Alain Rocca, président d’UniversCiné, lève 100 millions d’euros pour créer un réseau de SVOD paneuropéen

Producteur de films (Lazennec & Associés), président d’UniversCiné, et trésorier de l’Académie des César, Alain Rocca est en passe de réussir son pari : trouver 100 millions d’euros pour financer le déploiement d’un réseau paneuropéen de plateformes de vidéo à la demande et par abonnement (SVOD). Il s’intéresse aussi à Filmo TV.

Vincent Bolloré en a rêvé ; lui va le faire ! « Il faut juste trouver un investissement de 100 millions d’euros pour faire un service de SVOD dédié au cinéma et à la hauteur des attentes des utilisateurs », assure Alain Rocca (photo) à Edition Multimédi@. « Il nous reste une quinzaine de millions à trouver », nous indique-t- il, confiant dans l’aboutissement de sa quête de fonds auprès d’investisseurs et de financiers pour lancer son projet de réseau paneuropéen de plateformes de vidéo à la demande par abonnement.
Fondateur de la société de production de films Lazennec & Associés, cofondateur en 2001 et actuel président de la société Le Meilleur du Cinéma (LMC), maison mère d’UniversCiné, plateforme française de VOD de films d’auteur lancée il y a dix ans maintenant à l’initiative d’une cinquantaine de producteurs et de distributeurs indépendants du cinéma, Alain Rocca a déjà commencé à poser des jalons dans différents pays européens.

Vers une marque SVOD commune
« Nous construisons un déploiement européen avec des plateformes de VOD, qui, à l’instar d’UniversCiné, ont un actionnariat majoritairement constitué de détenteurs de droits : Filmin en Espagne, UniversCiné en France, VOD.lu au Luxembourg, LeKino en Suisse, … », poursuit-il. Il y a aussi Volta en Irlande, mais qui ne semble pas remporter
le succès escompté. Plusieurs jalons posés en Europe depuis 2010 La holding LMC dispose en outre depuis 2010 d’une déclinaison d’UniversCiné en Belgique.
C’est d’ailleurs cette année-là que sept plateformes ont fondé EuroVOD, la fédération européenne des plateformes VOD du cinéma indépendant, présidée depuis par Jean-Yves Bloch, le directeur général d’UniversCiné en France. L’un des objectifs de cette organisation européenne, basée à Paris dans les locaux de LMC et fédérant à ce jour huit plateformes de VOD – Universcine.com, Universcine.be, Flimmit.com, Filmin.es, Volta.ie, Lekino.ch, Netcinema.bg et Distrify.com – est d’offrir « un modèle de management collaboratif, grâce auquel les petites et moyennes entreprises mettent en commun leurs ressources et échangent leur savoir-faire, afin d’augmenter la circulation transnationale des films européens ».

Vers une marque SVOD commune
Mais Alain Rocca veut passer à la vitesse supérieure en déployant son réseau paneuropéen dédié au cinéma d’auteur contemporain. « Ce sont des plateformes de VOD dans lesquelles nous avons une position de contrôle sans être majoritaire au capital, structurées autour d’une coopération toujours plus affirmée entre elles. Le but est de réussir à conserver leur identité mais en mettant le plus de choses en commun comme le back office technique, les catalogues de films, voire à terme en adoptant une marque commune », nous explique-t-il tout en précisant : « La marque commune ne sera pas forcément UniversCiné. Chaque entité doit pouvoir être convaincue qu’elle va gagner plus en quittant sa marque originelle pour s’inscrire dans la marque commune ». Reste à convaincre les plateformes de SVOD locales de se rallier sous une même enseigne, dont le nom reste à trouver, sans perdre leur identité. « Pour qu’elles acceptent de dissoudre leur marque dans une marque commune, il y a un travail lent
et délicat à faire. Cette diversité, c’est en fait l’identité européenne », explique Alain Rocca. Les différentes plateformes du réseau paneuropéen auront un autre point commun : elles ne seront pas restreintes au seul cinéma contemporain comme peut l’être UniversCiné. Il s’agit d’une offre de SVOD qui couvrira tout le spectre du cinéma. « Une différence majeure par rapport aux autres projets est que nous sommes 100 % cinéma », précise Alain Rocca, qui, en n’allant pas dans les séries, se démarque ainsi du projet contrarié de Vincent Bolloré (Vivendi) avec Mediaset pour mettre sur pied un
« Netflix européen » s’appuyant sur CanalPlay (France), Watchever (Allemagne), Infinity (Italie) et Telefónica (Espagne). Et ce, au moment où CanalPlay mise désormais plus sur les séries que sur les films de cinéma.
En France, UniversCiné propose un catalogue de 4.000 films du cinéma indépendant contemporain accessibles soit en mode location (pour 48 heures), soit à l’achat, soit encore à l’abonnement avec une nouvelle offre – UnCut – à 3,99 par mois pour découvrir 40 films. Le sort de Filmo TV, autre plateforme française de VOD appartenant au producteur et distributeur de films francoallemand Wild Bunch qui a confié à la banque Lazard un mandat de vente (1), ne laisse pas indifférent Alain Rocca : « Wild Bunch a eu le grand mérite de croire très tôt à l’avenir de la SVOD. Peut-être sont-ils partis un peu trop tôt avec Filmo TV. A nous peut-être de leur proposer un deuxième souffle… », nous a-t-il confié. Le président d’UniversCiné compte aussi parallèlement déployer en Europe un autre label de service de VOD – LaCinétek – dédié au cinéma de patrimoine que constituent les grand films du XXe siècle. « Là, nous sommes en train d’aller voir des acteurs nationaux forts dans la diffusion du cinéma de patrimoine pour leur proposer d’ouvrir directement un site de VOD sous le label LaCinétek », nous dévoile Alain Rocca. LMC est à l’origine de la création en 2014, avec la Société des réalisateurs de films (SRF), de l’association « La Cinémathèque des Réalisateurs »
qui édite la plateforme Lacinetek.com. Les deux premiers partenaires approchés pour ce projet européen-là sont La Cinémathèque royale de Belgique (Cinematek.be) et la Cinémathèque de Bologne (Cinetecadibologna.it), avec lesquels LaCinétek obtient d’eux dès le départ leur accord pour la même technologie, le même label, la même identité, tout en conservant toute leur autonomie d’édition. « Le travail éditorial d’une plateforme locale est crucial pour constituer cet intermédiaire indispensable entre le contenu et son consommateur. L’avenir de la réglementation européenne est de soutenir à fond ce maillon-là, l’éditeur ou prescripteur, et d’accepter que la régulation
se fasse par le pays d’arrivée de consommation. Ce n’est pas la peine de révolutionner la territorialité pour cela », prévient Alain Rocca.
Depuis dix ans, UniversCiné est soutenu financièrement par l’Union européenne via le programme Media devenu Europe Creative. A noter que LMC a piloté en 2014 le projet « Streams D&D » d’EuroVOD, partie prenante du projet Spide coordonné par l’ARP (2) et financé par la Commission européenne pour des expérimentations de sorties simultanée salles-VOD. « UniversCiné voudrait proposer que certains films à combinaison de sortie en salles réduite puissent accéder très rapidement à une exploitation vidéo et VOD, dans un dispositif de marketing et de partage de recette qui permettrait de soutenir la fréquentation des salles », avait indiqué en 2014 Alain Rocca à Edition Multimédi@ (3).

Actionnariat public-privé
Depuis 2010, le société de production et de distribution de films Metropolitan Filmexport – dirigée par les deux frères Hadida – Victor Hadida étant par ailleurs président de la FNDF (4) – est le premier actionnaire de LMC/UniversCiné – à hauteur de 34,5 % depuis la dernière augmentation de capital de mai 2014 portant sur 3,45 millions d’euros. Lors de cette opération, l’Etat – via le Fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC/Bpifrance) – était devenu le deuxième actionnaire avec 10 % du capital. La société financière Media Advisory Services devint, elle, le troisième actionnaire avec 4 %. @

Charles de Laubier