L’obsolescence programmée prend un coup dans l’aile, avec une loi contre et un indice de réparabilité

Le 12 janvier, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité la proposition de loi pour « réduire l’empreinte environnementale du numérique en France ». Est prévu un délit d’obsolescence programmée et d’obsolescence logicielle. Par ailleurs, un indice de réparabilité est en vigueur depuis le 1er janvier.

La proposition de loi visant à « réduire l’empreinte environnementale du numérique en France », adoptée le 12 janvier en première lecture au Sénat, est maintenant entre les mains de l’Assemblée nationale. Le texte a été cosigné par plus de 130 sénateurs de tous bords politiques, parmi lesquels « son principal auteur » : le sénateur Patrick Chaize (photo de gauche), par ailleurs président de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca).

Qu’on y reprenne plus Apple et d’autres
Selon la chambre haute du Parlement, cette proposition de loi vise notamment à « limiter le renouvellement des terminaux numériques, dont la fabrication est le principal responsable de l’empreinte carbone du numérique en France ». Le texte prévoit ainsi de sanctionner l’obsolescence logicielle, d’améliorer la lutte contre l’obsolescence programmée et de soutenir les activités de reconditionnement et de réparation par une baisse du taux de TVA à 5,5 %. Les pratiques consistant à programmer justement la fin de vie d’un appareil ou d’un terminal, ou d’en détériorer progressivement les performances pour pousser l’utilisateur à en changer, ont déjà fait l’objet de condamnations.
Il y a un an, en France et à la suite d’une plainte de l’association Hop (1), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a infligé une sanction pécuniaire à Apple d’un montant de 25 millions d’euros, dont la marque à la pomme s’est acquittée dans le cadre d’une transaction (2). Même si l’accusation d’obsolescence programmée n’a pas été retenue dans cette affaire-là, le fabricant d’iPhone et d’iPad a été condamné pour « pratiques commerciales trompeuses par omission », faute d’avoir informé des détenteurs d’iPhone que les mises à jour du système d’exploitation iOS qu’ils installaient étaient susceptibles de conduire à un ralentissement du fonctionnement de leur smartphone (3). « C’est une première victoire historique contre des pratiques scandaleuses du prêt-à-jeter », s’était félicitée Hop en février 2020, alors que la France promulguait au même moment une loi de « lutte contre le gaspillage et [pour] l’économie circulaire » (4). Selon cette association cofondée en 2015 par Laëtitia Vasseur (photo de droite), sa déléguée générale, la condamnation d’Apple a ouvert la voie à des demandes en dommages et intérêts de la part des clients lésés (5). La firme de Cupertino semble coutumière du fait car les Etats- Unis l’ont aussi condamnée : à l’automne dernier, une trentaine d’Etats américains – excusez du peu – ont contraint Apple à verser pas moins de 113 millions de dollars pour régler un litige portant sur le ralentissement des performances d’iPhone dans le but caché de ménager leurs batteries vieillissantes. Parallèlement, dans le cadre d’une procédure en nom collectif (class action) lancée par des utilisateurs, Apple a accepté de payer quelque 500 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites.
En France, Hop fait figure de David contre les « Goliath » de la Big Tech. L’association avait déjà attaqué il y a trois ans le fabricant d’imprimantes Epson et, l’an dernier, accusé Google d’« encourager l’obsolescence culturelle d’appareils » avec une publicité « changez pour Chromebook ». Elle entend aussi convaincre la Commission européenne d’agir dans le cadre de son plan d’action pour une économie circulaire : « Les décideurs européens ont une responsabilité décisive dans la mise en place d’un cadre législatif qui favorise les produits de longue durée », conclut Hop dans son livre blanc en faveur des « produits durables », publié en novembre dernier (6). Depuis, le Vieux Continent avance : la Commission européenne a adopté en mars 2020 son nouveau plan d’action pour une économie circulaire, ou CEAP (7) ; le Parlement européen a approuvé le 25 novembre dernier une résolution intitulée « Vers un marché unique plus durable pour les entreprises et les consommateurs » (8).
La France, elle, commence à passer à l’action sur le terrain dans sa lutte contre l’obsolescence programmée : depuis le 1er janvier 2021, un « indice de réparabilité » est obligatoire pour notamment « les producteurs, importateurs, distributeurs ou autres metteurs sur le marché d’équipements électriques et électroniques », y compris dans le e-commerce.

Longue vie aux ordinateurs et smartphones
Un lot de décret et d’arrêtés – tous datés du 29 décembre 2020 – ont été publiés au J.O. le 31 décembre par le ministère de la Transition écologique (9). Outre le décret instaurant cet indice de réparabilité et un arrêté qui en fixe les modalités d’affichage et de calcul, il y a sept autres arrêtés (par produit), dont un pour les ordinateurs portables et un autre pour les smartphones. Hop a mis en ligne son site d’information produitsdurables.fr. Longue vie à eux ! @

Charles de Laubier