spécifiques sur la télévision de rattrapage (catch up TV)
ou sur les jeux vidéo. Pour ne donner qu’un chiffre, 35 millions de Français ont déjà joué à un jeu vidéo. Une pratique qui respecte la parité homme-femme. Et près de
2,5 millions de personnes pratiquent la vidéo à la demande. Quant aux widgets sur les postes de télévision connectés et aux livres numériques, nos dispositifs « Référence
des équipements multimédias » avec GfK, l’étude « Media in Life » sur les comportements médias et notre mesure Internet montrent qu’ils sont encore marginaux. Nous les mesurerons lorsque leur utilisation sera significative.

Eric Walter, Hadopi : « Nous nous apprêtons à recevoir les premières saisines des ayants droits »

Alors que les premières plaintes des ayants droits de la musique et du cinéma sont attendues avant fin juillet par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et pour la protection des droits sur Internet (Hadopi), son secrétaire général n’exclut pas l’envoi des premiers avertissements dès ce mois-ci.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Quand attendez-vous les premières adresses IP d’internautes de la part des industries de la musique et du cinéma, lesquelles ont prévu à terme un maximum de 125.000 constats par jour ?
Eric Walter (photo) :
La phase de tests d’interconnexion se termine, entre notre système d’information, celui du prestataire technique
TMG et ceux des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Nous allons pouvoir recevoir ces jours-ci les premières saisines de la part des ayants droit de la musique et du cinéma. Mécaniquement, l’envoi des premiers e-mails d’avertissement aux internautes interviendra après les premières saisines. Mais je ne peux pas vous dire s’ils partiront d’ici à fin juillet car la Commission de protection des droits (CPD) peut décider d’envoyer ou non un e-mail. A compter de la réception des saisines, nous avons deux mois pour envoyer les premiers e-mails (1).

Aides d’Etat à la presse en ligne : transparence ?

En fait. Le 15 juillet était la date limite d’envoi des dossiers de demande d’aide auprès du Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL), lequel est doté d’un budget annuel de 20 millions d’euros. Il s’agit de la seconde session de l’année, après la première achevée le 9 juillet.

En clair. Le Comité d’orientation du Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne, qui a été créé en novembre 2009 après les Etats généraux de la presse menés par Nicolas Sarkozy en 2008, s’est déjà réuni cinq fois depuis le début de l’année (dont le 9 juillet dernier). Alors que la seconde cession de l’année débute, force est de constater que l’on sait toujours pas comment sont répartis les 20 millions d’euros d’aides d’Etat annuelles allouées à certains journaux online sous forme de subventions et d’avances remboursables. Tout juste sait-on que Rue89 a déjà touché l’an dernier une enveloppe de 249.000 euros, Mediapart 200.000 euros ou encore Slate 199.000 euros.
La Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), qui gère ce fonds pour le compte du ministère de la Culture et de la Communication, tarde à rendre publique la liste des bénéficiaires. Contacté par Edition Multimédi@, Olivier Blanchard – au Bureau du régime économique de la presse et des aides publiques – n’a pas dévoilé les noms des heureux élus. Il nous indique seulement que « la liste des bénéficiaires pour la session 2009 sera mise en ligne sur le site de la DGMIC d’ici le 23 juillet » et que « pour la première session de 2010, 69 dossiers ont été examinés ». Un certain secret entoure les délibérations de ce comité SPEL et les montants attribués.
« Le comité SPEL ne fait que délivrer des avis au ministre de la culture et de la communication, qui demeure seul compétent pour décider de l’octroi des aides ainsi que de leurs montants. De plus, une communication des avis délivrés par le comité serait susceptible de porter atteinte à la confidentialité des délibérations et au secret des affaires », avait expliqué Frédéric Gaston, adjoint au chef du Bureau. Des voix comme celle d’Agoravox se sont déjà faites entendre contre ces subventions publiques attribuées sans transparence et au « mépris de l’indépendance » de leurs bénéficiaires. Mediapart, qui avait pourtant claqué la porte des Etats généraux de la presse écrite et qui a été récemment la cible d’attaques nourries du gouvernement dans l’affaire d’Etat Woerth-Bettencourt, est-il schyzophrène ? Pour le SPIIL (1), les éditeurs de presse en ligne – qui ont en outre leur statut officiel depuis l’automne dernier (2) – bénéficient enfin de ces aides comme leurs aînés de la presse papier. @