La RNT est promise pour début 2013 dans 23 villes

En fait. Le 26 avril, est parue au J.O. la décision du CSA de relancer jusqu’au 31 mai prochain l’appel à candidatures de 2008 pour la radio numérique terrestre (RNT) sur les villes de Paris, Marseille et Nice. Et un autre appel à candidatures est prévu mi-mai pour vingt autres grandes agglomérations.

En clair. Les promesses n’engagent que ceux qui les font… Initialement, la RNT était prévue en France pour fin 2008 ! Le gouvernement Sarkozy et l’actuel président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Michel Boyon, l’avaient ensuite promise en
2009 « pour Noël » sur Paris, Marseille et Nice. Le régulateur avait – sur 377 dossiers de candidatures – accordé cette année-là des autorisations RNT à 160 radios dans ces trois villes (55 sur Paris, 41 sur Marseille et 40 sur Nice). Parmi les heureux élus : Lagardère (Europe 1 Sport), RTL (RTLL’Equipe) et TF1 (LCI Radio). Parmi les perdants : NRJ, NextRadioTV et Les Echos. Mais la crise économique et la baisse des recettes publicitaires ont contrarié les ambitions des réseaux de radios vivant de recettes publicitaires. Le Bureau de la radio, regroupant RTL, NRJ (1), Europe 1 et NextRadioTV (RMC et BFM Business), ont demandé ensuite un moratoire de 18 mois. Le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti (2)) et le Syndicat national des radios libres (SNRL), lequel teste la RNT à Nantes de puis deux ans, exigent en revanche le lancement rapide de la RNT. Cette fois, après quatre ans de valses-hésitations, le CSA – pressé devant le Conseil d’Etat par le Sirti – a décidé de relancer la RNT à Paris, Marseille et Nice et même de l’élargir à 20 autres grandes agglomérations. La RNT sera alors à même de couvrir un total de plus de 60 % de la population. Le Bureau de la Radio dénonce « le passage en force » du CSA « dans les villes où l’offre de radio est déjà très large » mais sans « aucune étude d’impact sérieuse (…) sur l’effet de ce lancement sur le marché publicitaire de la radio et les charges d’exploitation des opérateurs ». Et les quatre groupes privés (RTL, NRJ, Europe 1, NextRadioTV) d’ajouter : « La question de la norme est ignorée par le CSA, alors qu’une consultation publique est en cours [jusqu’au 20 mai, ndlr] pour rechercher une alternative au T-DMB » (3). En revanche, le Sirti « salue la décision du CSA » et oppose aux « quatre groupes multimédias retranchés dans un mal nommé ’’Bureau de la Radio’’ » le souhait de 800 autres radios en France de « prendre part au lancement de la RNT ». Le Sirti rappelle en outre être opposé à la RNT payante (4) pour laquelle le CSA doit maintenant choisir entre TDF/Mediamobile (association La Radio numérique) et Onde numérique. @

Jean-Paul Baudecroux, groupe NRJ : « D’ici à trois ans, la télévision pèsera autant que la radio »

C’est l’une des rares fois que le président fondateur du groupe NRJ s’exprime
dans la presse sur l’avenir audiovisuel de son groupe, sur la 2e radio de France,
sur Chérie HD prévue fin 2012, sur la RNT et sur le potentiel des 150 webradios.
Il évoque aussi pour EM@ ses 30 ans de « radio libre ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La libéralisation de la bande FM a
30 ans et vous avez, à l’époque, créé la radio libre NRJ dans une chambre de bonne du XXe à Paris : quel regard portezvous sur ces trois décennies ?
Jean-Paul Baudecroux :
Je n’ai pas l’impression que cela fait 30 ans, mais plutôt 10 ans ! Car tout s’est enchaîné très vite et, pris par l’action, je n’ai pas vu le temps passer. J’éprouve une relative satisfaction, parce que mon analyse s’est révélée exacte. Au début, personne ne croyait en l’avenir des radios libres. C’est vrai que, lorsque la publicité était interdite au début, cela n’était pas évident. Il fallait d’abord survivre. Puis, tout est allé très vite. Il a fallu développer l’entreprise – avec beaucoup de difficultés quand même. J’ai dû me battre évidemment contre les concurrents, les grandes radios RTL et Europe 1 de l’époque, qui faisaient tout pour nous écraser dans l’œuf, me battre aussi contre les autorités qui n’ont pas toujours été très visionnaires… Mais je ne pensais pas en arriver à un groupe de cette taille-là (1), car chaque jour était une victoire. Pour finir, la ténacité, ça paye toujours. Comme quoi, si c’est une leçon qui peut servir à de jeunes entrepreneurs, il faut croire en ses idées, « Never give up ! », comme disent les Américains, ne jamais abandonner, ne jamais lâcher prise et puis se battre.

EM@ : Aujourd’hui, la station NRJ – 2e radio de France – réalise la plus forte progression des radios (nov.-déc. 2011, selon Médiamétrie) : comment expliquez-vous la croissance de la radio malgré les CD, le MP3, les podcasts et le streaming ?
J-P. B. :
Avec 6 millions d’auditeurs par jour, la radio NRJ talonne la première [RTL, ndlr]. Vous savez, la radio a plus de 100 ans. Et à chaque fois qu’il y a eu une nouvelle évolution technologique, on a dit : « C’est fini, la radio va mourir » ! A l’époque, ce fut avec les K7. Puis, dans les années 80, avec les Walkman. Plus récemment, au début des années 2000, il a eu les iPod. A chaque fois, on a dit que c’était la mort de la radio.
Je crois au contraire que la radio – vieux média – n’a jamais été aussi moderne avec
un tel potentiel de croissance. Grâce à ce que l’on appelle la « génération S », comme « Smarphone », grâce à Steve Jobs, la radio est aujourd’hui dans la poche de 40 % des Français et de 100 % demain (2). Cela crée de nouvelles opportunités d’écoute, que cela soit sur l’Internet fixe ou sur l’Internet mobile. La radio est irremplaçable, car elle
ne diffuse pas seulement de la musique, mais aussi de l’information, de la proximité,
du local, et de l’entertainement. Et ça, un iPod ne le remplacera jamais ! L’Internet est
le meilleur ami de la radio. Il crée de nouvelles audiences, comme au travail où l’écoute de la radio n’existait pas. Grâce au Net, on voit très bien que la radio a un deuxième prime time à partir de 9 heures du matin, jusqu’à 17 heures. Je suis très optimiste, à condition que la radio reste elle-même, qu’elle n’essaie pas de copier des Deezer ou autres.

EM@ : NRJ Group est le 1er groupe radiophonique privé français, mais est
aussi groupe de télévision. La télévision (plus forte croissance des activités avec + 24,3 % sur un an) va-t-elle supplanter à terme la radio ?
J-P. B. :
Nous sommes encore aujourd’hui un petit groupe de télévision, avec trois chaînes, une nationale avec NRJ 12, une locale avec NRJ Paris et la première chaîne musicale du câble, du satellite et de l’ADSL avec NRJ Hits. Cela représente environ
20 % du chiffre d’affaires du groupe en 2011, mais l’équivalent de la moitié de celui des radios nationales. Avec Chérie HD, la chaîne gratuite en haute définition que le CSA vient de retenir (3), mon souhait est qu’à terme – le plus vite possible d’ailleurs, dans
un horizon de trois ans – la télévision représente 50 % du chiffre d’affaires du groupe. Cela nous donnera alors deux moteurs, deux jambes. Le pôle de télévisions nationales (NRJ 12 et NRJ Hits) a déjà atteint l’équilibre financier en 2011. Chérie HD sera lancée avant la fin de l’année et nous prévoyons qu’elle sera à l’équilibre financier dans quatre à cinq ans. Elle nécessitera des investissements supplémentaires, mais nous allons faire jouer des synergies (plateau, régie finale, full-HD, …).

EM@ : Les deux autres projets de chaînes HD, My NRJ et Nosta la TV n’ont, en revanche, pas été retenus par le CSA : allez-vous en faire des webTV ?
J-P. B. :
Non, parce que l’on a vu – avec les quatre webTV que nous avons déjà (NRJ Pop Rock, NRJ Dance, NRJ Pure et NRJ Groove) – que cela ne marche pas très fort
en termes d’audience. Comparé aux webradios, c’est marginal. Il n’y a donc pas de projet pour l’instant de faire de My NRJ et de Nosta la TV des webTV.

EM@ : En revanche, les webradio marchent fort : combien avez-vous de radios sur le Net ? Doivent-elles bénéficier de la licence légale comme les radios hertziennes ? Leur faut-il un accord de gestion collective des droits musicaux ?
J-P. B. :
Nous avons maintenant plus de 150 webradios sur les quatre marques que sont NRJ, Chérie FM, Nostalgie et Rire & Chansons. Elles se développent bien. Cependant, la « radio premium » – c’est-à-dire le simulcast de la FM (4) – reste évidemment archi-dominant. Pour la licence légale étendue aux webradios, je n’ai pas un avis tranché aujourd’hui. C’est encore très nouveau ; il faut peut-être attendre que le marché de la radio sur Internet se décante. Faut-il atomiser le paysage radiophonique ? Je ne sais pas. Quant aux sociétés de gestion collective des droits musicaux, elles doivent être pragmatiques et laisser « la poule pondre »… Il ne faut pas compter les œufs dans le cul de la poule ! L’industrie musicale et les ayants droits doivent laisser ces nouveaux usages se développer avant de les taxer. En 1981, lorsque j’ai démarré
NRJ, la Sacem a été très intelligente et pragmatique. Au lieu de me taxer tout de suite, elle a au contraire laissé la FM se développer et les radios libres trouver leur modèle économique. Cela a pris plusieurs années, d’autant que la publicité était interdite les trois premières. Et bien lui en a pris : la Sacem perçoit aujourd’hui beaucoup d’argent des radios [52 millions d’euros en 2011, +9,8 % sur un an, ndlr]. Il faudrait que toutes les « caisses de perceptions » (Adami et les autres) cessent de vouloir taxer des entreprises en devenir.

EM@ : Le 13 mars, le CSA a annoncé le lancement de la RNT en 2012 à Paris, Marseille et Nice (reportée depuis 2009). NRJ fut un des grands perdants avec NRJ Dance, Chérie Zen et Nostalgie Classiques 80 : croyez-vous encore en la RNT ?
J-P. B. :
Autant nous n’avions malheureusement pas bénéficié de « chaînes bonus » sur la TNT, contrairement aux opérateurs historiques de télévision (comme W9 pour M6), autant la loi prévoit que les radios analogiques existantes aient un droit de priorité sur
la radio numérique hertzienne NRJ Dance, Chérie Zen et Nostalgie Classiques 80 n’avaient, en effet, pas été retenues en 2009 pour la RNT, mais nous les avons transformées en webradios. Aujourd’hui, la RNT ne marche nulle part, parce qu’elle arrive trop tard sur une norme obsolète [le T-DMB, ndlr]. Elle a été lancée par certains pays avec des subventions publiques, comme en Grande-Bretagne avec la BBC, ou privées, comme en Allemagne où les fabricants d’autoradios ont financé à hauteur de 80 %. Depuis que la RNT a été lancée en Grande-Bretagne il y a 15 ans, seulement 15 millions de récepteurs numériques ont été vendus (seuls 2 % des voitures équipées) et l’audience n’atteint que de 20 %. Est-ce un succès ? Avec les radios sur IP, la RNT est déjà un peu démodée.
En France, tous les formats de radio sont satisfaits (musiques, information, rire, etc). Quel est alors l’intérêt d’aller s’équiper d’un appareillage qui fera à peine mieux que la FM ? Cependant, cela ne nous empêche pas de regarder de façon pragmatique : de nouvelles normes sont apparues [le DVB-T en particulier, ndlr] qui permettrait de faire de la RNT en France à des coûts moindres.

EM@ : Serez-vous présents en RNT dans la bande L, qui a fait l’objet d’un appel
à candidatures pour la distribution de services de RNT avec données associées
au programme, navigation en mobilité ou téléchargement de fichiers audio ?
J-P. B. :
Oui. Nous avons discuté avec les deux opérateurs candidats de bouquets de radios – la société toulousaine Onde Numérique et la filiale de TDF, Mediamobile. Nous serons présents sur celui qui sera sélectionné. En tant que passager, ce n’est pas nous qui assumerons les coûts de diffusion.

EM@ : Quant à la TMP, pour laquelle NRJ 12 a été retenu en mai 2008, sera-t-elle lancée ?
J-P. B. :
Je l’ignore à ce jour.

EM@ : La radio NRJ est la 11e application mobile avec 3,5 millions de visiteurs
en février 2012, selon l’OJD. Qu’en est-il de la catch up radio ? Les applications « Watch » (NRJ 12 et NRJ Paris) et « Listen » sur Facebook démarrent-elles bien ?
Et la TV connectée ?
J-P. B. :
A ce jour, l’application mobile NRJ a été téléchargée plus de 5 millions de
fois sur smartphone (5). En revanche, la catch up radio ne concerne que les radios généralistes et leurs programmes parlés, car il est difficile pour les radios musicales
de faire de la radio de rattrapage pour des problèmes de droits d’auteur. Sur la TV connectée, nous avons été parmi les premiers à y croire avec la chaîne NRJ 12, qui
est désormais présente [avec NRJ Replay, ndlr] chez tous les fabricants de téléviseurs connectés. Son audience augmente sur tous les canaux de distribution, TV connectée comprise. NRJ Hits et NRJ Paris y sont présentes aussi. Sur le réseau social Facebook, où nous avons lancé en janvier dernier nos applications, ce fut une première pour un média français. Mais il est trop tôt pour avoir un retour d’expérience. Tous ces nouveaux médias nécessitent des investissements qui, pour l’instant, sont à perte. On est encore loin d’être à l’équilibre pour les webradios qui coûtent très cher en programmateurs, bande passante, serveurs et informatique. On vise quand même un équilibre financier à un horizon de trois ou quatre ans.@

Philippe Gault, président du SIRTI : « Le CSA n’a aucun argument valable pour refuser de lancer la RNT »

Le président du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) – représentant environ 200 membres, près de 10 millions d’auditeurs – dénonce « l’ornière dans laquelle le CSA place la RNT ». Il en appelle au lancement de la Radio Numérique pour Tous.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@: En quels termes le CSA (1)
a répondu à votre « appel » du 13 octobre où vous demandez la délivrance des autorisations de radio numérique terrestre (RNT) de 2008 à Paris, Marseille
et Nice (2) ?
Philippe Gault :
La réponse du CSA est contraire à nos attentes et à celles des radios sélectionnées qui sont prêtes à lancer sans plus attendre la Radio Numérique pour Tous. La RNT, c’est la radio numérique selon le modèle historique qui a fait le succès de la radio (3). C’est la FM en mieux. Cette RNT-là, que nous préparons depuis près de 15 ans, le CSA n’en veut curieusement pas en ce début 2012, et le régulateur privilégie une autre radio numérique, payante, qui est la négation du paysage radio français construit depuis le début des radios libres. Le CSA répond à nos demandes de délivrance des autorisations en RNT de manière dilatoire. Il nous annonce l’ajout d’une nouvelle norme (4) : il sait très bien que, ce faisant, il enterre le dossier en recréant un affrontement de spécialistes et d’ingénieurs. S’il avait procédé ainsi pour la TNT, celle-ci ne serait pas encore lancée.

EM@ : Allez-vous saisir le Conseil d’Etat ?
P. G. :
Nous étudions toutes les possibilités pour sortir de l’ornière où nous place le CSA : juridique comme le Conseil d’Etat, mais aussi le débat public en cette année propice.

EM@ : Patrice Gélinet (CSA) a dit que la RNT est la solution à la saturation de la bande FM qui fête ses 30 ans : y a-t-il divergence au CSA ? Préserve-t-on les radios nationales privées ?
P. G. : Ce qui est visible, ce sont les errements de cette autorité de régulation sur le projet de la radio numérique : elle ne parvient toujours pas à faire appliquer la loi de 2007 (5), alors qu’elle est pour beaucoup dans ses termes. Quand les groupes radiophoniques nationaux réclamaient la RNT, le CSA préparait son lancement à marche forcée. C’est de là que viennent les présélections de radios pour lesquelles nous demandons la délivrance des autorisations. Depuis que les groupes de radios nationales [Europe 1, RTL, NRJ ou encore RMC, ndlr] ont créé le Bureau de la Radio, début 2009, ils ne veulent plus de la RNT et, depuis, le CSA n’a rien fait concrètement pour la lancer. Nous sommes allés de consultations en observatoires ; le champ de l’appel aux candidatures a été ramené de
19 villes à 3 villes (Paris, Marseille, Nice). Et maintenant, on enterre les sélections effectuées, sous couvert d’une norme qui n’est pas nouvelle. Le CSA accorde le moratoire du lancement de la RNT, sans date d’échéance. Le président du CSA, Michel Boyon, n’a même pas parlé de la radio numérique lors de ses voeux 2012, alors que cette année est la dernière de son mandat, ainsi que du conseiller en charge de la RNT [Rachid Arhab, ndlr].

EM@ : Accepteriez-vous que les fréquences de la bande III soient utilisées à autre chose que la RNT ?
P. G. :
Les fréquences de la bande III et L sont planifiées en France pour les éditeurs de
la RNT. Il n’est pas question qu’elles soient confisquées pour d’autres usages. Ce sont des décisions politiques. Si nos dirigeants ne veulent plus du média radio, parce qu’il
est encore trop libre et qu’il y a à la radio encore trop d’indépendance, qu’ils le disent franchement aux Français : c’est le moment !

EM@ : Lyon expérimente depuis un an la RNT. Nantes l’expérimente depuis 2007 et, depuis fin janvier 2012, l’étend à la Loire-Atlantique. Ces expérimentations locales doivent-elles s’étendre à toute la France ?
P. G. :
Les expérimentations ou démonstrations locales sont des initiatives portées par les radios indépendantes ou associatives, ainsi que par certains diffuseurs. Les participants ont bien du mérite, car ils entreprennent à contrecourant. Bien sûr, on pourrait imaginer un scénario de débordement dans lequel une série de diffusions locales sans autorisation lanceraient en fait la RNT. Evoquer ce scénario nous ramènerait avant 1981 : à l’époque,
il n’y avait pas de liberté des ondes, pas de loi, pas d’autorité de régulation. En est-on arrivé à ce point ? Est-ce ce que souhaitent les membres du CSA qui encouragent ces expérimentations sans délivrer les autorisations dans les zones où elles sont prêtes ? Il serait si simple d’appliquer la loi, de délivrer les autorisations dans les trois zones où il y a des sélections, et de donner un signal clair selon lequel il y aura la Radio Numérique pour Tous en France.

EM@ : Pourquoi ne pas miser sur la radio sur IP (6) ?
P. G. :
La radio sur IP existe déjà, mais elle n’est pas une alternative à la radiodiffusion hertzienne : l’IP ne remplacera pas la Tour Eiffel pour diffuser la radio à Paris. Où sont les réseaux mobiles à haut débit prêts à alimenter 45 millions d’auditeurs qui écoutent la radio près de 3 heures par jour en France ? Et combien leur en coûtera-t-il ? L’IP c’est très bien, mais c’est un mode de diffusion de complément. Le modèle de la radio depuis plus d’un siècle (7) est robuste (même en situation de crise), accessible à tous ; il ne peut pas être remplacé par l’IP dont la disponibilité s’effondre notamment dès que tout le monde demande le même service, sans parler des limitations imposées par les opérateurs.

EM@ : Le CSA a publié un appel à candidatures – jusqu’au 27 février – pour la distribution de services de radio numérique ou autres (8) par voie hertzienne terrestre sur la bande L. Que répondent les radios indépendantes du Sirti ?
P. G. :
Cet appel c’est du grand n’importe quoi ! Dans un pays qui a une des offres de radios existantes les plus diversifiées au monde, et où nombre des radios existantes demandent qu’on leur délivre les autorisations pour la RNT, on prétend lancer une offre
de radio numérique payante avec quelques dizaines de radios nouvelles qui seront pour
la plupart réalisées par une société du groupe Lagardère. Voudrait-on mettre dans les mains d’un seul distributeur privé la capacité de diffusion de la radio numérique ?

EM@ : Le Sirti se dit très attaché à la gratuité du média radio et s’oppose à la RNT payante sur la bande L : pourquoi, alors que le Bureau de la Radio ne l’exclut pas ? P. G. : Le Bureau de la Radio est très discret, car son travail de sape est en fait difficile
à justifier. Des groupes qui font énormément de profit, en particulier en radio en France,
ne sont pas prêts à payer quelques millions d’euros pour un réseau de radio numérique. C’est surréaliste, car la RNT leur promet une couverture nationale, une amélioration technique réelle, des données associées, une interactivité accrue, … Mais il y a deux points qui effarouchent ces groupes. Le premier est très court terme : depuis le début
de la crise, l’activité radio doit leur produire du cash qui leur préserve leur taux de marge pour investir dans d’autres domaines (télévision, Internet, téléphonie, et à l’international). Le second point est que ces groupes ont obtenu en France de réels privilèges en fréquences FM – et un tel renforcement du déséquilibre par rapport aux radios indépendantes dans ce qu’on a appelé FM+ – qu’ils craignent que la RNT ne relance
la concurrence.

EM@ : Quel sera le modèle économique de la RNT ? Fautil privilégier le DAB+ moins coûteux ?
P. G. :
Le modèle économique est simple : il faut une volonté politique, délivrer les autorisations à Paris, Marseille et Nice, faire la promotion des récepteurs disponibles, mettre en place des aides temporaires et limitées aux PME de la radio (sans commune mesure avec ce qui est accordé à la presse ou aux institutions culturelles), et la RNT sera lancée. On peut la lancer avec la norme qui est autorisée puis en ajouter une autre demain au choix des éditeurs, à l’instar de ce que nous a montré l’histoire de la TNT. @

Olivier Huart : « Face à la révolution numérique et la fin de l’analogique, TDF poursuit sa mue »

Radio numérique, télévision sur mobile, diffusion en streaming sur le Web, expérimentations de vidéo à la demande ou de télévision de rattrapage sur la TNT, … Le directeur général de TDF explique à Edition Multimédi@ sa stratégie face aux mutations technologiques.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le 29 juin dernier, la mission confiée à David Kessler sur « l’avenir numérique de la radio » a été officiellement lancée. Depuis les rapports Tessier et Hamelin,
il n’y a pas eu consensus autour de la radio numérique terrestre (RNT). Que dit TDF ?
Olivier Huart (photo) :
TDF a réalisé en début d’année une
étude sur la RNT pour évaluer l’impact économique et technique (capacité des réseaux) d’un report de l’audience de la radio
« live » [en direct à l’antenne, ndlr] vers les réseaux mobiles 3G ou 4G. Conclusion : s’il n’y a pas de difficulté technique, le coût est significatif et évalué à 3,7 millions d’euros par an pour un grand réseau radiophonique. Nous pensons que la radio sur les réseaux 3G est complémentaire au mode broadcast [radiodiffusion de la RNT par un réseau hertzien dédié, ndlr], lequel conserve toute sa pertinence. Le coût des réseaux de RNT est deux fois moins élevé que celui d’un réseau analogique, ce qui présente un intérêt certain pour les radios. Aujourd’hui, nous nous appliquons à rendre ces réseaux encore
« plus économiques », c’est un des axes majeurs dont nous discuterons avec la mission Kessler. Quant aux normes DAB+ et DMB, elles sont issues de la même famille
Eureka 147 et sont compatibles. Pour un prestataire technique de diffusion, cela ne change rien (1).

EM@ : Votre filiale Mobmux a été choisie comme opérateur commun de multiplex pour la télévision mobile personnelle (TMP). Quelle technologie prévoyez-vous ?
O. V. :
L’accord préliminaire conclu entre TDF, via sa société Mobmux, et les 16 chaînes autorisées en TMP, le 8 juin dernier, va permettre demain d’enrichir l’offre de télévision
en mobilité. J’en suis convaincu et nous avons, depuis longtemps, la volonté d’offrir aux téléspectateurs une autre façon de consommer la télévision. Ce sera chose faite, au second semestre 2011, lorsque Virgin Mobile lancera son offre sur un réseau broadcast que nous allons déployer sur 2.500 communes, soit 50 % de la population française. L’enjeu est de taille, la TMP présentant l’avantage de résoudre les problèmes de
réception liés à la saturation du réseau mobile 3G. Concernant la norme, nous discutons actuellement avec l’américain Qualcomm au sujet de sa technologie MediaFLO et nous regardons aussi la norme chinoise CMMB. L’avantage non négligeable serait de déployer le réseau avec une technologie moins chère que le DVB-H.

EM@ : Votre filiale SmartJog, qui commercialise des services sous la marque
TV-Radio.com, est moins connue. Comment se développe cette activité ?
O. V. :
TDF gère une plateforme importante de streaming en France, grâce à SmartJog qui compte plusieurs centaines de clients TV et radio live, on-demand ou podcastée.
Le chiffre d’affaires est modeste à l’échelle du groupe mais l’activité enregistre une croissance très importante. Aujourd’hui, la proximité est très marquée entre la diffusion broadcast [télédiffusion ou radiodiffusion par un réseau hertzien dédié, ndlr] et la diffusion IP (streaming). C’est pourquoi, nous souhaitons nous positionner comme l’un des leaders européens sur l’activité de CDN (Content Delivery Network), exclusivement dédiée aux médias audiovisuels. Nous souhaitons ainsi accompagner la mutation des usages des téléspectateurs – gros consommateurs de terminaux connectés, smartphones, iPhones,… – et ainsi répondre aux besoins et aux attentes de nos clients TV et radio. Demain, nous irons plus loin en déployant une infrastructure de très haute qualité de service pour alimenter les réseaux IP de nos clients.

EM@ : Qu’attendez-vous de vos expérimentations de « push VOD » et de « catch
up TV » sur la télévision numérique terrestre (TNT), notamment avec TF1, France Télévisions, Arte et NRJ12 ?
O. V. :
L’expérimentation menée par TDF pour tester techniquement des contenus non linéaire – télévision de rattrapage et vidéo à la demande – via le signal de la TNT est terminée depuis quelques jours [seule une expérimentation à Rouen a été prolongée par le CSA, ndlr]. Les résultats techniques sont concluants : ces services pourraient voir le jour fin 2011, en fonction des ressources spectrales disponibles. Nous devrions avoir courant juillet une synthèse des retours d’expérience. N’oublions pas qu’une partie de la population française ne dispose pas du triple play [accès Internet-téléphone-télévision par ADSL, ndlr], soit par choix, soit par impossibilité technique. Ainsi, développer de nouveaux services sur la TNT est aujourd’hui une nécessité pour en conserver toute son attractivité.

EM@ : TDF est en situation de position dominante en France. L’Autorité de la concurrence, saisie en 2009 par la société Itas Tim pour concurrence déloyale
de TDF, poursuit son instruction au fond…
O. V. :
Tout d’abord l’Autorité de la concurrence a rendu le 9 mars dernier une décision dans laquelle elle rejette la demande de mesures d’urgence formulées par la société Itas Tim à l’encontre de TDF. Nous attendons avec sérénité les conclusions de l’instruction au fond. Cela dit, nous sommes présents sur des marchés de plus en plus concurrentiels. Ainsi, le marché de la diffusion hertzienne terrestre est un marché modeste et en décroissance avec le passage au tout numérique : de 400 millions d’euros en période de double diffusion analogique-numérique à environ 200 millions. Mais, en France, la concurrence est organisée site à site et la durée des contrats de diffusion n’est que de 5 ans (contre 15 ans en moyenne dans les autres pays européens). Cette structure de marché se traduit par l’existence d’une concurrence forte et des tarifs, qui sont parmi les plus bas d’Europe.

EM@ : Depuis février, vous dirigez TDF, société détenue par TPG (42 %), la CDC
(24 %), Axa (18 %) et le Fonds stratégique d’investissement (FSI). En quoi consiste « Cap numérique »?
O. V. :
L’enjeu principal est de pouvoir financer nos investissements dans les réseaux et dans les relais de croissance, notamment à l’international. Le groupe TDF a 4 milliards d’euros de dettes. Le premier milliard doit être remboursé en 2014, ce qui nous laisse quatre ans. Notre métier nécessite de lourds investissements dans les infrastructures,
il nous pousse à atteindre une masse critique significative le plus rapidement possible. Dans ce contexte, TDF a commencé à se transformer et va poursuivre sa mue.
Nous disposons pour cela de vrais atouts, faisant de TDF le « moteur » numérique des industries de la télévision, des télécoms et de la radio. La fin de l’analogique marque,
pour notre entreprise, un tournant que nous avons anticipé. Pour assurer son ancrage dans cette révolution numérique, notre groupe va donc aborder sa transformation.
C’est l’objectif du plan « Cap Numérique », lancé en juin dernier, il est destiné à réorganiser notre structure, mais aussi à réduire nos coûts et nos effectifs sous forme d’un plan de départs volontaires portant sur 350 emplois. Cette réorganisation contribuera à faire émerger de nouveaux métiers et à innover dans nos activités@

Pierre Bellanger, Skyrock : « Je crois utile que s’ouvre le chantier d’une nouvelle loi sur la radio »

Pour le PDG-fondateur de Skyrock, radio libre créée il y a près de 25 ans, la radio numérique terrestre (RNT) est une technologie dépassée. Pierre Bellanger explique à Edition Multimédi@ pourquoi la radio IP – sur Internet fixe et, de plus en plus, mobile – va changer la donne.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La RNT ne sera pas lancée cette année mais en 2011. Finalement, le 8 avril, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’a rien décidé et a renvoyé le gouvernement à « ses responsabilités ». Pourquoi la solution hybride IP/broadcast – avec financement de démarrage par TDF – ne pourra pas être possible dès cette année ? En appelez-vous au grand emprunt ?
Pierre Bellanger (photo) :
La radio numérique existe déjà par câble, ADSL, satellite et terminaux mobiles. La RNT propose de rajouter un mode supplémentaire de distribution de la radio numérique nécessitant un nouveau réseau d’émetteurs et un nouveau parc de récepteurs. C’est un investissement lourd à amortir sur au moins deux décennies. Cependant, la RNT est une radio numérique non-IP, c’est-à-dire qu’elle n’est pas au protocole Internet. Comment justifier la création d’un réseau non-IP au moment où l’Internet fixe, et demain mobile, révolutionne tous les médias ? Pourquoi un auditeur jetterait-t-il son poste FM actuel pour le remplacer par un poste de radio numérique avec une offre de radios plus ou moins équivalente ? Pourquoi préférerait-il demain cette radio non IP, avec quelques dizaines de programmes, comparée à l’offre de radios IP qui est illimitée ? Aujourd’hui, il serait trop tard pour lancer le CD. Il en est de même pour la RNT, qui est une technologie dépassée sans avantage significatif pour les auditeurs et sans modèle économique ni perspective pour les éditeurs. Les perfusions d’argent public ou les avantages commerciaux n’y changeront rien.

« Toutes ces questions doivent se poser dans le cadre d’une réflexion globale sur l’âge hybride FM-IP qui s’ouvre devant nous. C’est pourquoi, je crois utile que s’ouvre le chantier d’une nouvelle loi sur la radio. »

EM@ : Skyrock a rejoint, il y a près d’un an, l’association Les Réseaux des Indépendants au lieu d’adhérer au Bureau de la Radio. Qu’est-ce qui diffère entre ces deux organisations, notamment en matière de numérique (webradios, RNT, …) ? Y a-t-il des différences de stratégie numérique entre, par exemple, les deux pionnières des radios libres NRJ et Skyrock ? Lesquelles ? Les seuils ont-ils
en outre un sens à l’heure du Net ?
P. B. :
Nous avons été, avec d’autres, à l’initiative de cette association informelle
– Les Réseaux des Indépendants – car les intérêts des réseaux indépendants ne sont identiques à ceux des groupes. Garants de la diversité des éditeurs et des programmes au niveau national, nous cherchons à la maintenir et la développer. Même si les convergences sont nombreuses avec le Bureau de la Radio, la discussion directe avec les pouvoirs publics montre que notre rôle et nos spécificités sont compris, une voix propre est donc utile. NRJ partage aujourd’hui notre point de vue sur la RNT. Oui, les seuils ont un sens à l’heure du Net, car FM et IP ne sont pas encore aujourd’hui des réseaux de distribution équivalents. La ressource hertzienne FM est limitée et doit être régulée ; la radio IP changera la donne mais elle est encore aujourd’hui marginale.

EM@ : Skyrock.com arrive en tête des sites web certifiés en France par l’OJD
(137 860 062 visites au mois de février). Comment expliquez-vous ce succès de fréquentation ? Tandis que l’antenne Skyrock arrive en 6e position en terme d’audience cumulée en France selon Médiamétrie de novembre-décembre 2009. Voyez-vous une corrélation entre l’audience des sites communautaires et de l’antenne ? Pourquoi ?
P. B. :
Skyrock a un ADN : la libre expression populaire de la nouvelle génération.
C’est la culture de Skyrock qui rassemble 4 millions d’auditeurs chaque jour et qui est
la première radio de France des moins de vingt-cinq ans depuis plus de quarante sondages. C’est aussi la culture de skyrock.com, qui est le premier réseau social de blogs français et européen avec près de 20 millions de visiteurs uniques chaque mois et 30 millions de blogs actifs. Le point commun, c’est la confiance dans la créativité de la nouvelle génération et le goût de la liberté.

EM@ : DVB-H, T-DMB, DVB-T, DVB-T2, DAB+… La norme de la radio numérique fait toujours débat. Vous prônez la radio IP. Pourquoi estimez-vous que la radio doit plutôt évoluer vers la radio Internet que vers le broadcast ? Entre le hertzien,
le mobile/3G/LTE, le Wifi/Wimax ou encore le satellite, comment voyezvous l’avenir de la « radio à images » ? Qu’expérimentez- vous ?
P. B. :
La radio IP emprunte tous les réseaux IP – fixes ou mobiles – et elle est reçue sur tous les terminaux informatiques connectés restituant le son. Elle apporte un choix illimité et interactif inconnu du broadcast traditionnel. L’offre de programmes est la clef de la réussite. Par ailleurs, la connexion Internet va devenir équivalente au branchement au réseau électrique. La radio IP gratuite est dans le sillage de cette connexion Internet globale où tous les terminaux sont en réseau. Comment imaginer d’ailleurs un poste de radio, demain, qui soit étranger à l’environnement musical informatique que chacun va se constituer entre ses récepteurs fixes et mobiles ? Pour la radio à images, elle a le même avenir que la télé sans images. La force de la radio, c’est justement l’absence d’image. C’est le seul média qui ne mobilise pas l’oeil, c’est sa force. Nous n’expérimentons rien en ce domaine ; le diaporama n’est pas le futur de la radio.

EM@ : Médiamétrie mesure la « catch up Radio » mais Skyrock n’y figure pas : pourquoi ? Skyrock en podcast téléchargés, d’une part, et en streaming différé ou live, d’autre part, est-il important ? Craignez-vous une cannibalisation de l’antenne par le délinéarisé ou le piratage du streaming ? Souhaitez-vous un statut de radiodiffuseur pour les webradios et le streaming ? Quels sont vos projets
en 2010/2011 ?
P. B. :
La radio en différé convient parfaitement à des productions intemporelles, comme certaines émissions de France Culture, ou à des segments humoristiques de radios généralistes, par exemple. Mais elle n’est pas adaptée à de la radio de l’instant présent qui n’a de sens qu’au moment où elle est partagée en direct, ce qui est le cas de Skyrock.
La radio différée n’est pas une concurrence pour la radio vivante immédiate, c’est autre chose. Le streaming constitue une concurrence directe pour les radios FM les plus routinières. Il n’est pas une menace en revanche pour les offres créatives, qu’elles soient parlées ou musicales comme Skyrock. En ce qui concerne le statut des web-radios, toutes ces questions doivent se poser dans le cadre d’une réflexion globale sur l’âge hybride FM-IP qui s’ouvre devant nous. C’est pourquoi, je crois utile que s’ouvre
le chantier d’une nouvelle loi sur la radio. Enfin, nous ne communiquons pas sur nos projets. Désolé ! Je peux simplement dire que nous sommes en situation de
« mobilisation générale », c’est-à-dire que nous pensons que la majorité des accès à nos services Internet se fera dans les 5 ans à partir des terminaux mobiles. Donc, nous nous réinventons pour la mobilité. @