La neutralité du Net à l’épreuve des besoins de financement des réseaux

Emergeant de l’interminable débat sur la neutralité du Net, la question de fond fait surface : celle d’une nouvelle répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur de l’Internet, afin de continuer à développer les usages numériques. Vers de nouveaux modèles économiques.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

La neutralité de l’Internet et des réseaux est un principe essentiel des communications électroniques, qui renvoie
à un certain nombre de libertés fondamentales : liberté d’expression, protection des données à caractère personnel
et de la vie privée, etc. Pour autant, elle dissimule une problématique plus triviale, celle des financements des réseaux.

« Taxe YouTube » !
De nouveaux modèles économiques commencent à émerger : différentiation tarifaire des offres de détail en fonction de la consommation de bande passante ; différentiation des tarifs des offres de gros faites aux fournisseurs de services en ligne en fonction du trafic qu’ils génèrent sur le réseau ; création d’offres Internet premium améliorant la qualité de services fournis à l’utilisateur final sur la base d’un SLA (Service Level Agreement) payé par le fournisseur de services ; des accords bilatéraux portant sur différentes qualités de service facturés différemment ; enfin la création d’une terminaison d’appel data.
Face aux dictats de l’accès ouvert et non discriminatoire des services et des contenus aux réseaux, et au principe de la libre circulation des services dans le marché intérieur, cet enjeu économique du financement des capacités supplémentaires de réseaux nécessaire aux développements des usages n’occupe pas la place qu’il mérite dans
les champs politiques et réglementaire. Jusqu’à présent, les régulateurs ont formulé
des recommandations visant à garantir la non-discrimination des flux sur Internet tout en revendiquant le droit pour les opérateurs télécoms de prendre des mesures techniques pour optimiser la gestion du trafic. Ce faux débat a dressé les uns contre
les autres de faux ennemis : d’un coté les internautes libertaires et les fournisseurs
de services ou de contenus tels que Google, de l’autre, les opérateurs de réseaux et
les fournisseurs de l’accès à Internet (FAI). Au sein même de ces derniers, aucun consensus n’émerge sur la meilleure façon de financer le déploiement et la rénovation des réseaux pour répondre au développement exponentiel des usages numériques. Dans ce contexte, les récentes annonces des opérateurs et les réactions des autorités marquent un tournant.
Il y a eu ainsi le projet « taxe YouTube » révélé par le « Financial Times » (1). Le quotidien économique anglais a ainsi fait savoir que les grandes entreprises de télécommunication envisageaient la possibilité de faire payer aux sites web qui sont les plus gros consommateurs de bande passante, comme YouTube, des frais supplémentaires au regard de leur trafic. Cette solution aurait l’avantage de garantir un niveau de service élevé aux internautes, alors que, sans elle, les perturbations du trafic, intentionnelles ou fortuites, vont aller croissant. L’intention d’Orange de mettre en place une segmentation plus poussée de l’accès aux réseaux confirme ces révélations. L’opérateur historique envisage en effet de mettre en place des services privilégiés – c’est-à-dire une connexion plus stable, plus rapide ou prioritaire pour certains clients, voire ceux qui sont prêts à payer plus. L’opérateur télécoms a engagé les discussions avec Google pour faire payer les usagers qui souhaitent disposer de cette connexion prioritaire et il pourrait partager avec ce dernier les revenus supplémentaires issus d’une différenciation supplémentaire du service.
Sur la base du même principe, SFR a un projet un peu différent : favoriser la vitesse des services gérés depuis sa box, au détriment des services accessibles depuis le
web ; ce qui permettrait à certains éditeurs d’avoir un accès privilégié à l’abonné.

Les politiques s’en mêlent
In fine, tous les projets des opérateurs de réseaux ont pour objectif de faire participer d’autres acteurs du secteur au financement des infrastructures. Cependant, ce type
de pratiques suscite les inquiétudes de ceux qui prophétisent la mort la neutralité du Net. Ainsi, le 16 mai dernier, l’eurodéputée Laurence Stassen a interrogé la Commission européenne sur le caractère légitime des frais supplémentaires engendrés par ces pratiques en invoquant le risque d’affecter l’accès des citoyens à certains services Internet d’intérêt public. La réaction de la Commission européenne, fervente adepte de la neutralité du net, est pour le moins surprenante. Dans sa réponse datée du 23 juin, la commissaire européenne Neelie Kroes ne s’oppose pas formellement aux projets des fournisseurs d’accès et accepte implicitement cette pratique (2).

Modèles émergents
Tout en rappelant « l’objectif de conserver un Internet ouvert (…) auquel tout le monde a accès », la Commission européenne reconnaît « des modèles économiques innovants » sur la base des accords commerciaux, lesquels visent une utilisation plus efficace des réseaux et la création de nouvelles opportunités économiques à différents niveaux de
la chaîne de valeur Internet. Par ailleurs, l’approche économique de l’Internet gagne du terrain au sein du G8, qui privilégie également les intérêts économiques du secteur. Lors de son dernier sommet, fin mai à Deauville, nos dirigeants politiques se sont plus intéressés à la propriété intellectuelle qu’à neutralité du Net. Bien que le sommet ait appelé à « un nouvel élan pour la liberté et la démocratie » auxquelles Internet contribue, aucune référence précise n’a été faite à l’importance de la neutralité du Net et à sa définition exacte (3). L’« acceptation » d’une différentiation tarifaire du trafic au niveau des opérateurs pourvoyeurs d’accès à Internet consacre l’émergence d’un nouveau modèle économique de financement des réseaux. Mais ce modèle n’est pas
le seul. Ainsi récemment le rapport publié par le cabinet AT Kearney (4), probablement financé par les quatre grands opérateurs télécoms européens Orange Vivendi/SFR, Deutsche Telekom et Telefonica, propose les trois autres solutions suivantes :
Modifier la tarification des offres de détail, autrement dit augmenter les tarifs des utilisateurs finals qui consomment le plus de bande passante ; Permettre le développement d’offres internet premium sur la base de solutions standardisées pour différentier la qualité des services avec des engagements de performance élevée, facturés aux fournisseurs de services en ligne qui en ont besoin et qui le demandent ; ceci permettrait de faire descendre des revenus dans la chaîne de valeur afin de rembourser ceux qui investissent tout en permettant des niveaux de service élevés.
Améliorer/différencier la qualité des services via des accords bilatéraux ce qui permettraient de répondre aux besoins élevés en haut débit des certaines utilisateurs
et de libérer la capacité pour d’autres.

Enfin, il y a l’hypothèse supplémentaire avancée par la France d’une « terminaison d’appel data » (voir encadré ci-dessous) sur laquelle a réfléchi un des trois groupes de travail de CEO et financiers de la « Cross Industry Initiative » pilotée par Neelie Kroes. @

ZOOM

L’idée française d’une « terminaison d’appel data »
Le rapport de CGIET (1) de mars 2010 sur « La neutralité dans le réseau Internet » envisageant de« faire participer financièrement les fournisseurs de contenu responsables en partie de l’accroissement du trafic ». Dans le cadre des consultations publiques sur la neutralité de l’Internet, plusieurs acteurs français ont soumis à la Commission européenne la proposition d’une « terminaison d’appel data » spécifique. C’est notamment ainsi que le rapport d’information de l’Assemblée nationale
« recommande que cette solution soit analysée en détail par la Commission européenne » (2). En pratique, il s’agirait d’autoriser les opérateurs de réseaux, fournisseurs d’accès à Internet (FAI), à exiger une contribution financière auprès des éditeurs de contenus – à l’instar des terminaisons d’appel téléphonique en matière d’interconnexion. Cette idée de terminaison d’appel data suscite des réactions très contrastées. Tandis que les FAI ventent son caractère équitable, les fournisseurs
de contenus s’opposent fermement à cette mesure qui bouleverserait leur modèle économique. Quant aux associations de consommateurs et aux internautes, ils y sont plutôt favorables. La terminaison d’appel data a fait également l’objet de réflexions au sein d’un des groupes de travail de la  « Cross Industry Initiative » pilotée par Neelie Kroes, la commissaire en charge de l’Agenda numérique. Cependant, la position de la Commission européenne – qui va émettre en septembre des recommandations sur le calcul des tarifs d’accès à ces réseaux (très) haut débit – reste pour l’heure toujours indéfinie sur ce point comme sur les modèles économiques envisagés. @

Les FAI appelés à financer la création TV et Web

En fait. Le 27 juin s’est tenue la 8e Journée de la création TV, organisée par l’Association pour la promotion de l’audiovisuel (APA). Le financement de la création audiovisuelle française et européenne par les FAI et les promesses
d’aides du « Web Cosip » géré par CNC, étaient au cœur des débats.

En clair. Qu’ils le veuillent ou non, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) vont plus que jamais devoir mettre les mains à la poche pour financer – via le Cosip et le nouveau «Web Cosip » – des créations audiovisuelles et télévisées (séries, fictions, documentaires, films d’animation, web docs, web fictions, transmédias, …). Et gare à ceux – à l’instar de Free – qui seraient tentés d’échapper à leurs obligations vis-à-vis des contenus qu’ils distribuent. Lors de la première table ronde consacrée justement aux financements de la création TV, Eric Garandeau, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a mis en garde les récalcitrants. « Prenant à parti Maxime Lombardini, directeur général de Free, qui aurait trouvé un subterfuge pour ne pas payer la taxe sur les FAI, il a annoncé la création prochaine d’un système pérenne et incontestable de participation de tous les acteurs de la diffusion au financement de
la création », rapporte l’Association pour la promotion de l’audiovisuel (APA). En début d’année, Free a en effet rendu optionnelle son offre TV pour 1,99 euro par mois – portion congrue pour le calcul du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC. L’Association des producteurs de cinéma (APC) s’en était offusquée (1). Malgré deux tentatives du gouvernement (via François Baroin, ministre de l’Economie), la première à l’Assemblée nationale le 10 juin et la seconde au Sénat
le 22 juin (2), la nouvelle taxe Cosip « anti-fraude fiscale » n’a pu être adoptée immédiatement. Mais le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, a profité de cette huitième journée, pour « confirmer que la contribution des FAI pour la création serait redéfinie à l’automne avec le souci de lutter contre toute tentative de contournement de la taxe ».
Cette redéfinition de la base de la taxation des abonnements des FAI se fera dans le cadre du projet de loi de finances 2012. « Il est prévu à la fois de maintenir un niveau de financement du CNC comparable à celui de l’année dernière, tout en assurant annuellement sa progression raisonnable, et d’ajuster en conséquence le taux d’imposition des opérateurs de télécommunication », a expliqué Frédéric Mitterrand
en clôture de l’événement. Cette contribution des « tuyaux » aux contenus est aussi élargie à la production audiovisuelle pour l’Internet, grâce au décret «Web Cosip » d’avril 2011. Il vient compléter celui mis en place par le décret de novembre 2010
sur les obligations des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). @

Le CNM sera à la musique ce que le CNC est au cinéma

En fait. Le 21 juin, la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester de réflexion sur le « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » devait rendre son rapport. Mais ce sera « a priori début juillet », nous dit-on. Il devrait proposer la création du Centre national de la musique (CNM).

En clair. Le Centre national de la musique (CNM) devrait voir le jour d’ici début 2012. Ce que devraient préciser cet été les propositions de la mission Chamfort (1)-Colling-Thonon (2)-Selles- Riester (3), dont le rapport d’étape était – selon nos informations – attendu pour la Fête de la musique, le 21 juin, mais finalement espéré pour « la première quinzaine de juillet ». Le CNM serait à l’industrie de la musique ce qu’est le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à l’industrie du film. A savoir : un établissement public, rattaché au ministère de la Culture et de la Communication, chargé de percevoir les contributions de différents acteurs pour financer la production d’oeuvres – en l’occurrence de musiques. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), déjà tenus de verser leur écot au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC, devraient être mis à contribution dès l’an prochain à une sorte de « Cosim » (compte de soutien à l’industrie de la musique). Un dispositif appelé
de ses vœux par la filière musique (4). Après la signature le 17 janvier 2011 des 13 engagements de la mission Hoog (5), les producteurs de musique se sont félicités
que les pouvoirs publics ouvrent la voie à un soutien de la filière en difficulté face au numérique. Pour l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), « la mise en chantier d’un Centre national de la musique constitue, en effet, l’une [de nos] mesures prioritaires ». En ajoutant : « Cet organisme aurait vocation
à constituer à la fois le réceptacle de taxes fiscales en soutien du financement de la production musicale et un organe de régulation de notre secteur, à l’instar du CNC
pour le cinéma ». Le gouvernement s’était effet engagé à mener « une réflexion sur
la constitution d’un outil de soutien à la filière musicale dans toutes ses composantes, dans la perspective d’une mise en oeuvre dans le cadre de la loi de finances 2012 ». Reste la question du budget du futur CNM alimenté par la contribution des FAI. Alors que ces derniers et les opérateurs télécoms ont contribué en 2010 à hauteur de 180 millions d’euros au Cosip, l’enveloppe du « Cosim/CNM » pourrait atteindre entre 50
et 100 millions d’euros (« La Tribune » du 9 juin). Le gouvernement espérait pouvoir, sans attendre la loi de finances 2012, amorcer le fonds du CNM dès cette année via
le CNC en instaurant – malgré son rejet par les députés le 11 juin au soir – une nouvelle taxe sur les FAI dans le cadre du collectif budgétaire 2011 (voir ci-dessous). @

L’industrie du disque veut un Cosip pour la musique

En fait. Le 17 mai, le Snep a présenté l’état du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2011 (ventes en gros) : – 5,2 % sur un an,
à 121,8 millions d’euros, dont 26,3 millions de revenus numériques. Parmi les priorités : obtenir une aide à la production musicale.

En clair. Alors que la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles- Riester – chargée
depuis le 8 avril par Frédéric Mitterrand de réfléchir au « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » – doit rendre ses conclusions mi-juin, le Snep (1) prône
une « intervention d’une politique d’aide à la création », afin de favoriser les productions
de nouveautés francophones. La musique souhaite que les pouvoirs publics s’inspirent des systèmes d’aides au cinéma. « Le Cosip est un modèle intéressant », a répondu David El Sayegh, le directeur général du Snep, à une question de Edition Multimédi@.
Le Compte de soutien à l’industrie des programmes cinématographiques et audiovisuels (Cosip), créé en 2007 par la loi « Télévision du futur », permet aux producteurs de films d’être aidés via le CNC (2). Les chaînes de télévision (Canal+ en tête), les opérateurs télécoms et les FAI y contribuent pour plus de 550 millions d’euros par an, au travers d’un prélèvement de 0,5 % à 4,5 % sur leur chiffre d’affaires. C’est la taxe sur les opérateurs télécoms qui, dans le dispositif du Cosip, intéresse le Snep et ses 48 membres – parmi lesquels les majors du disque (Universal Music, Sony Music, EMI ou encore Warner Music). La Sacem, elle, parle de « rémunération compensa-
toire ». Autre dispositif suggéré par le Snep : le principe du« droit de tirage » automatique comme dans l’industrie du cinéma, qui permettrait aux producteurs de musique de financer – sans attendre les éventuelles aides – des nouveautés musicales et/ou de nouveaux talents. « S’il n’y avait pas d’aide à la création, le nombre de nouveautés [musicales francophones] produites ne sera que de 383 en 2016, contre 632 en 2010 [et 1593 en 2002]. Avec une politique d’aide, ce nombre atteindrait 1050 nouveautés, la filière retrouvant un cercle vertueux », explique David El Sayegh.
Cette baisse se retrouve dans les coût fixes de la production de nouveautés en France : 183 millions d’euros en 2010, contre le double l’année précédente. L’aide à la filière musicale passe aussi, selon le Snep, par une meilleure monétisation des plateformes de musique en ligne – enregistrant pourtant des millions de visites – et un partage de
la valeur. « Les services exclusivement financés par la publicité ne relèvent pas d’un modèle pérenne pour la filière. L’avenir, c’est le payant. Pour le freemium [gratuit et payant, ndlr], il faut voir où l’on met le curseur », affirme le DG du Snep, qui se réjouit d’ailleurs de la baisse de la pratique du peer-to-peer (3) depuis les envois des e-mails de l’Hadopi. @

Financement du cinéma et réforme fiscale du « multi play » : dommage collatéral

Le projet d’augmentation de la TVA sur les offres multi-services Internet-
télévision-téléphone, envisagé dans la prochaine loi de Finances 2011, aurait des conséquences insoupçonnées sur le financement du Septième art français par
les fournisseurs d’accès à Internet.

Le ministre du Budget (1), François Baroin, l’a affirmé le 25 août sur Europe 1 :
« Le statut quo sur le triple play n’est pas possible. On a une injonction de Bruxelles
qui nous pousse à bouger. On va bouger suffisamment pour être en ligne sur le plan économique avec Bruxelles ». Du coup, les organisations professionnelles du cinéma (ARP, APC, SACD, …) s’inquiètent. Quel est le problème ? La Commission européenne
a envoyé le 18 mars 2010 à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, une
mise en demeure enjoignant la France de mettre la fiscalité des offres triple play des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – quadruple play si le mobile est inclus – en conformité avec la directive TVA.

Quid de la « contrepartie » des FAI au Cosip ?
Dans son courrier, que La Tribune avait révélé le 23 avril et que Edition Multimédi@ a consulté, le commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta constate que « le taux réduit [5,5 % au lieu de 19,6 %, ndlr] est applicable sur 50 % du prix [de l’offre triple play], même si le client n’est pas matériellement susceptible de bénévicier
du service de télévision en principe inclus dans l’“offre” ».
Cela bénéficie aux 20 millions d’abonnés ADSL de l’Hexagone. Or le fait que la moitié
du prix d’une offre multi-service (2) – tarifé par exemple 29,90 euros par mois – bénéficie d’une TVA à 5,5 % relève d’une infraction aux yeux de l’exécutif européen.
Et le commissaire de relever que « cette mesure, issue de la loi [française] du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, aurait été accordée comme “contrepartie” à la taxe prélevée sur les opérateur [les FAI, ndlr] pour le financement du Cosip [compte de soutien à l’industrie des programmes cinématographiques et audiovisuels] ». Si le gouvernement français envisageait de revoir sa copie en n’appliquant plus le taux réduit qu’à une plus petite partie du prix du triple play, voire sa totalité (3), cela pourrait remettre en cause l’accord tacite de l’Etat français avec les FAI sur le financement du cinéma français et de la création audiovisuelle. Pour l’entourage de la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, « il n’y a aucune remise en cause, même mineure, du financement du cinéma ». Malgré cette assurance recueillie le 24 août par Reuters (4), le cinéma français peut-il dès lors dormir sur ses deux oreilles ? Pas si sûr. D’autant que les dommages collatéraux pourraient être importants. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui gère le Cosip censé collecter les sommes prélevées auprès des FAI, a ainsi déjà recueilli quelque 30 millions d’euros en 2008, plus de 50 millions d’euros l’an dernier
(5) et probablement pas loin de 100 millions d’euros cette année. Contacté par Edition Multimédi@, le CNC n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet : « Rien n’est arrêté ; les choses sont encore floues. La ministre [Christine Lagarde, ndlr] a, par ailleurs, affirmé dans la presse que le financement du cinéma ne serait pas affecté », explique une porte-parole. Parmi les organisations du cinéma, l’ARP (6) a fait part de son
« inquiétude » et s’oppose à « une remise en cause du niveau de participation des FAI à l’industrie cinématographique et audiovisuelle ».
La SACD (7) qui a fait part de sa « consternation » à François Baroin dans un courrier du 31 août, elle, estime que « Bruxelles a bon dos », comme l’explique son directeur général Pascal Rogard dans son blog : « La Commission [européenne] n’a aucunement demandé un alourdissement de la fiscalité applicable à des services qui (…) contribuent au financement de la création cinématographique et audiovisuelle ». Quant à l’APC (8), elle se dit « surprise » et demande de « maintenir l’assiette de la TVA à taux réduit ». Du côté du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le conseiller Emmanuel Gabla avait déclaré dans une interview à Edition Multimédi@ (EM@13, p. 2) que « la question de
la TVA sur les offres multi-services est importante pour le financement du cinéma ».
Et d’ajouter : « Le CSA suivra donc de près les conséquences de la procédure d’infraction ».

L’audiovisuel pèse plus lourd sur l’ADSL
Quoi qu’il en soit, cette réforme imposée par Bruxelles interviendrait au moment où un projet de décret sur les « SMAd » – qui doit être publié à la rentrée et entrer en vigueur
le 1er janvier 2011 (lire Juridique p. 8 et 9) – doit étendre l’obligation de financement des films français et européens aux opérateurs de services de médias audiovisuels à la demande de type tels que vidéo à la demande (VOD) et télévision de rattrapage (catch-
up TV). Or ces deux services sont de plus en plus pratiqués dans les offres triple ou quadruple play de l’ADSL et du câble. @

Charles de Laubier