La nouvelle taxe Cosip attendra la loi de finances 2012

En fait. Dans la nuit du 22 au 23 juin, l’amendement du sénateur UMP Philippe Mariani tentant d’instaurant une nouvelle taxe « Cosip » sur les FAI avec un nouveau barème a finalement été retiré, comme l’avait le 10 juin le même amendement déposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale.

En clair. C’est à l’automne prochain que les opérateurs télécoms et les FAI sauront à quelle « nouvelle taxe Cosip » ils seront soumis. Bien que le gouvernement – sur un arbitrage du Premier ministre – ait décidé de « préserver » les recettes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), lequel gère le Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip), il n’a pas réussi imposer son amendement allant dans ce sens.
Ni à l’Assemblée nationale le 10 juin, ni au Sénat le 23 juin, dans le cadre du projet de loi de finances 2011. Le lobbying de la Fédération française des télécoms (FFT) semble
avoir payé. Après le rejet par les députés de l’amendement 1577 déposé par surprise
par le gouvernement (1), ce dernier est revenu à la charge auprès des sénateurs avec l’amendement 225. Il s’agissait de faire en sorte que la taxe « Cosip » due par les FAI
soit « assise tant sur les abonnements aux services de télévision distribués séparément, que sur les abonnement à des services de communication en ligne ou des services de téléphonie, dès lors que leur souscription est nécessaire pour recevoir des services de télévision ». Car le gouvernement veut éviter que les FAI soient tentés de sous-estimer la part de l’audiovisuel dans leurs factures triple play pour minimiser leur contribution au Cosip. Or depuis la disparition de la TVA de 5,5 %, laquelle leur était accordée sur la partie distribution audiovisuelle des offres triple play en contrepartie de leur contribution au Cosip (2), les opérateurs ont intérêt à « optimiser » en réduisant l’importance de la télévision dans leurs revenus. Free est particulièrement visé pour avoir, en début d’année, rendu optionnelle son offre TV pour 1,99 euro par mois (portion congrue pour le calcul du Cosip). L’Association des producteurs de cinéma (APC) s’en était insurgée. Or Nicolas Sarkozy avait garanti aux organisations du cinéma français – reçues le 6 septembre 2010 – le financement des films via le CNC. Avec son amendement, le gouvernement voulait en outre simplifier à quatre tranches le barème de calcul de la taxe « Cosip » : de 1,25 % au-delà de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires jusqu’à 250 millions, ensuite 2,25 % jusqu’à 500 millions, puis 2,75 % jusqu’à 750 millions, enfin 3,25 % au-delà. En évitant l’optimisation des FAI, le gouvernement espérait garantir dès cette année 2011 le budget du CNC et éviter un manque à gagner pouvant aller de 20 à 140 millions d’euros selon Frédéric Mitterrand. @

Convergence télécoms-audiovisuel : où va la création de valeur

Le problème du partage de la valeur entre les « tuyaux » et les contenus se pose, alors que la convergence numérique rebat les cartes. Selon l’institut économique Coe-Rexecode, les géants américains du Net sont les grands gagnants face aux opérateurs de réseaux.

Les opérateurs de réseaux – AT&T, France Télécom, Free, Vodafone, … – sont
les premiers touchés par la création et la destruction de valeur provoquée par la convergence télécoms-audiovisuel-informatique. Cette « destruction créatrice » profite d’abord aux « fournisseurs de services et des plateformes d’intermédiation sur Internet » que sont les Google, Yahoo, Amazon, eBay, Facebook et autres acteurs du Web.
C’est ce qui ressort d’un document de travail intitulé « Les opérateurs de réseaux dans l’économie numérique » et présenté, le 12 mars dernier, par l’institut d’études économiques Coe-Rexecode (1).

Les acteurs du Web en tête
Pour les opérateurs européens, le contrecoup est double : non seulement ces entreprises du Net captent de plus en plus de valeur de l’écosystème numérique
grâce au réseaux haut débit, mais elles sont de plus nord-américaines pour la plupart.
« La neutralité des réseaux [principe qui oblige les opérateurs à garder leurs réseaux ouverts, ndlr] a contribué au développement des entreprises comme Google, Amazon ou eBay, qui proposent des services d’intermédiation sur Internet », expliquent à Edition Multimédi@, Stéphane Ciriani et Antonin Arlandis, économistes de Coe-Rexecode et auteurs de l’étude menée sous la direction de Gilles Koléda. Le taux de marge, qui permet de mesurer la rentabilité des entreprises, est révélateur du malaise qui gagne les opérateurs de réseaux. Ainsi, l’étude de Coe-Rexecode constate que les intermédiaires du Web génèrent en moyenne 14,5 % de marge sur l’année (2) – 20 % pour Google ! – pour un « effort d’investissement » de seulement 6 %. Alors que les opérateurs de réseaux obtiennent, eux, une marge inférieure – 12 % – pour des investissements atteignant en moyenne 17,5 % de leur chiffre d’affaires. Quant aux producteurs et éditeurs de contenus audiovisuels, cinématographiques ou encore musicaux (Time Warner, Walt Disney, TF1, Canal+, Youtube, …), ils dégagent une rentabilité de 9,9 % pour des investissements moindres de 5,1 %. « Les acteurs qui proposent des services d’intermédiation sur Internet, ainsi que les éditeurs de contenus comme Canal+, TF1 ou Time-Warner, vont bénéficier des investissements en fibre optique, effectués par les opérateurs de réseaux. Ceci pourrait faire progresser leurs revenus par le biais d’une amélioration significative de la qualité des services proposés. Il serait donc économiquement efficace qu’ils contribuent à l’effort l’effort d’investissement », estiment les économistes de l’institut d’études. D’autant qu’ils évaluent entre 30 et 40 milliards d’euros l’investissement nécessaire en France, pour la construction d’un tel réseau très haut débit. Mais les Google et les Canal+ ont-ils intérêt à coinvestir dans les réseaux des opérateurs, lesquels deviennent aussi leurs propres concurrents dans les contenus ? Car tous acteurs du numérique se retrouvent en situation de concurrence mutuelle, les uns n’hésitant plus à marcher sur les plates-bandes des autres. Orange accélère dans la coproduction et le préfinancement cinématographique (3) (*) (**), ainsi que dans des contenus exclusifs (films, sport, …), tandis que Google a annoncé, en février dernier, vouloir investir dans une infrastructure très haut débit (4). Les fabricants et équipementiers télécoms (Alcatel-Lucent, Ericsson, Nokia, Apple, LG, RIM, Panasonic, …), qui sont moins bien lotis avec leur 6,6 % de marge de moyenne pour un effort d’investissement de 6,1 %, veulent aussi leur part du gâteau. Et c’est encore un groupe américain, Apple, qui tire le mieux son épingle du jeu en vendant des contenus audiovisuels pour son parc mondial d’iPhone via sa plateforme iTunes. Les opérateurs de réseaux, qui avaient la maîtrise de la relation avec le client final, tentent de résister tant bien que mal à cette
« désintermédiation » qui a tendance à les reléguer à un rôle de simple « tuyaux ».

Le « triple play » ne suffit plus
Se différencier avec des offres « triple play » (Internet-TVtéléphonie) ne suffit plus
pour préserver sa marge. « Sur le segment de la télévision payante de qualité, les opérateurs de réseaux, à l’image de France Télécom, pourraient contester des parts
de marchés à Canal+, à condition que ces opérateurs développent des stratégies
d’édition et de production de contenus audiovisuels qui soient rentables », expliquent les économistes de l’institut d’études. Le problème réside dans le fait qu’ils vont aussi devoir investir massivement dans la fibre optique et dans la téléphonie mobile 4G. Pour quelle rentabilité ? « Certains opérateurs auront un arbitrage à effectuer entre investir dans le déploiement d’infrastructures de réseaux et investir dans le développement, l’édition et la diffusion de contenus audiovisuels », préviennent les économistes de Coe-Rexecode. Faire les deux s’annonce périlleux. @

Convergence : TV connectée et Internet mobile

En fait. Le 7 décembre dernier se tenaient au Sénat les Troisièmes assises de
la convergence, organisées par l’agence Aromates et l’Idate. La télévision connectée et l’Internet mobile ont été présentés comme deux « transformations majeures » de la convergence. Et pour cause.

En clair. Les chaînes de télévision et les opérateurs mobiles sont confrontés chacun
à la remise en cause de leur modèle existant. Les téléviseurs connectés, d’une part,
et les mobiles multimédias, d’autre part, bousculent les télécoms et l’audiovisuel.
« Les conditions sont aujourd’hui réunies pour voir émerger une filière de distribution
de vidéo sur le Net, que cela soit avec les séries de télévision, la catch up TV ou encore la VOD », a expliqué Gilles Fontaine, DG adjoint de l’Idate (1).
Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), avec leurs offres « triple play » assortie
d’un bouquet de programmes audiovisuel, pourraient voir leur modèle économique
« menacés par ce raccourcissement de la chaîne de valeur ». Quant aux chaînes
de télévision, elles risquent de « perdre le contrôle » de la catch up TV. En France, craignant l’arrivée de la plateforme américaine Hulu (2) en Europe, TF1, M6 et Canal+ réfléchissent à une offre commune de leurs programmes à la demande. En outre, bien que les tarifs publicitaires sur Internet soient « dix à vingt fois moins élevés que sur la télévision classique », la valeur générée par le marché de l’audiovisuel « descend vers le terminal connecté, de plus en plus couplé avec le service ».

Etre présent sur les “widgets” des téléviseurs connectés
Dailymotion profite de cette tendance. « Nous voulons être présents sur les “widgets” des téléviseurs connectés en négociant avec les fabricants », a indiqué son directeur juridique et réglementaire de Dailymotion, Giuseppe de Martino. Le directeur marketing de LG Electronics France, Alexandre Fourmond, lui a répondu que « la télévision est désormais le troisième écran à se connecter après l’ordinateur et le mobile ».
En attendant la télévision mobile personnelle (TMP), retardée à 2010 faute d’accord
sur le partage des coûts et des revenus, les opérateurs mobiles sont pour leur part confrontés à la baisse de leur chiffre d’affaires « voix » et à l’explosion de leurs coûts induits par l’Internet mobile. « Les revenus des services ne sont pas à la hauteur des investissements nécessaires pour faire face à la croissance exponentielle des besoins », a reconnu Emmanuel Forest, directeur général délégué et vice-président de Bouygues Telecom. De son côté, Claire Degoul, directrice de l’audience mobile chez Orange,
a indiqué qu’elle attendait les premières mesures de Médiamétrie en juin 2010 pour mieux monétiser ce nouveau média. @