Très haut débit : risque de très grande fracture

En fait. Le 10 décembre, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi
contre la fracture numérique, texte déposé en mai par le sénateur de la Gironde,
Xavier Pintat. Objectif : assurer la couverture du très haut débit et de la télévision numérique terrestre (TNT).

En clair. Le Sénat a adopté le 10 décembre le projet de loi “Pintat” qui avait été adopté le 30 novembre dernier à l’Assemblée nationale. Il s’agit, d’une part, de donner la possibilité aux collectivités locales d’être investisseur minoritaire dans les réseaux très haut débit et, d’autre part, de mettre en place un fonds d’aménagement numérique des territoires (96 millions d’euros, dont 250 euros garantis à chacun des 200.000 foyers ne pouvant recevoir la TNT). Ce vote parlementaire intervient après que la commission
« Rocard-Juppé » ait recommandé, le 19 novembre, de consacrer 2 milliards d’euros pour les infrastructures très haut débit (voir EM@ n° 2 p. 3). « Ces recommandations visent justement à rendre complémentaires l’investissement privé et l’investissement public. C’est là un pas décisif vers la mise en place d’un programme national pour le très haut débit », a expliqué Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d’Etat chargée de l’Economie numérique. Par ailleurs, le passage au tout-numérique pour la diffusion de la télévision va libérer les fameuses « fréquences en or » (du « dividende numérique ») qui devraient apporter le très haut débit mobile jusque dans les « zones blanches ». La future quatrième génération de mobile (4G) est d’ores et déjà perçue comme une véritable alternative au développement de la fibre optique. « Si nous n’y prenons garde, la fracture numérique du très haut débit sera plus importante encore que celle du haut débit », a prévenu la député Laure de La Raudière (1). La France a bien rattrapé son retard dans le haut débit, mais l’arrivée de la fibre risque à terme de recréer une fracture numérique. Pour l’heure, seuls 680.000 abonnés en bénéficient. Mais la généralisation de la haute définition pour la télévision et de la vidéo à la demande de qualité créera une forte demande. Autant le satellite peut être une solution alternative lorsque l’on ne peut recevoir l’ADSL dans certaines zones rurales ou montagneuses, autant l’accès haut débit satellitaire risque de faire pâle figure par rapport à un accès très haut débit. « Nous devons nous fixer l’objectif de remplacer, pour tous les Français, le réseau cuivre par le réseau fibre optique. (…) Toutes les solutions alternatives, existantes ou à venir, doivent être étudiées. C’est ce que permet l’élaboration des schémas directeurs territoriaux prévus par la proposition de loi du sénateur Pintat »,
a indiqué la député d’Eure-et-Loir. @

Un « petit » 2 milliards pour le très haut débit…

En fait. Le 19 novembre, la commission Rocard-Juppé a remis son rapport
« Investir pour l’avenir » au président de la République. Sur les 35 milliards
d’euros du grand emprunt qu’investira l’Etat en 2010, la fibre optique, les
solutions satellitaires et le très haut débit mobile obtiennent 2 milliards.

En clair. C’est trop peu ! Rien que pour couvrir l’Hexagone d’un réseau national de fibre optique qui n’exclut personne de l’accès à 100 Mbits/s, l’effort d’investissement devrait atteindre les… 40 milliards d’euros sur 10 ans (1). Avec 5 % seulement de contribution du grand emprunt, la fracture numérique risque de perdurer. La secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet espérait de la commission Rocard-Juppé jusqu’à 5 milliards. L’Association des régions de France (ARF) avait, elle, estimé le montant de la facture de déploiement de la fibre à 30 milliards. « Les 2 milliards vont nous servir d’effet de levier » a déclaré NKM le jour de la remise du rapport. Rien que 1 milliard d’euros permettraient de raccorder en fibre près de 5 millions de foyers, du moins sur les territoires moins denses en population (les fameuses zones 2 et 3). Mais le très haut débit ne se limite pas au réseau fixe. La 4G – quatrième génération de mobile – bénéficiera elle aussi du coup de pouce. Or les besoins de couverture vont se chiffrer en plusieurs centaines de millions d’euros pour les quatre opérateurs mobile (Orange, SFR, Bouygues Telecom et désormais Free Mobile). « Il convient d’accélérer la transition de la France vers le très haut débit en développant les infrastructures les plus pertinentes économiquement et techniquement (fibre optique, solutions satellitaires, très haut débit mobile…) pour les zones les moins denses (zones 2 et 3) afin de favoriser l’accès, à terme, au très haut débit sur l’ensemble du territoire », ont expliqué les deux anciens Premiers ministres. Ils prévoient une « recherche systématique de cofinancements privés, des collectivités territoriales et de l’Union européenne », mais ne disent pas si l’idée d’un opérateur national de réseau de fibre mutualisé avancée par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) doit être retenu ou non. Les 2 milliards « très haut débit », tout comme les 2 autres milliards destinés aux contenus et usages en ligne, seront confiés à une Agence pour le numérique. « L’intervention de ce fonds pourrait prendre la forme, au moins pour moitié, d’investissements en fonds propres, d’avances remboursables ou de garantie de prêts et, pour le reste, de subventions et de bonification de prêts », ont-ils précisé à Nicolas Sarkozy, lequel dira début décembre ce qu’il compte finalement faire ou ne pas faire. @