TDF (40 ans) : les télécoms vont dépasser l’audiovisuel

En fait. Le 2 juin, Olivier Huart, président de TDF, est intervenu en introduction
du XXIe colloque NPALe Figaro consacré aux « piliers de la transformation numérique ». Il a placé TDF au coeur de « l’économie connectée », malgré
une perte de chiffre d’affaires induite par la fin de la diffusion analogique.

En clair. « En l’espace de deux ans, nous avons perdu d’un coup d’un seul entre 40 % et 50 % de notre chiffre d’affaires ! Et ce, avec la transformation de l’analogique vers le numérique. Nous avons dû faire partir la moitié de nos effectifs et revoir les processus en interne. On a complètement changé de métier », a expliqué Olivier Huart, président de TDF. D’ancien monopole public de radiotélédiffusion (1), l’ex-Télédiffusion de France (2) – qui fête ses 40 ans cette année – a en effet muté de diffuseur audiovisuel analogique vers le métier d’infrastructure de réseau numérique au service non seulement de la télévision et la radio, mais aussi des opérateurs télécoms (mobile, objets connectés, …). Le groupe a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros, dont 45 % provenant des télécoms, contre 29 % de la télévision et 21 % de
la radio. Les télécoms sont sur le point de dépasser l’audiovisuel, et le transfert de la bande des 700 Mhz à partir d’avril 2016 devrait accélérer cette tendance. Au-delà de
35 chaînes de la TNT et de 900 radios FM, le groupe assure aussi le déploiement des réseaux des quatre opérateurs mobile (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile). TDF diffuse en outre de la TNT connectée (norme HbbTV), de la vidéo à la demande (VOD), de la télé de rattrapage, des médias audiovisuels en ligne ou encore des réseaux d’objets connectés. « Les infrastructures vont demeurer le centre névralgique incontournable de l’économie connectée. Lors de la ruée vers l’or, ceux qui ont gagné beaucoup d’argent ne sont pas uniquement ceux qui ont trouvé de l’or mais également les vendeurs de pelles et de pioches ! », a ironisé Olivier Huart.

Le mobile génère autant de revenus que le fixe en 2014

En fait. Le 28 mai, l’Arcep a publié les chiffres des services télécoms en France sur 2014. Les revenus des opérateurs a moins reculé que l’an dernier (- 3,4 % à 36,8 milliards d’euros, contre – 7,3 % en 2013), en raison du ralentissement de la baisse des prix. Les données mobile explosent, mais pas leurs revenus.

En clair. C’est le paradoxe du mobile : la consommation explose, avec un doublement du trafic de données sur les réseaux mobile, mais le chiffre d’affaires des services mobile baisse depuis des années. Au point que les revenus des services mobile est
en passe de se retrouver en dessous de celui des services fixe (1) : ce qui, selon les estimations de EM@, devrait se vérifier pour la première fois au cours du premier trimestre 2015 (chiffres attendus d’ici cet été). Pour l’heure, sur l’année 2014, les services mobile se retrouvent – et c’est sans précédent – au même niveau que les services fixe : autour de 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires chacun. Alors qu’en 2010, le mobile devançait encore le fixe de plus de 3milliards d’euros ! Les revenus
des services mobile ont continué à s’éroder depuis, y compris durant l’année 2014,
de – 7 % (à 14,008 milliards d’euros précisément), tandis que les revenus des services fixe limitaient leur baisse, – 1,4 % (à 14,807 milliards d’euros). Ainsi, mobile et fixe se retrouvent donc dans un mouchoir de poche. Historique.

Quel est l’intérêt pour Verizon de racheter AOL ?

En fait. Le 12 mai, l’opérateur américain Verizon a annoncé avoir signé un accord pour acquérir AOL 4,4 milliards de dollars. Le géant des télécoms monte ainsi dans la chaîne de valeur de l’économie numérique et compte accélérer dans les contenus mobiles et vidéo, qu’ils soient éditoriaux ou publicitaires.

En clair. Près de quinze ans après avoir été racheté – en 2001 – par le groupe Time Warner pour 165 milliards de dollars (ce dernier l’ayant revendu en 2009 sérieusement dévalorisé après l’éclatement de la bulle Internet), AOL retombe dans les bras d’un grand groupe et non des moindres. Verizon est troisième opérateur télécoms mondial en termes de chiffre d’affaires (1), derrière NTT et AT&T, et le premier opérateur mobile aux Etats- Unis. L’opération devrait être bouclée d’ici cet été, après le feu vert des autorités anti-trust.
En janvier dernier, son PDG Lowell McAdam avait démenti l’information de l’agence Bloomberg évoquant le souhaite de Verizon de s’emparer d’AOL. « Dire que nous avons engagé des discussions en vue d’une acquisition importante n’est vraiment
pas exact », avait-il alors assuré le 6 janvier dernier. C’était mentir pas omission… Aujourd’hui, les faits sont là. Le pionnier de l’Internet, American On Line (AOL), va tomber dans l’escarcelle de Verizon. Cette annonce intervient huit mois après qu’un investisseur ait plaidé pour un rapprochement entre AOL et Yahoo. Des actionnaires
de ce dernier ont même exhorté Tim Amstrong, PDG d’AOL, d’étudier la faisabilité d’une fusion entre les deux portails du Net. Mais ce dernier avait alors écarté cette voie, en justifiant que son groupe avait déjà « une échelle considérable ». C’était là aussi un mensonge par omission…
Grâce à AOL et à ses nombreux services en lignes (2), Verizon fait un pas de géant
sur le marché de l’OTT (Over-The-Top) que constituent les services Internet proposés indépendamment des opérateurs télécoms ou des câblo-opérateurs. AOL restera AOL, sous la forme d’une filiale détenue à 100 % par l’opérateur télécoms, numéro un des mobiles aux Etats-Unis.
La vidéo est au cœur des motivations de cette croissance externe, que cela soit la vidéo mobile sur réseau 4G que la vidéo OTTV (Over-The-Top Video). Verizon envisagerait de lancer en juin un service de télévision en streaming (live, émissions originales et pay-per-view). « La combinaison de Verizon et d’AOL crée une plateforme unique et augmentée dans le mobile et le média OTT, pour les créateurs, les consommateurs et les publicitaires », s’est félicité Tim Armstrong. In fine, ce que
lorgne Verizon avec AOL, c’est le marché mondial de l’e-pub qui – selon le cabinet d’études eMarketer – devrait atteindre cette année 600 milliards de dollars. @

GAFA : la France milite pour un régulateur européen

En fait. Le 19 mai, Sébastien Soriano – président depuis mi-janvier de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) – était l’invité de l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). Il est favorable à une régulation européenne des plateformes numériques.

En clair. La Commission européenne vient de lancer le chantier de la réflexion sur la régulation européenne des plateformes numériques, et elle devrait livrer les premiers éléments de cette réflexion d’ici fin 2015 pour légiférer courant 2016. Elle est encouragée dans ce sens par la France et l’Allemagne qui poussent à la mise en oeuvre d’une régulation numérique européenne. « Je constate que le moteur franco-allemand s’est rallumé. Dès le conseil des ministres franco-allemand de février 2014,
il y a des déclarations communes très fortes sur la volonté de la France et de l’Allemagne d’avancer notamment sur la régulation des plateformes : Google, Apple, Facebook, … », s’est félicité Sébastien Soriano, président de l’Arcep.
Selon lui, il y a eu « une forme de naïveté de l’Europe qui s’est laissée colonisée » par des équipementiers asiatiques et des acteurs du Net américains – GAFA en tête. Cette période est révolue. Mais cela suppose une régulation européenne des plateformes numérique pour éviter que, d’une part, les acteurs dominants de l’Internet empêchent des start-up européennes d’émerger, et que, d’autre part, les 30 % de commission prélevés par ces acteurs ne partent ailleurs. « Comment on évite un système dans lequel il y a une “Uberisation” massive de l’ensemble de l’économie ? », s’interroge Sébastien Soriano. Qui doit alors jouer le rôle de régulateur européen des plateformes numériques ? La France et l’Allemagne avancent plusieurs scénarios : la Commission européenne pourrait jouer ce rôle, via sa direction générale DG Comp, en charge de
la concurrence, ou sa DG Connect, en charge du numérique. Ou bien cette régulation européenne pourrait être confiée à un réseau de régulateurs comme cela existe entre les « Autorité de la concurrence » européennes avec leur Réseau européen de la concurrence (Rec) mis en place début 2004. A moins que l’on opte pour un système fédéral comme celui des télécoms avec l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece), ou Berec en anglais, créé en décembre 2009. En revanche, Sébastien Soriano a redit qu’il n’était pas favorable à un régulateur européen des télécoms (1) : « Là, je parle des télécoms, sur les tuyaux, sur les réseaux, sur le dur. C’est le métier historique de l’Arcep. Et moi, je souhaite un bon courage à un régulateur européen qui devra s’intéresser à comment déployer la fibre optique dans la Creuse ! ».

Internet ouvert : les trois « no » d’Obama, et après ?

En fait. Le 26 février, la majorité des membres – trois des cinq – du régulateur
des télécoms américain, la FCC, a voté pour de nouvelles règles plus strictes
en faveur de la neutralité de l’Internet aux Etats- Unis. Barack Obama s’est dit satisfait. Mais cela suppose de légiférer devant un Congrès hostile.

En clair. Comme les trois membres de la FCC (Federal Communications Commission) sont démocrates comme le président Obama, lequel avait pris position le 10 novembre 2014 en faveur d’une « stricte » neutralité du Net dans un « President’s Statement » (1), c’est à la majorité qu’ont été adoptées les nouvelles règles « Open Internet ».
Deux membres de la FCC, républicains, ont voté contre. Ces nouvelles règles, qui doivent encore être examinées par le Congrès américain dominé par les républicains, se résument en trois « no » : « no blocking, no throttling, no paid prioritization » (aucun blocage, aucun étranglement, aucune priorisation payée). Autrement dit : pas d’Internet à deux vitesses aux Etats- Unis. Cela veut dire que si un internaute ou un mobinaute – car cette neutralité stricte s’applique au fixe et au mobile – demandent l’accès à un site Web ou à un service dont le contenu est a priori légal : le fournisseur d’accès à Internet (FAI) ne pourra bloquer cet accès ; les contenus ne pourront être discriminés au profit d’autres ; les sites web n’auront pas besoin d’acheter des lignes prioritaires ou les FAI le leur proposer. En désignant le haut débit fixe et mobile « services publics » (lire EM@117, p. 4), la FCC se donne le pouvoir d’imposer la neutralité du Net. Cette
« stricte » neutralité du Net – exigée par Barack Obama (2), moins de deux ans avant son départ en janvier 2017 – provoque l’ire des opérateurs télécoms américains : AT&T vient de suspendre le déploiement de son réseau de fibre optique ; Verizon, Comcast et d’autres FAI sont aussi vent debout contre « Open Internet ». En revanche, les géants du Web – ayant le soutien des démocrates et du président des Etats-Unis – applaudissent des deux mains et demandent à ce que la stricte neutralité d’Internet entre maintenant en vigueur. Amazon, eBay, Facebook, Google, Microsoft, Yahoo
ou encore Samsung, tous réunis au sein de la CCIA (Computer & Communications Industry Association), ainsi que Netflix, Apple et les autres OTT (Over-The-Top), y
sont favorables. Les nouvelles règles « Open Internet » pourraient s’appliquer dans quelques semaines ou mois, selon les recours devant la justice de la part des opérateurs télécoms ou les tentatives législatives des républicains pour invalider
ces règles. Mais Barack Obama détient une arme devant le Congrès américain :
son droit de veto. @