2011 sera l’année des kiosques numériques

En fait. Le 2 janvier, le Wall Street Journal révèle que Google discutent aux Etats-Unis avec des groupes de presse sur la mise en place d’un kiosque numérique
où les éditeurs seraient rémunérés au-delà des 70 % pratiqués par Apple, lequel cherche aussi à développer un « iKiosque » à journaux.

En clair. Google ne veut pas laisser seul Apple négocier avec la presse en vue de constituer au Etats-Unis un premier kiosque numérique. L’engouement de la presse
en faveur la fameuse tablette iPad – dévoilée il y a un an presque jour pour jour – a été tel (1) que la marque à la pomme discute depuis plusieurs mois avec des éditeurs de journaux américains pour créer un équivalent de l’iBook Store pour la presse quotidienne et magazine – un « iNewsstand » en quelque sorte, distinct de l’App Store, pour vendre des titres sur iPad et iPhone. Les éditeurs cherchent à obtenir d’Apple une plus grande latitude tarifaire et un accès aux données de leurs clients lecteurs jusqu’à maintenant verrouillées par la firme de Steve Jobs, ainsi que la possibilité de gérer des abonnements (une avancée pour Apple habitué aux ventes à l’unité sur iTunes). Google entend profiter des hésitations des groupes de presse américains (Time Warner, Condé Nast, Hearst, News Corp.) pour leur proposer une alternative qui répondrait plus à leurs exigences : une commission sur les ventes inférieure aux 30 % pratiqués par Apple, un accès aux données personnelles des utilisateurs pour une exploitation marketing par les journaux, l’instauration de formules d’abonnements, sans oublier un environnement ouvert avec Android, le système d’exploitation de Google utilisé sur tablettes et smartphones. D’autres initiatives de e-kiosques existent outre-Atlantique : soit de la part d’Amazon (pour le Kindle) ou de Barnes & Noble (pour e-reader Nook), soit émanant d’éditeurs eux-mêmes comme Next Issue Media (Condé Nast, Hearst, Meredith et Time, …), Skiff (News Corp), Press Engine (New York Times, …). Confrontée partout dans le monde à des coûts de distribution papier parfois exorbitants (environ 40 %
du prix de vente), la presse voit dans le kiosque numérique plusieurs avantages par rapport aux circuits de distribution des imprimés : économies, rapidité, souplesse relation plus direct avec le lecteur et, particulièrement en France avec Presstalis (ex- NMPP), moyen d’échapper aux grèves à répétition. Sur l’Hexagone, il y a les projets
« E-Presse Premium » et  « Presse régionale » respectivement du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) et du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). Le Syndicat de la presse magazine (SPM) y travaille aussi. Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) également. Il s’agit de notamment de ne pas se laisser phagocyter par Apple et Google. @

Télévision et presse délinéarisées : même combat

En fait. Le 13 décembre, se sont tenues les quatrièmes Assises de la convergence des médias – télévision et presse en tête – organisées par l’agence Aromates à l’Assemblée nationale, sous le parrainage du député Patrice Martin-Lalande, co-président du groupe d’études sur l’Internet.

En clair. Google et Apple sont les deux géants mondiaux du Net les plus redoutés
de la télévision et la presse françaises. D’autant qu’ils ne sont pas soumis à la règlementation nationale devenue « désuète » ou « obsolètes », si l’on en croit Olivier Freget, avocat associé chez Allen & Overy. Voilà deux médias confrontés à la déliénarisation de leurs contenus : décomposition de la grille des programmes de télévision au profit de la VOD (1) et à la télévision de rattapage, d’une part, et démembrement de l’oeuvre collective pour les journaux au profit de la diffusion article par article sur tous les terminaux de lecture, d’autre part. Cette « défragmentation du marché », selon l’expression d’Eric Cremer, vice-président de Dailymotion, est une opportunité pour de nouveaux entrants mais une menace pour les positions jusqu’alors bien établies des chaînes de télévision et des groupes de presse. Google est un
« partenaire » de plus en plus encombrant : face à Google TV et Apple TV, les chaînes de télévision françaises se sont liguées contre le « parasitage » de services Web (2) venant en surimpression de leur programmes (3) ; face à Google News et iTunes d’Apple, les éditeurs de journaux veulent faire front et rependre la maîtrise de leurs tarifs (4) en créant un kiosque numérique commun. Côté télévision, Gérard Leclerc, PDG de LCP-Assemblée nationale, s’est rallié à la charte « TV connectée » pour
« éviter que les programmes de télévision ne soient pas pollués par des contenus
du Web ». Côté presse, Francis Morel, directeur général du groupe Le Figaro, s’est exprimé en tant que président du SPQN (5) : « Nous ne voulons pas nous faire dicter les conditions tarifaires par Google ou par Apple. De plus, [par ce biais] nous ne connaissons par nos internautes. C’est inacceptable », s’est-il insurgé. Dans les deux cas, comme le constate Yves Gassot, directeur général de l’Idate (6), « nous avions l’habitude du “content is king” ; il faudrait plutôt dire “device is king” ». Les télévisions
et les journaux voient en effet monter dans l’échelle des valeurs les fabricants de terminaux interactifs, les téléviseurs connectés pour les premières et les tablettes multimédias pour les seconds. Et ce avec des risques de « verrouillage » de la base de clients. La réglementation devra s’adapter elle aussi. « Doit-on aller vers une régulation des contenus sur Internet ? », s’interroge Emmanuel Gabla, membre du CSA, organisateur en avril 2011 d’un colloque sur la TV connectée tentera d’y répondre. @

Le Geste se renforce dans l’audiovisuel en ligne

En fait. Le 23 novembre, Philippe Jannet, le président du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) a dressé – pour la dixième année – un bilan de son action lors de la 25e Assemblée générale qui s’est tenue dans les locaux du quotidien Le Monde (où il est PDG du Monde Interactif).

En clair. Si l’année 2010 du Geste a été marquée par l’évolution de la presse en ligne (statut de presse en ligne, première année du fonds SPEL (1), réforme du droit d’auteur des journalistes par l’Hadopi 2, le CFC générant plus de revenus du numérique que le papier, …), l’année 2011 sera en priorité placée sous le signe de l’audiovisuel en ligne. Lors de la 10e AG du Geste, son président a annoncé « pour tout début 2011 l’organisation d’une journée de réflexion et d’échanges sur les nouveaux supports, tablettes, mobiles et télévisions connectées ». Bertrand Gié, président de la commission « Audiovisuel et nouveaux médias » du Geste et par ailleurs directeur délégué des nouveaux médias du groupe Le Figaro (2), a précisé que cette « journée prospective » se tiendra en deux temps : une matinée sur la TV connectée et une aprèsmidi sur les tablettes et nouveaux supports audiovisuel connectés. « Les questions du modèle économique, de la publicité, des possiblité techniques y seraient précisément traitées », indiquet- il. Un des deux juristes du Geste, Maxime Jaillet, constitue un groupe de travail juridique sur le sujet (neutralité des terminaux, affichage des widgets, …). Des discussions auront lieu courant 2011 avec les opérateurs télécoms et les fabricants de téléviseurs. Il s’agit pour l’organisation professionnelle
de faire entendre la voix des éditeurs intéressés par la TV connectée, qui ne sont pas forcément des Google, Yahoo ou Apple… « Un média spécialisé comme Equidia, des opérateurs de jeux en ligne comme Betclic, le distributeur multi-contenus Zaoza et maintenant Allociné [nouvel adhérent, tout comme MySkreen, ndlr] sont des exemples de membres du Geste positionnés sur ce terminal », explique-t-on à EM@. Cet ancrage dans l’audiovisuel en ligne concerne aussi la TNT (3), avec l’Association pour le développement des services TV évolués et interactifs (AFDESI), dont le délégué général, Jean Dacie, nous indique qu’un dossier d’expérimentation a été déposé au CSA en vue d’obtenir l’autorisation « dans les prochaines semaines ». Un portail baptisé « Mes Services TV » et basé sur la technologie de TV connectée HbbTV sera testé au premier semestre 2011. Le Geste y mettra son flux RSS « Alerinfo » renvoyant vers les contenus de ses éditeurs membres. La commission « Audiovisuel et nouveaux médias » se penche également sur le sort des webradios (4). Celles-ci demandent à bénéficier d’une extension de la licence légale (4 % à 7 % des revenus) appliquée aux seules radios hertziennes. @

La vidéo sur le Net est « une piste » pour Le Figaro

En fait. Le 12 octobre, Etienne Mougeotte était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Le DG adjoint du groupe Le Figaro et directeur
des rédactions (quotidien, magazines, web, …) veut que le chiffre d’affaires provenant du numérique passe « le plus vite possible » de 15 % à 20 %.

En clair. Sans dévoiler les premiers résultats de la nouvelle formule hybride « gratuit-payant » du Figaro.fr lancée en février (1) avec un objectif de 60.000 abonnés d’ici trois ans, Etienne Mougeotte a expliqué que la diversification du groupe Le Figaro passait
par Internet. Au-delà des sites Adenclassified (petites annonces), Ticketac (billetterie), thématiques (santé, automobile, …) et des versions en ligne du Figaro Magazine ou
de Madame Figaro, le groupe de presse va accélérer sur le Web. Interrogé par Edition Multimédi@ sur ses ambitions en matière de vidéo sur le Net, l’ancien dirigeant de TF1
a répondu que « cela peut être en effet quelque chose à regarder, même s’il n’y a pas encore de Web TV rentables ». Et d’ajouter : « Développer la vidéo sur Internet est une piste. Nous faisons déjà de la vidéo sur le Figaro.fr, notamment avec le Buzz Média, mais ce sont des formats courts de quelques minutes ». Le groupe de Serge Dassault, qui a déjà indiqué être prêt à des acquisitions dans le Web, détient 20 % du capital de la société française The Skreenhouse Factory. Habert Dassault Finance en détient autant (2). Créée il y a trois ans par Frédéric Sitterlé, cette société édite le portail vidéo MySkreen et la plateforme documentaire Vodeo TV, tout en possédant depuis juin 34 % d’Imineo (W4TCH TV). Elle réalise en outre Lefigaro.fr et Tvmag.com. Or, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) négocie son entrée au capital de cette jeune société pour créer – avec l’aide du grand emprunt (lire EM@ 21, p. 4) – une plateforme de VOD et de télévision de rattrapage. « Il s’agit en effet d’un très beau contrat. Mais je ne peux pas vous dire si [le groupe Figaro] compte monter dans le capital », nous a répondu Etienne Mougeotte sur ce projet. Contacté, le président de l’INA, Mathieu Gallet, nous indique être en discussion avec les actionnaires de The Skreenhouse Factory pour
« une participation de quelques millions d’euros à l’occasion d’une augmentation de capital ». Quoi qu’il en soit, le patron de la rédaction du Figaro constate que « la délinéarisation va inciter à consommer de plus en plus d’images sans passer par le truchement des chaînes ». Internet, qui selon lui « fonctionne comme une agence de presse », va se traduire par « le rapprochement des rédactions web et papier, et ce le plus rapidement possible ». Tenté il y a un an par le toutpayant, Lefigaro.fr lui a préféré le gratuit-payant pour profiter de la reprise publicitaire sur le Net. @

Frédéric Mitterrand refuse de diaboliser Google

En fait. Le 22 septembre, le ministre de la Culture et de la Communication a déclaré qu’il voulait créer une véritable « filière numérique culturelle ». Le 9 septembre, le PDG de Google, Eric Schmidt, a annoncé – après avoir été reçu
par Nicolas Sarkozy – la création en France d’un institut culturel européen.

En clair. Tous les types de contenus culturels sont a priori concernés par le volet
« services, usages et contenus » du grand emprunt national : « L’écrit – presse et
imprimé –, la musique, le cinéma, l’audiovisuel, la photographie, mais aussi la
création et le jeu video », a énoncé Frédéric Mitterrand au vue de « la diversité des
141 contributions » apportées à la consultation publique (dont les contributions devaient être publiées fin septembre). Présente à ses côtés, Nathalie Kosciusko-Morizet –
A l’origine de la consultation avec René Ricol, commissaire général à l’investissement –
a quand même exprimé « quelques regrets ». A savoir : « Qu’il y ait eu peu de projets provenant de la musique, des jeux vidéos et de la muséographie ». Cela explique-t-il que seulement 100 millions d’euros d’ « investissements d’avenir » sur les 2,25 milliards aient été identifiés depuis le début de l’année au travers de quatre grands projets, dont deux de vidéo à la demande, une de livres numériques et une autre de kiosque numérique pour la presse ? « Au-delà du développement de l’offre légale, il s’agit de servir la création et l’offre culturelle, à travers la mise en place d’une véritable filière numérique culturelle. (…) Toutes les initiatives et tous les projets d’entreprise sont et seront les bienvenus », a tenu à préciser Frédéric Mitterrand, qui a donné rendez-vous « dans quelques mois » pour présenter d’autres projets. Interrogé par Edition Multimédi@ sur le rôle qu’il entendait faire jouer à Google, il a indiqué qu’il « souhaite que Google puisse participer à titre de partenaire et ami. Son institut culturel européen (1) défendra une exception française et européenne, ainsi que les droits d’auteurs ».
Et d’ajouter : « Nous avons des terrains d’entente en commun et j’ai toujours évité de diaboliser Google. (…) Nous avons établi un rapport différent pour continuer à discuter sereinement dans plusieurs domaines ».
Au lancement de l’appel à manifestations d’intérêt prévu à la fin de l’année, le géant du
Net devrait répondre présent, notamment pour la numérisation des livres avec la BNF présidée par Bruno Racine – favorable à Google (2). Et il ne faut pas oublier que le numéro 1 mondial des moteurs de recherche sur le Web est aussi interlocuteur de
la presse avec Google News, bientôt de la musique et de la télévision. @