Fraude à la pub : bientôt 100 milliards de dollars de pertes par an, malgré des garde-fous comme IAS

C’est un véritable fléau pour la publicité en ligne, notamment programmatique : la fraude publicitaire – lorsque des annonces sont diffusées à des robots ou sur-affichées, ou lorsqu’elles ont des problèmes de visibilité – gangrène le marché. Integral Ad Science (IAS) voit sa cote monter.

« Juniper Research estime que les annonceurs perdront environ 100 milliards de dollars en dépenses publicitaires annuelles au profit de la seule fraude publicitaire d’ici 2024, soit une augmentation par rapport à environ 42 milliards de dollars en 2019 », prévient la société newyorkaise Integral Ad Science (IAS), qui se définit comme « un leader mondial de la qualité média digitale ». Cotée en Bourse au Nasdaq depuis huit mois et dirigée par Lisa Utzschneider (photo), IAS veille à ce que les annonces publicitaires ne fassent pas l’objet de fraudes, d’atteintes à l’image de marque ou d’une visibilité contextuelle inappropriée.

Bots ad-fraud, ad-stacking, pixel-stuffing, …
De nombreux géants d’Internet font appelle à cette adtech, connue sous ce nom IAS depuis dix ans maintenant, après avoir été créée en tant que AdSafe Media en 2009. Amazon, Facebook, Google, Instagram, LinkedIn, Microsoft, Pinterest, Snap, Spotify, TikTok, Twitter, Yahoo et YouTube sont parmi ses clients, où l’on retrouve aussi des acteurs comme la place de marché publicitaire Xandr du groupe AT&T ou le spécialiste de la publicité programmatique The Trade Desk, ainsi que de nombreux annonceurs, agences ou éditeurs. La force de frappe d’IAS réside dans ses outils d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique lui permettant de traiter en temps réel plus de 100 milliards de transactions web chaque jour dans plus d’une centaine de pays. Si la société IAS n’est pas encore rentable, elle voit ses revenus croître d’année en année sur un marché (malheureusement) porteur. Son dernier rapport annuel, publié le 3 mars, fait état d’un chiffre d’affaires de plus de 323,5 millions de dollars sur l’année 2021 (contre 240,6 millions en 2020). Mais ses pertes annuelles demeurent élevées, à -52,4 millions l’an dernier (contre -32,4 millions en 2020). Tandis que son endettement total s’élève à 245 millions de dollars au 31 décembre dernier.
Pour autant, le marché sur lequel la adtech s’est positionnée depuis treize ans prend de l’ampleur au fur et à mesure que la publicité en ligne automatisée pose problèmes. L’écosystème publicitaire digital – annonceurs, agences, éditeurs et plateformes numériques – est plus que jamais demandeur de solutions de mesure et de vérification publicitaires qui assurent la visibilité, la sécurité et la pertinence de la marque, du ciblage contextuel, ainsi que la prévention de la fraude publicitaire. Selon le cabinet de conseil Frost & Sullivan, le marché mondial des solutions et outils de vérification publicitaire a presque atteint les 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier. La fraude publicitaire en ligne est un fléau qui gagne du terrain malgré les garde-fous proposés par des prestataires de veille et de confiance comme IAS, mais aussi DoubleVerify (DV), Moat (acquis par Oracle en 2017) ou encore Human Inc.
L’accélération de la publicité programmatique – par l’automatisation de l’achat et de la vente aux enchères d’espaces afin de permettre aux annonceurs de « cibler l’inventaire de valeur la plus élevée en temps réel » – s’accompagne d’une hausse de l’ad-fraud. Dans ce processus de transaction, la rapidité se le dispute à l’opacité. « La fraude publicitaire est une pratique qui consiste à facturer intentionnellement un annonceur pour une diffusion qui n’est pas conforme à celle prévue, par exemple la diffusion de publicités auprès de robots au lieu de personnes réelles. Il existe de multiples types de fraude. Les plus rencontrées sont le trafic robotique, puis l’adstacking (empilage de plusieurs publicités les unes sur les autres au sein d’un même emplacement), et le pixel-stuffing (diffusion de plusieurs publicités dans un cadre publicitaire minuscule, d’une taille de 1×1 pixel) », détaille IAS dans la nouvelle édition de son « Baromètre de la qualité média » publié fin mars (1).
Pour y remédier, les acteurs de l’écosystème publicitaire font du« filtrage préventif des impressions frauduleuses » grâce à des technologies anti-fraudes alliant algorithmes et machine learning. Dans le monde, plus de 700 marques, agences, éditeurs et fournisseurs de technologies publicitaires sont certifiés « TAG » par la Trustworthy Accountability Group (2). C’est le cas d’IAS.

Plus de 700 acteurs certifiés « TAG »
Créé en 2014 aux Etats-Unis par différentes associations de publicitaires dont l’Interactive Advertising Bureau (IAB), le TAG est le principal organisme mondial de certification pour lutter contre « les activités criminelles » et accroître la confiance dans l’industrie de la publicité numérique mise à mal. En outre, depuis 2017, l’IAB déploie l’outil Ads.txt (Authorized Digital Sellers). En France, depuis 2016, un label de qualité baptisé « Digital Ad Trust » (3) existe à l’initiative du SRI (4), de l’Udecam (5) et de IAB France. @

Charles de Laubier

Marché : la pub en ligne augmente, les dérives aussi

En fait. Le 12 septembre, ZenithOptimedia (Publicis) a relevé de 0,3 point à 4,4 % ses prévisions de croissance 2016 des dépenses publicitaires mondiales : 539 milliards de dollars, dont environ 37 % en ligne. Le 8 septembre, Carat (Dentsu Aegis) a prévu aussi une hausse de 4,4 % mais à 548,2 milliards.

En clair. Au-delà d’événements majeurs tels que le championnats d’Europe de football, les Jeux Olympiques ou encore les prochaines élections présidentielles aux Etats- Unis, le dynamisme de la publicité en ligne tire cette année à la hausse les dépenses publicitaires mondiales. Ces dernières devraient atteindre cette année de 539 à 548 milliards de dollars – soit plus de 480 milliards d’euros – grâce à une croissance de
4,4 % prévue par ZenithOptimedia et Carat. Ce rythme devrait se poursuivre en 2017. La pub sur Internet et les mobiles dépassent déjà en valeur l’ensemble des autres médias.
La publicité numérique affiche en effet une croissance insolente à deux chiffres (+15 % en 2016). « Entraînées par la forte demande du mobile, des vidéos en ligne et des médias sociaux, les dépenses liées au digital devraient atteindre 27,7 % dans les dépenses publicitaires globales en 2016, avec une prévision à 30,2 % en 2017 », estime Carat, l’agence média du groupe japonais Dentsu Aegis. Pendant que la publicité stagne à la télévision et poursuit son déclin dans la presse imprimée, la publicité digitale, elle, dépassera cette année les 150 milliards de dollars de chiffre d’affaires mondial, puis plus de 172 milliards en 2017. C’est le marché publicitaire sur mobile qui progresse le plus ; il dépassera même dès l’an prochain la publicité sur ordinateur. ZenithOptimedia, l’agence média du groupe français Publicis a même revu
à la hausse ce dépassement qui devrait être de 8 milliards de dollars supérieur (et non de 2 milliards comme envisagé initialement).
Mais cette embellie soutenue de la publicité en ligne ne doit pas occulter l’augmentation des fraudes qui gangrènent ce marché. En effet, les clics frauduleux (dont est accusé le français Criteo aux Etats-Unis), qu’ils soient générés par des robots virtuels en réseau (botnets (1)) ou par des internautes payés pour (2), commencent à discréditer le marché (3). Selon Integral Ad Science, la fraude représente 7,7 % des impressions publicitaires en France. Il y a aussi les mélanges « contenuspublicités » qui posent des questions déontologiques tels que le Native Advertising, le placement de produits, la publicité clandestine (comme sur YouTube avec Warner Bros.), le Brand Content, le sponsoring de contenus, voire le Media for Equity. @