Music like smoke

Je suis dans le noir, au milieu d’une grande salle, entouré de centaines de personnes. Nous sommes en 2020 et nous écoutons ensemble un groupe de musique pop. A l’heure de la musique numérique triomphante, le concert, le spectacle, la performance ont acquis de nouvelles lettres de noblesse, en redevenant ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être : le moment magique où un artiste rencontre son public en même temps qu’une source de revenus majeure. Un retour vers le passé ? A la fin d’un XVIIIe siècle, époque où un Mozart, épris de liberté, multipliait les concerts pour vivre de son art tout en s’affranchissant de sa condition servile ? Pas vraiment, même si aujourd’hui comme hier, la scène reste au coeur du processus de diffusion de la musique et si on peut s’amuser à comparer les mécènes de l’époque aux majors du XXe siècle qui ont peu à peu perdu leur mainmise sur les créateurs. La différence, et elle est d’importance, tient à la manière dont la musique est distribuée aujourd’hui.

« “Music like water” : cette métaphore, qui conduit tout droit au concept de licence globale, s’est effectivement peu à peu imposée, mais pas de manière hégémonique. »

Exclusivités sur les réseaux : le feuilleton continue

« Une modification du cadre législatif relatif à la régulation de la télévision payante n’apparaît (…) pas nécessaire dans l’immédiat », a indiqué le 3 février
le Premier ministre, qui a suivi les conclusions du rapport « Hagelsteen », rejettant la solution de l’Autorité de la concurrence.

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Le rapport demandé à Marie- Dominique Hagelsteen par le Premier ministre devait éclairer le débat – du moins en avait-on l’espoir (voir EM@2 p. 8 et 9) – en posant les règles applicables aux différents acteurs de la diffusion des contenus sur les réseaux de télécommunications. Or, ce rapport – publié le
11 janvier 2009 – est venu, d’une certaine façon, faire des recommandations à front renversé de celles émises dans
l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence du 7 juillet 2009. En effet, malgré une appréciation commune des effets négatifs des exclusivités (1), ce rapport rejette la solution législative proposée par l’Autorité de la concurrence pour encadrer strictement, voire interdire, ce type d’exclusivité dans le secteur de la télévision payante.

Neutralité des réseaux : l’Internet mobile aussi ?

Le débat épineux sur l’avenir de la neutralité de l’Internet – que doit intensifier l’Arcep au printemps avec un colloque, en vue d’un rapport gouvernemental attendu « d’ici l’été » – semble s’en tenir aux réseaux fixes. Mais les réseaux mobiles n’y échapperont pas.

Si le débat sur la neutralité de l’Internet a été lancé à propos des réseaux fixes, il est
en passe de s’étendre aux réseaux mobiles jusqu’alors épargnés. « A l’occasion de la consultation publique [de l’Arcep]sur les licences dites 4G, plusieurs opérateurs se sont publiquement opposés au principe de neutralité de l’Internet », s’est inquiétée début février l’Association des services Internet communautaires (ASIC), créée en décembre 2007 par Google, Yahoo, Dailymotion, PriceMinister et AOL (1). Ce principe de neutralité du réseau des réseaux consiste à interdire aux opérateurs télécoms et aux fournisseurs d’accès à Internet (FA) de bloquer ou de restreindre l’accès des internautes et des mobinautes à des contenus en ligne, voire d’en réduire la bande passante de façon discriminatoire et anticoncurrentielle. Si les réseaux fixes qui composent l’Internet semblent relativement protégés par ce principe, du moins en Europe, les réseaux mobiles sont encore loin de le respecter. Tolérées de la première
à la troisième génération de mobiles, les restrictions opérées sur les réseaux mobiles soulèvent débat avec le lancement prochain de la 4G. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et le gouvernement préparent en effet l’avènement en France du très haut débit mobile, lequel devrait concerner bien plus de mobinautes que d’internautes connectés à de la fibre optique. Les procédures d’attribution des fréquences à 800 Mhz et 2,6 Ghz destinées au déploiement des réseaux mobile de quatrième génération (4G) seront lancé « au cours du deuxième semestre 2010 ».

Parlement européen, médias et « tout numérique »

En fait. Le 21 janvier, l’eurodéputé français Jean-Marie Cavada – ancien journaliste de télévision et ex-président de Radio France – est élu au Parlement européen président de l’Intergoupe Média, lancé en décembre 2009 pour scruter la « mutation » des médias.

En clair. Le Parlement européen va s’intéresser de près à la liberté de la presse,
mais aussi aux questions soulevées par « le tout numérique, les nouveaux médias
et le développement des nouvelles technologies, les droits d’auteurs et la propriété intellectuelle, le secteur de l’audiovisuel… », selon Jean-Marie Cavada, président nouvellement élu de l’Intergroupe Média. Mais cette instance europarlementaire n’a pas
de pouvoir législatif mais un pouvoir d’influence. Pour l’eurodéputé français (1), il s’agit
de « ne pas consacrer toute notre attention aux tuyaux, au libre accès des tuyaux ou à l’élargissement des tuyaux, sans nous soucier de ce qu’il aura dans ces tuyaux » (2).
Et d’ajouter : « Internet n’est qu’un tuyau. Ce qui est très important est la capacité que nous avons à faire entrer dans ces tuyaux du matériau, de la matière. (…) Il faut créer une économie qui ne soit pas plombée par la nécessité du profit (…). Je veux qu’on pose en Europe la question de l’économie de la culture. En effet, la culture ne peut vivre que si elle a une économie. Cela touche à la question des droits d’auteurs ». Cela pourrait passer la création d’un Fonds d’intervention culturelle. Il ne s’agirait pas de subventions pures et simples mais de fonds avec mixités de capitaux (entre Etats ou public-privé) à destination de start-up. « Il faut d’abord donner la possibilité aux auteurs des pays membres de créer des fictions et leur donner les moyens de les créer. (…) Il faut créer les conditions économiques de la vie culturelle, et je pensais surtout au cinéma. Mais je peux en dire autant en ce qui concerne l’économie du livre », précise Jean-Marie Cavada. Pour lui, il y a péril en la demeure : « S’il n’y a plus de rémunérations il n’y a plus d’auteurs.
A la place nous deviendrons distributeurs de produits mondiaux universels, donc anglo-américains. On ne peut pas s’en contenter pour nourrir les cerveaux européens. Or nous avons pensé ces affaires de médias jusqu’à présent par le biais des tuyaux et des ingénieurs. Il y a une dérive à corriger ». Autre problème à régler : le déséquilibre entre la taille des médias anglosaxons ou asiatiques et les médias européens de tailles petites ou moyennes. L’Intergroupe Média cherchera donc à combiner la possibilité de concentration [des médias en Europe] en respectant les règles de concurrence. @

Le super-régulateur européen des télécoms est né

En fait. Le 28 janvier, les régulateurs nationaux des télécommunications des
27 Etats membres de l’Union européenne se sont réunis pour la première fois
à Bruxelles au sein du nouvel Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) créé en décembre 2009.

En clair. Le GRE est mort, vive l’ORECE ! Le Groupe des régulateurs européens
– jugé « peu structuré » – laisse place à l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques, lequel s’est réuni pour la première fois à Bruxelles.
Mais son siège reste encore à fixer. La Commission européenne se dote ainsi d’un
droit de regard et de veto sur les décisions que lui soumettront les 27 Arcep nationales. C’est l’aboutissement d’un combat (pas gagné d’avance) mené depuis près de trois ans par la commissaire européenne Viviane Reding – jusqu’alors en charge de la Société de l’information et des Médias et, depuis le 10 février, à la tête de la direction Justice, droits fondamentaux et citoyenneté. C’est le 27 juin 2006 qu’elle a surpris tout son monde en relançant l’idée d’un « régulateur européen des télécoms » supra-national. Ce que son prédécesseur, Erkki Liikanen, avait évoqué quatre ans auparavant pour
la première fois – le 29 juillet 2002 – lors de la création du Groupe des régulateurs européens (GRE). Erkki en avait rêvé ; Viviane l’a donc fait ! Au grand dam des régulateurs nationaux invoquant le « principe de subsidiarité » et mettant plutôt en avant leur Groupe des régulateurs indépendants (GRI) à eux – créé en 1997
sous l’impulsion de l’ancien président de l’Arcep (ex-ART), Jean-Michel Hubert.
La question d’un super-régulateur européen des télécoms est lancinante depuis le début de la libéralisation du téléphone. L’ancien directeur de la « DGXIII », Michel Carpentier, avait indiqué aux journées internationales de l’Idate en novembre 1997 qu’une « Agence européenne de régulation [était] envisageable ». Cette année-là,
le nom de Bruno Lasserre (actuel président de l’Autorité de la concurrence) était avancé pour présider cette éventuelle instance… Reste à savoir si l’ORECE sera bénéfique aux 500 millions d’Européens, à l’heure où les Vingt-sept doivent transposer le nouveau Paquet télécom d’ici à juin 2011. Objectif affiché : harmoniser les pratiques de régulation des réseaux (très) haut débit et de l’Internet mobile, en préservant le principe de neutralité du Net.
Cela au moment où Neelie Kroes – la nouvelle commissaire à la Stratégie numérique (1) – a comme priorité de mettre en place d’un « marché unique européen » des services en lignes et des contenus créatifs. @