Préachats de films : les éditeurs de VOD se rebiffent

En fait. Le 2 avril, Marc Tessier, président du Syndicat des éditeurs de vidéo
à la demande (SEVD) indiquait dans Les Echos que le projet de décret sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) – soumis à consultation publique jusqu’au 16 avril – est « un texte qui ne se comprend pas ».

En clair. Les éditeurs de vidéo à la demande, dont Canal Play, TF1 Vidéo, France Télévisions Interactive, Glowria ou encore MK2 Vidéo, ne veulent pas que leurs
services en ligne soient mis à contribution en matière de préachat ou de coproduction cinématographiques et audiovisuels d’œuvres européennes ou d’expression orginale française (EOF). Pourtant, la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui ont rédigé ensemble le projet de décret, disent avoir fixé
« un seuil élevé de chiffre d’affaires [15 millions d’euros, ndlr]», afin justement de
« permettre d’éviter que ces obligations entravent l’émergence de ces services ». Ce seuil ne concerne pas la catch up TV, soumise néanmoins à contribution elle aussi (1). Selon le projet de décret SMAd, soumis à consultation publique jusqu’au 16 avril, les services de VOD dépassant les 15 millions d’euros seront appelés à verser entre 2,4 % et 26 % de leur chiffre d’affaires au préfinancement de productions de films de cinéma, d’une part, et entre 2,4 % et 9,6 % au préfinancement de productions audiovisuelles, d’autre part. Pour les films, par exemple, le taux de prélèvement le plus élevé – 26 % – s’applique aux services de VOD par abonnement lorsqu’il s’agit d’œuvres européennes diffusées en ligne entre 10 et 22 mois après la sortie en salles (première fenêtre), dont 22 % pour les films EOF. Entre 22 et 36 mois (deuxième fenêtre), le taux descend à 21 % des revenus – dont 17 % pour les films français. « Conformément aux préconisations du rapport Création et Internet (…), les services par abonnement, qui proposent annuellement au moins 10 œuvres cinématographiques (…), sont soumis à un niveau de contribution cinématographique identique à celui applicable aux services de télévision de cinéma », indiquent la DGMIC, le CSA et le CNC. Quant aux autres services de VOD, en l’occurrence à l’acte, ils seront prélevés jusqu’à hauteur de 12 % du chiffre d’affaires.
Ce dernier taux est appliqué si au moins trois-quart des films proposés par la plateforme de téléchargement sont des oeuvres cinématographiques. Pour Marc Tessier, président du SEVD, ce texte « ne tient pas compte de l’économie de la filière, qui reverse déjà entre 50 % et 60 % de ses recettes aux producteurs pour les films récents ». @

La tentation de réguler le trafic sur Internet

En fait. Le 8 avril, la cour d’appel de Columbia aux Etats-Unis a donné raison au câblo-opérateur américain Comcast en estimant que la Federal Communications Commission (FCC) n’avait pas les compétences pour réguler la gestion des accès aux réseaux, même au nom de la « Net Neutrality ».

En clair. C’est un cas d’école pour l’Europe qui a pris du retard dans le débat sur la neutralité de l’Internet, principe qui revient à ne pas discriminer l’accès aux contenus
du Web quel qu’ils soient, ni à restreindre la bande passante ou la qualité des réseaux. Malgré ses efforts pour préserver ce principe, la FCC se retrouve délégitimée dans sa volonté de le préserver. Pour les défenseurs de la « Net Neutrality », comme Google ou Amazon, c’est un revers judiciaire. Pour les tenants pour une gestion plus différenciée des flux véhiculés sur Internet, comme Comcast, Verizon ou AT&T (et d’autres opérarteurs télécoms dans le monde), c’est une avancée. Pour les internautes, représentés par deux associations – Free Press et Public Knowledge – à l’origine de la saisine de la Justice dès novembre 2007 contre les blocages de réseaux d’échanges décentralisés peer-to-peer comme BitTorrent, c’est un échec. « Comcast est maintenant autorisé à bloquer les sites web en tout impunité », déplorent l’avocat de Free Press, Ben Scott. En 2008, la FCC avait condamné Comsast pour avoir empêché ses abonnés d’utiliser une application peer-to-peer pour télécharger des vidéos. Le câblo-opérateur américain, qui attend encore le feu vert pour sa fusion avec NBC Universal (voir EM@10 p. 8 et 9) revendique le droit de gérer son réseau pour « éviter la congestion ». Le jugement en appel du 8 avril en a décidé autrement. Mais la FCC ne s’avoue pas vaincue pour autant, estimant que le tribunal a invalidé sa décision mais « n’a pas fermé la porte » à d’autres moyens pour parvenir à « préserver un Internet libre et ouvert ». D’autant que le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, a reprécisé que le président américain Barack Obama était un partisan de la neutralité du Net. Et l’Europe dans tout cela ? « Ce sont les directives européennes sur les communications électroniques qui délimitent le périmètre d’action des Etats membres. Réguler au-delà de ces limites pourrait conduire à une contestation juridique similaire à l’affaire Comcast aux Etats-Unis. On peut voir un parallèle entre l’affaire Comcast et le récent veto de la Commission européenne (1) contre la proposition polonaise de réguler l’échange de trafic IP », indique à Edition Multimédi@ Winston Maxwell, avocat associé de Hogan & Harton et membre du groupe d’expert sur la neutralité du Net mis en place par la ministre française, Nathalie Kosciusko-Morizet. @

Free mise tout sur les « tuyaux » : et les contenus ?

En fait. Le 23 mars, le groupe Iliad a publié ses résultats pour 2009 : chiffre d’affaires en progression de 25 % à 1,95 milliard d’euros et bond du bénéfice
net de 75 %, à 175,9 millions d’euros. Il vise les 5 millions d’abonnés en 2011,
avec notamment la fibre optique. En attendant Free Mobile en 2012.

En clair. Le groupe contrôlé par le fondateur de Free, Xavier Niel, mise à fond dans
les « tuyaux ». Contrairement à Orange ou dans une moindre mesure SFR, le deuxième fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne s’intéresse aux contenus que pour les distribuer. Le directeur général d’Iliad, Maxime Lombardini, réaffirmait devant l’Association des journalistes médias (AJM) en janvier dernier que son groupe
« n’av[ait] pas vocation à être producteur de contenus ». Alors que Orange coproduit des films (Studio 37) ou que SFR investit dans la musique (SFR Music), Free peut-il continuer à ne pas s’impliquer plus directement dans les contenus ? Peut-il se contenter d’une « alliance objective » (dixit un représentant du cinéma français) avec Canal+ dans la distribution du bouquet de télévision (offre promotionnelle Canal+ à
1 euros par mois) et de CanalSat par ADSL ? Comme l’a montré l’institut d’études économiques Coe-Rexecode, les marges les plus élevées sont désormais généré dans les services et contenus numérique mais pas dans les « tuyaux » (lire EM@9 p. 7). Faiblement endetté, Free pourrait se permettre de monter dans la chaîne de valeur.
Au lieu de cela, le « troublion des télécoms » mise à fond sur le déploiement d’infrastructures. L’année 2012 s’annonce d’ailleurs la plus délicate pour car
il lui faudra d’ici-là investir environ 1 milliard d’euros dans un réseau très haut débit mobile pour lancer Free Mobile et quelque 1 milliard d’euros supplémentaires pour déployer son réseau très haut débit en fibre optique, sans compter le prix de la quatrième licence UMTS de 240 millions d’euros. Or, investir aussi dans des contenus nécessiterait encore plus de cash, seul Orange étant capable de mener de front ces deux stratégies et de concurrencer Canal+. Xavier Niel n’a-t-il pas prédit qu’ « avant la fin de l’année, le prix du “triple play” (1) en France va augmenter (…) de l’ordre de cinq euros » ? Pour l’heure, Free compte plus de 3,778 millions d’abonnés. Avec Alice racheté en 2008 à Telecom Italia, le groupe Iliad en totalise 4,456 millions. Mais Alice
lui en a fait perdre 158.000 en un an, notamment au profit de SFR qui pourrait lui ravir la place de numéro deux derrière Orange. Mais Thomas Reynaud, le directeur financier du groupe contrôlé par le fondateur Xavier Niel, reste confiant pour l’année 2010 et vise les 5 millions d’abonnés en 2011. @

TV : déclin de l’antenne au profit du différé ?

En fait. Le 18 mars, Eurodata TV Worldwide – organisme créé par Médiamétrie,
en lien avec les différents instituts de mesure d’audience – a publié une étude
sur le temps passé devant la télévision dans 89 pays : 3 heures et 12 minutes
en moyenne par jour en 2009, soit 3 minutes de mieux sur un an.

En clair. La catch up TV, ou télévision de rattrapage, l’enregistrement numérique pour regarder plus tard, le timeshifting pour voir juste après, ainsi que la télévision sur mobile, favorisent l’émergence de la télévision vue en différée, c’est-à-dire délinéarisée et émancipée de ses grilles de programmes. Alors que l’on disait l’audience de la télévision en déclin face à la poussée du Web et des autres écrans en ligne, voilà qu’elle continue de progresser de… 3 petites minutes en un an. Cette durée d’écoute par individu a même battu un record depuis 2004, les années mesurées précédemment montrant une faible augmentation de 1 à 2 minutes. Sans doute faut-il trouver la raison dans le différé que l’étude d’Eurodata TV Worldwide (1) prend en compte dans seulement 8 pays (2) sur les 89 mesurés pour 3 milliards de téléspectateurs et 2.000 chaînes. Au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Allemagne, pays que l’étude prend en exemple pour montrer l’évolution des audiences « après intégration du différé dans le système de mesure d’audience », on constate que l’audience de l’antenne seule est à chaque fois en déclin avant la prise en compte du différé. Dès lors que le catch up TV, le time-shifting grâce aux magnétoscopes numériques (PVR et DVD-R avec disque dur) ou la télévision sur mobile sont mesurées, l’audience de la télévision reprend des couleurs. Comme le dit Jacques Braun, vice-président d’Eurodata TV Worldwide, « le différé fait toute la différence ! ». Cette année, 9 autres pays intégreront le différé dans leurs mesures. En France, où Médiamétrie ne mesurera cependant pas le différé avant janvier 2011, la télévision s’en sort quand même de justesse avec un gain d’une petite minute en 2009, à 3 heures et 25 minutes, par rapport à l’année précédente. De quoi, pour l’instant, oublier le recul de 3 minutes par téléspectateur de l’audience annuelle moyenne des télévisions françaises entre 2007 et 2008. C’est ce qu’a montré Médiamétrie dans son étude « L’année TV 2009 en France » présentées fin février. Le succès de la TNT gratuite (+ 4,1 points d’audience) a contribué à la croissance de l’audience. Qu’en sera-t-il en 2010 ? Sans le différé, l’audience de l’antenne pourrait souffrir, malgré les Jeux Olympiques de Vancouver en février dernier ou la Coupe du Monde en Afrique du Sud attendue en juin prochain. @

Les statuts d’hébergeur et d’éditeur en question

En fait. Le 26 février, l’Association des services Internet communautaires (Asic)
a tenu à « saluer la prise de position » de la secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, laquelle affirmait la veille que « le statut des hébergeurs n’[était]
pas remis en cause » après la condamnation en cassation de Tiscali Media.

En clair. Pas de panique pour les hébergeurs du Net, les Dailymotion, Youtube et autres Facebook ; ils ne seront pas assimilés à des éditeurs de services, dont les responsabilités sur les contenus en ligne sont autrement plus lourdes. Les hébergeurs ne sont, en effet, responsables pénalement ou civilement que si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu illégal ; les éditeurs sont, eux, responsables de plein droit des contenus qu’ils mettent en ligne, excepté pour les forums, chats, blogs ou courrier des lecteurs (voir EM@8 p. 9). Il n’en reste pas moins que la frontière entre le métier d’hébergeur et celui d’éditeur peut être floue, tant les activités des acteurs du Net peuvent être amenées à s’imbriquer. Cette porosité des deux statuts a ainsi été au cœur de l’arrêt de la Cour
de cassation qui, le 14 janvier dernier, a condamné Tiscali Media (racheté en 2005
par Telecom Italia) pour contrefaçon. Et ce, après avoir été reconnu coupable d’avoir reproduit, en janvier 2002, des bandes dessinées de « Black et Mortimer » et de
« Lucky Luke », sans les autorisations des éditeurs Dargaud Lombard et Lucky Comics. La plus haute juridiction confirmait un arrêt de la cour d’appel de Paris daté du 7 juin 2006. Les œuvres numérisées étaient ainsi intégralement reproduites et accessibles sur le site web « Chez.tiscali.fr ». Condamné en appel il y a près de trois ans (1), Telecom Italia avait vu l’Association des fournisseurs d’accès et de service Internet (AFA) voler à son secours en déposant au greffe, le 25 juin 2007, un mémoire en intervention volontaire. Peine perdue, la Cour de cassation a estimé à son tour que
la société Tiscali Media ne pouvait pas se draper dans son statut d’hébergeur à responsabilité limitée, puisqu’elle a « offert à l’internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et proposé aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion ». Résultat : « Les services fournis excédaient les simples fonctions de stockage ». De quoi jeter le trouble chez les hébergeurs, même si la Cour de cassation s’est appuyée sur une loi de 2000 en vigueur à l’époque des faits et non sur la loi de 2004 sur la Confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui est venue conforter leur statut. @