Ma radiovision

6 heures 50 du matin, la ville est encore prisonnière d’un fin filet de givre. Des frissons le long du dos, je pose un pied par terre après une courte nuit de sommeil. Un programme, mimusique, mi-info sert de bande originale à cette scène rituelle et soutient mes premiers pas hésitants. La radio est ainsi, chaque matin, l’ingrédient indispensable et discret de mon retour progressif à la réalité. La radio, ce média modeste qui a si bien résisté dans une époque dominée par l’image, illustre presque parfaitement la théorie qui veut que les médias s’additionnent sans se remplacer.

« Nous autres, auditeurs, avons désormais accès à de nouveaux programmes diversifiés et démultipliés grâce à l’accès à des données associées. »

La radio est en effet pleine de surprises et n’a pas échoué au grand cimetière des technologies d’hier, où trône pourtant la TSF d’un Woody Allen se retournant avec une tendre nostalgie sur son passé dans son très beau “Radio Days”. On pense souvent que l’âge d’or de la radio fut cette parenthèse magique où elle s’imposa comme le premier grand média familal, de son apparition dans les années 20 jusqu’à la généralisation rapide de son grand concurrent, le poste de télévision, dans les années 50. C’est bien sûr vrai, mais elle nous surprend encore ! Quelque 100 ans plus tard, l’année 2020 est celle de tous les dangers pour la radio puisque la bande FM, symbole de la libéralisation des années 80, vient d’être abandonnée. La radio a dû se réinventer, même si elle a failli être éteinte par les jeunes générations qui se sont détournées d’elle comme de la presse au changement de millénaire. Son salut est venu de sa simplicité et de sa plasticité : la radio d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le poste à réception hertzienne d’antan. Paradoxalement, au moment de disparaître, la radio d’autrefois s’était déjà réincarnée en se démultipliant. A tel point que tout le monde fait aujourd’hui de la radio (ou presque) en intégrant l’écoute de la radio aux principaux usages du Web (messagerie instantanée, recherche, réseaux sociaux, actualités) en simulcast, en pure webradio, en catch-up radio ou en smart radio. Les télés, les journaux et les multiples acteurs du Web (des géants de l’Internet aux spécialistes de la musique en ligne), sans compter les services d’accès à des listes infinies de stations mises à disposition par les success stories de l’époque, Last.fm ou live365, tous quasiment ont voulu décliner leur média dans ce format apparemment si simple. A l’inverse, les stations de radio classiques survivantes se sont réinventées en intégrant l’écrit et l’image à leur site Internet.

Qui se souvient qu’en 1928, l’un des noms de la télévision naissante a été “la radiovision”. Et qui aurait pu dire que le futur et la radio serait la vidéo ? Et c’est pourtant ce qui est en train de se passer, au moment où des rédactions d’un nouveau genre déclinent (en les intégrant) les médias autrefois séparés de la télévision et de la radio. Sur ma radio numérique à images, la magie des grandes voix sans visage à fait long feu, même si nous autres, auditeurs, avons désormais accès à de nouveaux programmes diversifiés et démultipliés grâce à l’accès à des données associées. Dès 2006, John Hogan, patron de Clear Channel Radio, déclarait : « Nous sommes devenus agnostiques quant au moyen de diffuser la radio et passionnément mobilisés par les contenus ». Finalement, après bien des tâtonnements, c’est bien la réalité : à côté d’une banalisation inévitable du média,
la radio live sait encore créer des programmes exclusifs et attractifs, qui s’écoutent et se regardent désormais via des réseaux haut débit fixe et mobile sur la plupart des terminaux existants, intégrant des écrans permettant de suivre ses programmes de radios préférés. Au bout du compte, force est de reconnaître que c’est encore bien souvent la radio qui nous inspire. Je me rappelle parfaitement du temps où nous cherchions désespérément les nouveaux business models à même de financer les contenus de l’Internet. La radio de toujours s’était rapidement imposée à nous. Gratuite, accessible, universelle, elle contenait tous les ingrédients que nous recherchions ! Il ne lui manquait que l’interactivité. C’est chose faite. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique “2020” : Les jeux vidéo *
* Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et
commercial de l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécoms
en Europe). Rapport sur le sujet : « Le marché de la Webradio »,
par Gilles Fontaine, Sophie Girieud et Marc Leiba
www.idate-research.com

La radio numérique retardée faute de modèle viable

En fait. Début novembre, le CSA a réuni les acteurs de la radio numérique terrestre (RNT) pour relancer le compte à rebours, après avoir annoncé, le 20 octobre, le report de « six mois maximum » des premières émissions prévues initialement avant fin 2009. Le rapport “Tessier” estime la RNT trop chère.

En clair. Silence radio… Rachid Arhab n’a pas de chance. Il fêtera en janvier 2010
ses trois ans comme membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), où il est notamment président du groupe de travail RNT (1), mais n’aura toujours pas le plaisir d’inaugurer le lancement des premières émissions de radio numérique. L’ancien journaliste de France 2 s’est consolé en allumant « symboliquement » avec TDF,
VDL et Towercast un premier émetteur. C’était le 20 octobre au salon des médias
et de l’audiovisuel (Siel-Satis-Radio) qui a bénéficié d’une « fréquence provisoire ».
Le gouvernement et le président du CSA, Michel Boyon, promettaient pourtant la RNT
« pour Noël » la réception numérique – sur Paris, Marseille et Nice – de 40 à 55 stations radio, dont 7 à 13 nouveaux projets selon les villes. La décision a été prise
de décaler une nouvelle fois le calendrier « au milieu de l’année prochaine ». Bien que les autorisations d’émettre soient signées et les tout premiers postes de réception disponibles pour 40 à 200 euros (2), les problèmes techniques et surtout économiques ont eu raison du calendrier initial. Le rapport RNT de Marc Tessier estime les coûts de lancement et de couverture trop élevés. Les opérateurs de multiplexe, qui assureront la diffusion hertzienne sur les trois premières zones, ne sont pas prêts. Les radios ont du mal à se regrouper par multiplexe (3), en fonction de leur catégorie et de leur objectif de couverture. Et certains groupes veulent regrouper leurs stations afin de mutualiser les coûts.
Autre problème : certaines radios souhaiteraient ne pas avoir à payer les frais de diffusion analogique et numérique en même temps. Car, contrairement au signal analogique de la télévision qui dispose d’une date butoir fixée à novembre 2011 pour son extinction totale au profit de la TNT, celui de la radio analogique n’en a pas…
Mais le CSA a déjà préparé les esprits à la mise en place d’une échéance, à 2020. Pour l’heure, il faudra attendre mi-2010 la « radio à images » qui permettra de recevoir non seulement une qualité de son numérique mais aussi de voir sur écran des textes, des photos ou des illustrations.
Une interactivité sera en outre proposée avec Internet ou les mobiles multimédias (forums, achats, infos trafic, etc), ainsi que la fonction podcast ou catch-up radio pour (ré)écouter hors antenne. @