Les opérateurs télécoms reprochent aux ayants droits de limiter l’accès aux contenus audiovisuels

Licences, droits d’auteur, minimums garantis, chronologie des médias, honoraires… Les opérateurs télécoms historiques (Orange, Deutsche Telekom, KPN, Belgacom, etc) dénoncent auprès de la Commission européenne les freins
à la circulation des œuvres et contenus audiovisuels.

« Les nouvelles et convergentes plateformes [numériques] sont confrontées à des difficultés pour accéder à des contenus premium [audiovisuels], à des conditions et dans des délais raisonnables. La disponibilité de ces contenus premium est entravée par des pratiques qui s’appliquaient dans un monde analogique et qui n’ont plus de raison d’être dans un environnement digital », se sont plaints les opérateurs télécoms historiques européens auprès de la Commission européenne.

Producteurs et ayants droits en cause
Dans sa réponse à la consultation publique sur le livre vert sur la convergence audiovisuelle (1), l’ETNO – l’organisation qui les réunit à Bruxelles depuis vingt ans (2) – s’en prend aux producteurs audiovisuels et cinématographiques. « Acquérir des licences auprès des ayants droits (producteurs) peut devenir difficile pour les nouveaux entrants ou les concurrents plus fragiles économiquement. Et l’accès à l’offre de gros de chaînes proposant des contenus premium s’avère difficile pour les fournisseurs de services qui essaient d’établir une nouvelle plateforme, soit sur une infrastructure déjà utilisée pour la distribution de services appropriés (TV payant sur réseau câblé, par exemple), soit sur une infrastructure alternative (réseau DSL versus TV par satellite ou TNT, par exemple) », expliquent les opérateurs télécoms européens, parmi lesquels Orange, TDF, Deutsche Telekom, KPN, Belgacom, TeliaSonera, Telefonica, Telecom Italia ou encore Swisscom. Ensemble, ils dénoncent les « intentions protectionnistes » de certains acteurs traditionnels à la fois présents dans la distribution et la production audiovisuelles,
« lesquels voient dans le haut débit et Internet en général une grande menace pour leurs activités ». Les opérateurs télécoms historiques ont maille à partir avec les chaînes de télévision historiques, et plus généralement avec l’industrie des contenus. L’ETNO pointe notamment du doigt les droits de propriété intellectuelle, soupçonnés de freiner la libre circulation des œuvres audiovisuelles et l’accès aux chaînes : « Nous acceptons entièrement le besoin des détenteurs de droits de percevoir une juste rémunération pour leurs œuvres. Cependant, quand [le droit d’auteurs] prend la forme de protection de contenu haut de gamme, il devrait être équilibré avec le besoin et le droit d’entreprendre ». Les opérateurs télécoms fustigent aussi le fait que « souvent l’industrie des contenus et les majors ont, en particulier, un haut pouvoir de négociation et imposent unilatéralement des conditions pour la disponibilité de contenu haut de gamme ». Et de citer pêle-mêle : les minima garantis, les frais d’honoraires, les fenêtres de diffusions liées à la chronologie des médias (lire encadré ci-dessous), les catalogues limités, les obligations pour des
« questions de sécurité », les licences pour des territoires et des technologies fragmentés, l’obligation de pratiquer le « géo-blocage » – rendant impossible la mise en place de services pan-européens –, ou encore les exclusivités. Sur toutes ces conditions sont jugées contraignantes : « Ces clauses aboutissent à empêcher les fournisseurs innovants (principalement de services à la demande) d’accéder à des contenu haut de gamme et quasi-haut de gamme, avec la conséquence que les consommateurs sont souvent privés de la possibilité d’avoir accès à ce contenu sur des plateformes convergentes ». Surtout que dans certains cas, les consommateurs ne peuvent même pas accéder à des contenus de bonne qualité. L’ETNO n’épargne pas non plus les plateformes en ligne d’applications (3), notamment l’App Store d’Apple et la Smart TV
de Samsung. @

Charles de Laubier

ZOOM

Haro sur la chronologie des médias
Dans leur réponse à la consultation de la Commission européenne sur son livre vert surnommé TV connectée, les opérateurs télécoms historiques européens regrettent
que « les stratégies marketing pour les sorties de films des majors influencent le développement de nouvelles activités [en ligne], puisque les studios de cinéma concentrent 100 % de leurs budgets marketing dans la première fenêtre associée à la sortie en salle ». Pour eux, la chronologie des médias « sape la capacité des éditeurs
et des distributeurs à proposer des contenus audiovisuels haut de gamme ». Et se demandent pourquoi les fenêtres des circuits de diffusion (salles, chaînes, …) sont « trop longues », alors que celles de la vidéo à la demande (VOD) sont «limitées» ? Résultat :
« Cela aboutit à une pénalisation déloyale et disproportionnée des services en ligne et en conséquence l’indisponibilité des contenus ouvrant la porte à la piraterie numérique ». @