L’odyssée de la presse

Ah bon, on lit encore la presse ? Mais oui, même s’il est vrai que cela ne fait que quelque temps que j’ai retrouvé le goût de la lecture des nouvelles du matin. J’ai lu mon dernier exemplaire papier il y trois ans : j’avais succombé aux ultimes efforts des groupes de presse pour nous satisfaire en prenant un abonnement à mon quotidien préféré, livré chaque matin avant que le soleil ne se lève. Mais la dernière réorganisation industrielle conjuguée à la pression des nouvelles directives européennes en matière de développement durable (le cocktail « matière première-impression-transport- livraison » était devenu vraiment insoutenable) a encore réduit la part du support papier. Je lis maintenant l’actualité du matin sur mon écran ePaper, un lecteur dédié qui me permet de disposer de ma sélection d’articles (local, économique, politique) chargés automatiquement dès leur parution, bien avant mon réveil. J’apprécie cet écran qui se fait oublier et qui me suit partout, même sur ma table du petit déjeuner, éclairée par le soleil matinal.

« Les groupes de presse se sont réorganisés
autour de rédactions quiont les moyens de
produire des émissions diffusées et déclinées à la
radio, à la télé, sur Internet et dans des magazines. »

Vers un statut proche de « radiodiffuseur » pour les sites de streaming… légal

Les sites de streaming de musique comme Deezer, gratuits et financés par la publicité, tentent maintenant de proposer des abonnements payants. Alors que l’Hadopi va scruter le peer-to-peer mais aussi le streaming, la question d’un statut pour ces sites de flux est posée.

Mi-novembre, la secrétaire d’Etat chargée de l’Economie numérique, Nathalie Kosciusko- Morizet, a envoyé à la commission Zelnik – laquelle a retardé à mi-décembre la remise de son rapport (1) – ses propositions développer les offres légales de musique sur Internet. Elle y préconise notamment la « création d’un statut proche de celui de radiodiffuseur pour les webradios et les sites de streaming ». Objectif : « sécuriser les revenus des artistes, comme c’est le cas sur la radio, et ouvrir tous les catalogues à ces sites » (2). En outre, NKM suggère la mise en place de « forfaits d’utilisation de la bande passante plus adaptés aux modèles économiques des sites de streaming légaux et des webradios. »

La « Net Neutrality » n’est plus un sujet tabou en Europe

La 31e édition du « Digiworld Summit » organisé par l’Idate à Montpellier, les 18 et 19 novembre derniers, a réussi à lancer le débat sur la neutralité de l’Internet.

L’Arcep, l’autorité de régulation en charge notamment des communications électroniques en France, va organiser un colloque au printemps 2010 sur la neutralité de l’Internet. C’est ce qu’a annoncé son président, Jean-Ludovic Silicani, lors du Digiworld Summit. Le gendarme des télécoms, qui a déjà engagé en interne une réflexion depuis fin septembre dernier, « devrait, dans la foulée, être en mesure de soumettre à consultation des recommandations puis de publier des lignes directrices au début de l’été 2010 ». Cette réflexion, a-t-il précisé, s’appuiera sur deux principes essentiels. Le premier : « la non-discrimination, c’est-à-dire le fait qu’un opérateur de réseau ne puisse favoriser indûment certains contenus, notamment les siens s’il est intégré verticalement, et utilise le même réseau que les autres éditeurs de contenus ». Le second : « la transparence, notamment vis-à-vis du consommateur qui doit être informé dans l’hypothèse où des règles de gestion de trafic son mises en œuvre ».
Le régulateur va ainsi participer au débat engagé en Europe. Le nouveau Paquet télécom, adopté le 24 novembre par le Parlement européen, donne le pouvoir aux régulateurs nationaux de fixer un niveau de qualité minimale et d’interdire toute discrimination dans l’accès aux contenus et services (1). Le président de l’Arcep intervenait en préambule d’une table ronde du Digiworld Summit, où l’on a vu s’affronter sur la « Net Neutrality » deux géants américains : Google et AT&T, en présence d’un opérateur télécom européen – Deutsche Telekom. Aux Etats-Unis, le débat fait rage depuis plus d’un an.

Time Warner-AOL est mort, vive la convergence !

En fait. Le 16 novembre, le groupe de médias Time Warner a annoncé que le spin-off de sa filiale Internet AOL interviendra le 9 décembre 2009. Les actionnaires de Time Warner recevront une action d’AOL pour chaque lot de 11 actions Time Warner détenue. Le lendemain, les actions d’AOL seront cotées à New York.

En clair. Dix ans après l’éclatement de la « bulle Internet », le groupe de médias et de cinéma américain Time Warner n’en finit pas de solder les comptes de sa mégafusion
en 2001 avec American On Line (AOL) qu’il avait racheté au prix fort à l’époque : plus
de 100 milliards de dollars ! Depuis cette acquisition, la plus importante dans l’histoire économique américaine, l’eau a coulé sous les ponts : la valorisation boursière d’AOL atteint aujourd’hui à peine 3,5 milliards… La filiale Internet devenue moribonde doit maintenant économiser 300 millions d’euros par an et supprimer jusqu’à 2.500 emplois (un tiers de ses effectifs). Time Warner revient de loin. Il avait fallu pourtant plus d’un an de bataille pour obtenir le feu vert – en janvier 2001 – des autorités antitrust américaines et européennes, lesquelles craignaient les risques d’abus de position dominante, et pour convaincre les associations de consommateurs américaines redoutant les conséquences de cette opération. AOL était le premier FAI américain avec 26 millions d’abonnés et Time Warner comptait 13 millions d’abonnés par câble. Sans parler des mises en garde des investisseurs à la suite de l’éclatement de la bulle Internet à l’automne 2000. Le patron de Time Warner, Gerald Levin (1), cédait alors sa place au PDG fondateur d’AOL, Steve Case, qui prenait ainsi la tête du nouvel ensemble – baptisé AOL Time Warner (2) –, tous les espoirs étant alors permis quant à la convergence numérique promise entre les tuyaux et les contenus. Time Warner, qui était déjà câblo-opérateur, détient le studio de cinéma Warner Bros., Warner Music, CNN, Time Magazine, Fortune, …), tandis qu’AOL le premier des fournisseur d’accès à Internet (FAI) aux Etats-Unis. A peine formé, AOL Time Warner annonçait en outre le 24 janvier 2000 le rachat du major du disque EMI pour 20 milliards de dollars. Mais Levin et Case y renoncèrent quelques mois après pour ne pas prendre le risque d’essuyer un refus des autorités antitrust pour leur méga fusion initiale. Mais lorsque le feu vert fut donné, le marché s’était déjà retourné. En 2002, la dépréciation de l’actif AOL fit plonger les comptes du groupe à près de… 100 milliards de dollars ! Et les résultats financiers du nouveau géant n’ont cessé de se dégrader depuis. @

La loi Hadopi consacre le statut d’éditeur de presse

En fait. Le 30 octobre 2009 est paru au « Journal Officiel » le décret qui réforme le régime juridique de la presse, que prévoit la loi Hadopi 1. Il est créé un « statut de la presse en ligne », reconnu par l’Etat, qui peut accorder à ces nouveaux médias des avantages jusque-là réservés à la presse papier.

En clair. Les éditeurs de services de presse en ligne (sites web, newsletters, blogs…) peuvent désormais déposer une demande de reconnaissance à la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Pour peu que le directeur de publication démontre que son titre répond à certains critères énumérés dans ce décret, comme la maîtrise éditoriale, la périodicité des informations liées à l’actualité et « ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion […] industrielle ou commercial ». Et pour la presse en ligne de la catégorie « politique et générale », elle doit employer « à titre régulier au moins un journaliste professionnel ». Ces critères sont prévus dans la loi « Diffusion et protection de la création sur Internet » (loi dite Hadopi 1) du 12 juin 2009. Ce statut reconnu par l’Etat intervient plus de 15 ans après les débuts de la presse sur Internet (1) et moins d’un an après des Etats-généraux de le presse écrite voulus par le président de la République en début d’année (2). Leur sésame « CPPAP » obtenu, les titres diffusés sur Internet et/ou mobiles multimédias pourront bénéficier de l’exonération de la taxe professionnelle. Dans la catégorie « politique ou générale », il est également prévu – au Code général des impôts – un droit aux « provisions pour investissement ». La presse en ligne pourra en outre, après publication d’un autre décret, bénéficier – sous forme de subvention ou d’avance pour les projets de développement – du Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL) qui a fait l’objet d’un nouveau décret daté du 11 novembre 2009. Un Comité d’orientation de l’Etat s’est réuni ce mois-ci pour répartir 20 millions d’euros dans la presse numérique. Quant à la TVA de la presse en ligne, elle est encore à 19,6 %. Alors que la presse papier bénéficie d’un taux réduit à 2,10 %. « Distorsion de concurrence incompréhensible » s’est insurgé le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste). Mais l’initiative du député Patrice Martin Lalande (dans le cadre du projet de loi finances) devrait remédier à cette anomalie fiscale. Voilà de quoi satisfaire Mediapart, Rue89, Slate ou encore Bakchich, fondateurs le 23 octobre dernier du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL). @