Comment France Télévisions va rattraper son retard

En fait. Le 23 juillet, est paru au « J.O. » le décret présidentiel officialisant la nomination à la tête du groupe France Télévisions de Rémy Pfimlin, lequel avait
été nommé en Conseil des ministres le 21 juillet. Désigné pour cinq ans par
Nicolas Sarkozy, il remplacera Patrick de Carolis le 22 août.

En clair. Le remplaçant de Patrick de Carolis a déclaré vouloir faire du numérique
« la colonne vertébrale » du groupe de télévisions publiques. « France Télévisions doit rattraper son retard, notamment dans les échanges vidéo pratiqués sur les réseaux sociaux et dans la télévision de rattrapage : le portail de télévision de rattrapage de France Télévisions n’a été ouvert que le 2 juillet [Pluzz, lire EM@17 p. 4, ndlr], alors que plus de 10 millions de personnes consomment déjà régulièrement la télévision de rattrapage », a lancé Rémy Pfimlin (1) lors de son audition parlementaire le 12 juillet (jour même où le CSA a donné son aval). Est-ce une critique négative adressée à celui qui est directeur général de France Télévision Interactive depuis huit ans maintenant ? Ancien fondateur du portail Voila.fr chez Wanadoo après avoir été directeur du projet TV numérique câble et satellite de France Télécom (2), Laurent Souloumiac a été nommé en avril 2002.
Cet X-Télécom (48 ans) a été l’artisan de la télévision publique sur ADSL et de la vidéo à la demande (VOD) de France Télévisions à partir de 2004. Trois ans plus tard, il noue un partenariat exclusif avec Orange pour un service de télévision de rattrapage appelé Rewind TV, puis rebaptisé « 24/24 TV » à la demande du CSA. Mais l’exclusivité Orange-France Télévisions est contestée par la concurrence et le rapport Hagelsteen de février dernier (lire EM@7 p. 8 et 9), retardant du même coup la montée en charge du service de catch up TV.
Pour rattraper le retard, Rémy Pfimlin a indiqué qu’il allait confier la responsabilité du numérique « à un collaborateur, qui, à mes côtés, déterminera les objectifs en termes d’investissements, de développement d’offres et d’initiatives ». Il s’agit de notamment de l’éditorialisation des contenus pour qu’ils soient – « dès la conception des programmes » – conçus pour être diffusés « sur l’ensemble des supports ». Parmi
les défis que souhaite relever Rémy Pfimlin, il y a celui des réseaux sociaux et des
sites de partage de vidéos : « En donnant aux internautes la possibilité de “réagréger” des programmes, afin de se constituer leur propre offre – ce dernier point est crucial, s’agissant d’attirer les plus jeunes vers le service public », précisait-il. Cependant,
« la webTV ne pourra pas remplacer l’antenne mais la compléter », a-t-il prévenu.
La télévision mobile personnelle (TMP) sera en outre développée. @

A l’IFA, Apple s’est retrouvé cible numéro 1

En fait. Le 8 septembre, s’est achevée l’IFA, la grand-messe de l’électronique grand public qui s’est tenue sur six jours à Berlin. Apple y a été la cible principale de concurrents dans plusieurs domaines : les tablettes multimédias, la télévision connectée ou encore la musique en ligne.

En clair. Le groupe de Steve Jobs ne fait pas que des heureux. Ses concurrents n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir en découdre avec un Apple de plus en plus dominant et encombrant sur des marchés émergents. A la cinquantième édition de l’IFA, le slogan aurait pu être « sus à Apple ». Dans le domaine de la télévision connectée, le patron de Google, Eric Schmidt, a annoncé le 7 septembre à Berlin que sa plateforme de recherche sur Internet pour téléviseur connecté – baptisé « Google
TV » – sera lancée dès cet automne aux Etats-Unis, puis en 2011 dans le reste du monde. De quoi concurrencer Apple TV, dont une nouvelle version moins chère avait été présentée quelques jours plus tôt par Steve Jobs pour faire tenter de faire oublier l’échec de la première génération. Concernant les tablettes multimédias, le sud-coréen Samsung et le japonais Toshiba se sont mis en ordre de bataille à l’IFA pour répliquer
à l’iPad avec, respectivement, le Galaxy Tab (disponible en septembre) et le Folio 100 (attendu en fin d’année). Le français Archos et l’allemand E-noa sont également en lice pour cette compétition contre Apple. Toute cette concurrence mise sur un environnement ouvert avec notamment le système d’exploitation-navigateur Chrome que Google va lancer (à côté d’Android), alors que l’iPad fonctionne sous iOS et avec l’environnement fermé d’iTunes (1). Avec plus de 3 millions d’iPad déjà vendus dans
le monde en six mois, la marque à la pomme a de l’avance mais n’est plus seule. L’américain Dell et le taïwanais Asus ont déjà leur tablette. En juillet, Microsoft avait indiqué qu’une vingtaine de fabricants (Acer, Sony, Lenovo, Fujitsu, Panasonic, …) allaient lancer leur tablette fonctionnant sous Windows 7. Nokia, LG et HP sont aussi en embuscade. Dans la musique en ligne aussi, où Apple s’est imposé en sept ans avec iTunes Music Store et son tarif de base à 0,99 dollar le titre, le vent de la concurrence devrait là aussi tourner avec l’arrivée – « avant Noël », selon l’agence Reuters – de Google. Pour l’heure, iTunes détient aux Etats- Unis 70 % et en France 53,8 % de part de marché dans le téléchargement musical. La pression concurrentielle devrait s’ajouter à la pression « anti-trust », l’Union européenne et la Federal Trade Commission aux Etats-Unis s’intéressant aux pratiques commerciales d’Apple dans les mobiles (logiciel, publicité, …) et la musique. @

Financement du cinéma et réforme fiscale du « multi play » : dommage collatéral

Le projet d’augmentation de la TVA sur les offres multi-services Internet-
télévision-téléphone, envisagé dans la prochaine loi de Finances 2011, aurait des conséquences insoupçonnées sur le financement du Septième art français par
les fournisseurs d’accès à Internet.

Le ministre du Budget (1), François Baroin, l’a affirmé le 25 août sur Europe 1 :
« Le statut quo sur le triple play n’est pas possible. On a une injonction de Bruxelles
qui nous pousse à bouger. On va bouger suffisamment pour être en ligne sur le plan économique avec Bruxelles ». Du coup, les organisations professionnelles du cinéma (ARP, APC, SACD, …) s’inquiètent. Quel est le problème ? La Commission européenne
a envoyé le 18 mars 2010 à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, une
mise en demeure enjoignant la France de mettre la fiscalité des offres triple play des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – quadruple play si le mobile est inclus – en conformité avec la directive TVA.

Pourquoi Virgin Mobile est seul à croire à la TMP

En fait. Le 21 mai, le directeur général du groupe Omer Telecom, Pascal Rialland,
a expliqué à Edition Multimédi@ que la télévision mobile personnelle (TMP)
– dont le lancement est prévu en 2011 par Virgin Mobile – était « un produit
d’appel rentabilisable rapidement » grâce aux investissements de TDF.

En clair. En France, la télévision diffusée en mode broadcast sur les téléphones mobiles – sans passer par les réseaux 3G saturés – n’est peut-être pas renvoyée
aux calendes grecques. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devrait, le 7 juin prochain, se prononcer favorablement sur la candidature de Virgin Mobile à la télévision mobile personnelle (TMP).
Les seize chaînes de télévision déjà retenues (EM@11 p. 5) ont, quant à elles, jusqu’au lendemain pour désigner leur opérateur dit « de multiplexe », celui en charge du déploiement du réseau de diffusion audiovisuel. TDF (Télédiffusion de France) pourra alors déployer le réseau broadcast qu’il prend à sa charge, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros. Virgin Mobile en aura alors l’exclusivité durant six mois à partir du second semestre 2011, conformément à l’accord signé le 22 avril entre cet opérateur mobile virtuel (MVNO) et TDF. « Nous faisons le pari de la TMP car nous n’avons pas à rentabiliser un réseau 3G. Nous allons acheter de la capacité à TDF.
Nous atteindrons l’équilibre [financier] assez rapidement. Reste à savoir si nous allons subventionner ou non le terminal. La TMP sera un produit d’appel intégré dans nos
forfaits [à partir de 20 euros par mois, ndlr], afin de nous différencier par rapport à la concurrence », indique Pascal Rialland, directeur général de Virgin Mobile. Sur le choix
de la technologie – entre la norme DVB-H (1) retenue par la France (arrêté paru au JO
le 30 septembre 2007), voire le DVB-SH (Satellite Services to Handhelds), et la solution moins coûteuse de l’américain Qualcomm baptisée MediaFlo (pour Forward Link Only) –, il indique « rester ouvert sans a priori ». Il confirme que TDF va faire une recommandation au CSA en faveur de ces deux dernières technologies, d’autant que le DVB-H n’est pas obligatoire aux yeux de la Commission européenne (2). La balle est dans le camp du régulateur et du gouvernement. Quoi qu’il en soit, le groupe britannique Omer Telecom (3) – qui se présente en France comme le premier MVNO avec un total de 1,7 million d’abonnés mobile (Virgin Mobile, Breizh Mobile, Tele2 Mobile et Casino Mobile) – trouve avec TDF un second opérateur mobile « hôte ». Orange, avec lequel il a signé un nouvel accord d’« opérateur mobile dégroupé plus indépendant » sur deux ans (2010-2011), continue d’être son fournisseur de minutes téléphoniques, de SMS et d’Internet mobile. @

Emmanuel Gabla, CSA : « La régulation de l’Internet de demain doit s’effectuer progressivement »

Emmanuel Gabla, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et président du groupe de travail « Nouveaux services audiovisuels », explique
à Edition Multimédi@ les évolutions à attendre dans la régulation des contenus en ligne et « l’encadrement de la neutralité des réseaux ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La neutralité des réseaux repose
la question de la régulation du Net. Lors du colloque
de l’Arcep en avril, vous vous êtes dit favorable à une
« plateforme neutre » entre régulateurs. Le futur Conseil national du numérique (CNN) pourrait-il jouer ce rôle ? Emmanuel Gabla (photo) :
Les questions de régulation
du secteur des communications mettent en évidence la nécessité d’une très bonne coopération entre les deux régulateurs sectoriels, que sont le CSA et l’Arcep (1). Cette collaboration existe déjà. Sur les questions de neutralité
des réseaux, d’autres régulateurs comme l’Autorité de la concurrence, la Cnil (2) ou l’Hadopi (3), ont vocation à intervenir. Il est encore un peu tôt pour préciser les modalités de la coopération entre toutes ces instances, mais l’idée d’une « plateforme d’échanges » nous paraît intéressante et pourrait être creusée. La régulation du « Net de demain » doit s’effectuer progressivement. La loi du 5 mars 2009 a confié au CSA des pouvoirs de régulation des services de média audiovisuels à la demande (SMAd), que sont la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande. Cela constitue une première étape. Elle pourrait être complétée, à l’occasion de la transposition du Paquet télécom, par l’extension du pouvoir de règlement de différends du CSA à ces SMAd. Dans le cas où un opérateur de réseaux serait impliqué, l’avis de l’Arcep serait sollicité. Au-delà de la régulation des SMAd, Internet ne doit pas être un « espace de non droit » pour la diffusion de contenus audiovisuels. Le CSA est aussi compétent, depuis la loi du 9 juillet 2004, pour les services de télévision et de radio sur Internet : webTV et radio IP domiciliées en France. La question se pose pour les contenus vidéo qui ne sont pas de la radio, de la télévision ou des services audiovisuels à la demande.