Lutte contre les pirates du Net : musique et cinéma ont déposé quatre dossiers « TMG » auprès de la CNIL

Quatre organismes de la musique et du cinéma, réunis en « consortium » (Alpa, SCPP, Sacem et SPPF), demandent à la CNIL, laquelle a deux mois pour leur répondre, des autorisations d’utiliser les « radars » de TMG pour tenter de prendre des internautes en flagrant délit de piratage des oeuvres.

Nicolas Seydoux, président de l’Alpa

Frédéric Mitterrand est confiant en l’Hadopi…

En fait. Le 25 mars, Frédéric Mitterrand – ministre de la Culture et de la Communication depuis dix mois – était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Accompagné de son directeur adjoint de son cabinet Mathieu Gallet, il a répondu aux questions d’une trentaine de journalistes.

En clair. Sur la mise en place de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et
la protection des droits sur Internet (Hadopi), il a précisé que les derniers décrets d’application de la loi faisaient encore l’objet de « discussions interministérielles » (Industrie, Culture, Justice, …) et seront publiés « dans les semaines à venir ».
Les premiers décrets d’installation de la nouvelle autorité et de sa Commission de protection des droits ont été publiés entre décembre et mars, mais il reste celui précisant la procédure à suivre par l’Hadopi pour la sanction et la suspension de l’abonnement des internautes pirates. Quant à l’avis que la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (Cnil) a rendu le 14 janvier dernier sur le décret “Traitement automatisé de données à caractère personnel” (voir EM@ 9 p. 3), il sera publié. « Il n’y aucun problème ; il le sera », a répondu Frédéric Mitterrand à Edition Multimédi@. Le ministre table toujours sur « l’envoi des premiers emails d’avertissement à la fin du printemps » et – à propos de « la première évaluation des effets de la loi Hadopi » par l’Université de Rennes – constate que si le piratage a augmenté depuis la loi (+ 3 %), « le recours à l’offre légale augmente aussi ». Reste quand même à se mettre d’accord avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), qui estiment à environ 100 millions d’euros le coût de la mise en oeuvre de la sanction (1). « Il y a encore des discussions avec Free sur la prise en charge des coûts », a indiqué Frédéric Mitterrand. A ses yeux, « le volet pédagogique » a plus d’importance que le volet répressif. Dans ce sens, il a réaffirmé que la “carte musique jeune” sera prête
pour la Fête de la musique, le 21 juin prochain. Au sein de son ministère, la DGMIC vient d’achever – le 24 mars – son appel d’offres en vue de mettre en oeuvre d’une plateforme Internet correspondante. Lors du Marché international de la musique et
de l’édition musicale (Midem) fin janvier, il avait indiqué que la carte à 50 euros serait payée pour moitié par les 15-24 ans, l’autre étant prise en charge par l’Etat et les industriels. Le ministre suit en outre avec attention les discussions de la filière musicale
– sous la houlette d’Emmanuel Hoog (EM@8 p 5) – sur la mise en place, avant la fin de l’année, d’un régime de gestion collective obligatoire des droits. @

Préachats de films : les éditeurs de VOD se rebiffent

En fait. Le 2 avril, Marc Tessier, président du Syndicat des éditeurs de vidéo
à la demande (SEVD) indiquait dans Les Echos que le projet de décret sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) – soumis à consultation publique jusqu’au 16 avril – est « un texte qui ne se comprend pas ».

En clair. Les éditeurs de vidéo à la demande, dont Canal Play, TF1 Vidéo, France Télévisions Interactive, Glowria ou encore MK2 Vidéo, ne veulent pas que leurs
services en ligne soient mis à contribution en matière de préachat ou de coproduction cinématographiques et audiovisuels d’œuvres européennes ou d’expression orginale française (EOF). Pourtant, la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui ont rédigé ensemble le projet de décret, disent avoir fixé
« un seuil élevé de chiffre d’affaires [15 millions d’euros, ndlr]», afin justement de
« permettre d’éviter que ces obligations entravent l’émergence de ces services ». Ce seuil ne concerne pas la catch up TV, soumise néanmoins à contribution elle aussi (1). Selon le projet de décret SMAd, soumis à consultation publique jusqu’au 16 avril, les services de VOD dépassant les 15 millions d’euros seront appelés à verser entre 2,4 % et 26 % de leur chiffre d’affaires au préfinancement de productions de films de cinéma, d’une part, et entre 2,4 % et 9,6 % au préfinancement de productions audiovisuelles, d’autre part. Pour les films, par exemple, le taux de prélèvement le plus élevé – 26 % – s’applique aux services de VOD par abonnement lorsqu’il s’agit d’œuvres européennes diffusées en ligne entre 10 et 22 mois après la sortie en salles (première fenêtre), dont 22 % pour les films EOF. Entre 22 et 36 mois (deuxième fenêtre), le taux descend à 21 % des revenus – dont 17 % pour les films français. « Conformément aux préconisations du rapport Création et Internet (…), les services par abonnement, qui proposent annuellement au moins 10 œuvres cinématographiques (…), sont soumis à un niveau de contribution cinématographique identique à celui applicable aux services de télévision de cinéma », indiquent la DGMIC, le CSA et le CNC. Quant aux autres services de VOD, en l’occurrence à l’acte, ils seront prélevés jusqu’à hauteur de 12 % du chiffre d’affaires.
Ce dernier taux est appliqué si au moins trois-quart des films proposés par la plateforme de téléchargement sont des oeuvres cinématographiques. Pour Marc Tessier, président du SEVD, ce texte « ne tient pas compte de l’économie de la filière, qui reverse déjà entre 50 % et 60 % de ses recettes aux producteurs pour les films récents ». @

eEurope : – 4,5 millions d’« emplois » d’ici à 2015 ?

En fait. Le 17 mars, la Chambre internationale de commerce (ICC) a publié une étude intitulée « Promouvoir l’économie numérique ». Elle a calculé que les industries créatives en Europe pourraient perdre, rien que cette année, jusqu’à
17 milliards d’euros et 345.000 emplois à cause du piratage en ligne.

En clair. Depuis qu’elle a créé en 2005 une instance, baptisée BASCAP (Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy) pour « appeler les gouvernements à s’engager plus dans l’application et la protection des droits de propriété intellectuelle », la Chambre internationale de commerce s’est fixée comme objectif de « rendre le public conscient de l’ampleur de la contrefaçon et du piratage et des dommages liés ». Selon son étude commandée au du cabinet de conseil parisien Tera Consultants et rendue publique à Bruxelles, « le piratage numérique, qui recouvre les diverses formes du piratage en ligne, dont l’échange de fichiers (peer to peer – P2P), est le responsable
de la majeure partie des pertes économiques des industries créatives ». Résultat : le manque à gagner total des industries créatives au sens large – musique, cinéma, télévision, édition, publicité, services en ligne de distribution de contenus ou encore logiciels – risque de s’élever à un total cumulé de 217 milliards d’euros de 2010 à 2015 dans l’Union européenne « si la politique actuelle ne change pas » (1). Et selon nos informations, cela provoquerait une perte totale et cumulée supérieure à 4,5 millions
de « pleins temps annuels » sur ces cinq ans, dont 1,2 million d’emplois en 2015. Car, si les médias n’ont retenu que ce dernier chiffre « cumulatif », l’impact social du piratage numérique pourrait être bien plus négatif.
« Le piratage numérique pourrait provoquer entre 2010 et 2015 la perte d’environ
4.5 millions de pleins temps annuels, si l’on prend cette unité de mesure et non pas
la notion d’emploi stricto sensu », indique à Edition Multimédi@ Patrice Geoffron,
directeur de l’étude et professeur à l’Université Paris-Dauphine. C’est beaucoup
au regard des quelque 14 millions d’emplois actuels en Europe dans les industries créatives. Cette hypothèse haute de destruction de valeur et d’emplois s’appuie sur
le scénario le plus sombre avancé par Tera Consultants, à savoir une croissance du piratage numérique sur Internet qui prend en compte non seulement les échanges
de fichiers via les réseaux P2P, mais aussi le streaming. Alors que dans le scénario
le moins sombre, où seuls les échanges de fichiers sont considérés (mais pas toutes communications effectuées via le protocole IP), les dégâts s’élèvent à 144 milliards entre 2010 et 2015, et un total d’un peu plus de 2,7 millions de pleins temps annuels. @

Au nom de « l’exception culturelle », le cinéma déroge au droit de la concurrence

L’ordonnance du 5 novembre 2009 modifiant le code du cinéma et de l’image animée met en place une véritable régulation sectorielle du cinéma en France qui, au nom de « l’exception culturelle », apporte des dérogations au droit de la concurrence – y compris en VOD.

Par Christophe Clarenc (photo) et Renaud Christol, avocats, cabinet Latham & Watkins

Dès le 28 juin 1979, la Commission de la concurrence
– ancêtre de l’Autorité de la concurrence – a affirmé dans
un avis que « si le cinéma est à la fois un art et une industrie […] et nonobstant l’existence de réglementations spécifiques mises en oeuvre sous l’autorité du centre national de la cinématographie [CNC], les règles de concurrence en vigueur sont applicables aux entreprises et activités cinématographiques » (1). Or, les relations entre le cinéma et le droit de la concurrence sont à tout le moins « ambivalentes », ainsi que l’a relevé il y a deux ans le rapport « Cinéma et concurrence » (2).