Multiplication des plateformes vidéo : la pratique du binge-watching explose à l’ère du streaming

Vous aimez Netflix, Amazon Prime Video et YouTube ; vous adorerez Disney+, Apple TV+, HBO Max et Peacock. Sans parler des plateformes de formats courts : Brut, Loopsider, Quibi, … Avec le streaming vidéo, le visionnage boulimique – binge-watching – devient un phénomène de société.

Le visionnage boulimique dans le monde est en plein boom. C’est même une tendance lourde de la société connectée. Dans tous les pays, le temps consacré au bingewatching – cette façon d’enfiler les épisodes d’une même série, ou de plusieurs – est en forte hausse.

France : sessions de 2h22 en moyenne
Quel que soit l’écran de visualisation (téléviseur, smartphone, tablette, …), cet engouement irrépressible d’enchaîner les épisodes, les films ou les programmes est la conséquence directe de la multiplication des plateformes vidéo et de leurs catalogues en ligne. « Le nombre de personnes déclarant s’adonner à cette pratique de binge-watching est en augmentation de 18 % par rapport à l’année précédente, et la durée moyenne des sessions de binge-watching est désormais de 2 heures et 40 minutes », constate Limelight Networks, un des pionniers mondiaux du Content Delivery Network (CDN) – chargé de faciliter la diffusion de contenus numérique – dans son rapport « State of Online Video » dévoilé fin octobre. « Ce sont les Américains qui sont les plus adeptes de cette pratique, avec des sessions moyennes de plus de trois heures, tandis que le temps moyen consacré en France au binge-watching est passé de 1h50 en 2018 à 2h37 en 2019 », montre cette étude issue d’un sondage mené en France, en Allemagne, en Inde, en Italie, au Japon, à Singapore, en Corée du Sud, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, auprès d’un total de 5.000 répondants interrogés l’été dernier. C’est même en France que le visionnage boulimique a progressé le plus en 2019 par rapport à l’an dernier. En passant de 1h50 à 2h37, la France rattrape ainsi son retard dans cette pratique sans pour autant dépasser la moyenne globale de 2h48 des neuf pays observés, laquelle a donc augmenté de manière significative de 18 % sur un an. La deuxième plus forte progression du binge-watching se trouve en Grande-Bretagne, qui passe de 2h04 à 2h69, du coup bien au-delà de cette même moyenne globale. Les Etats-Unis restent en tête de cette pratique, en franchissant la barre symbolique des 3 heures en moyenne, à 3h11 (contre 2h93 un an plus tôt). Le Japon, la Grande-Bretagne et Singapore suivent (voir tableau ci-dessous).
Si l’on regarde de plus près les résultats de la France, ils sont tout de même 17,4 % des personnes interrogées à regarder des épisodes durant trois à cinq heures d’affilées ! Et 5 % d’entre eux peuvent tenir jusqu’à sept heures devant leur écran, 3 % jusqu’à dix heures et même 0,8 % plus de dix heures (voir tableau page suivante). Dans cette dernière catégorie d’accros (plus de dix heures), c’est d’abord au Japon qu’ils se trouvent (4,8 %), devant les Etats-Unis (4,2 %). Sans surprise, les jeunes de 18-25 ans sont dans tous les pays les plus nombreux à pratiquer le visionnage boulimique au-delà de dix heures (3,5 %), suivis des 26- 35 ans (3 %), des 46-60 ans (2,1 %), des 36-45 ans (2 %), puis des plus de 60 ans (1,2 %).

La bataille des contenus originaux
Cette visualisation frénétique est loin de se terminer ou de stagner. D’autant que les plateformes vidéo se multiplient : Apple TV+ a été lancé le 1er novembre, Disney+ le 12 novembre, en attendant HBO Max (WarnerMedia) et Peacock (NBCUniversal) pour le printemps 2020. Les séries au format court et les vidéos pour smartphone sont aussi au programme des plateformes Brut, Loopsider et, à partir d’avril 2020, Quibi. Le binge-watching se propage aussi sur les plateformes des réseaux sociaux – Watch (Facebook), YouTube (Google) ou Snapchat (Snap) –, décidés eux-aussi à produire leurs propres contenus originaux. Que la plateforme vidéo soit gratuite ou payante, le boulimique du streaming ne sait plus où donner de la tête pour assouvir sa passion vidéo. « En plus du temps consacré, les consommateurs investissent également davantage d’argent dans les services de vidéos en ligne. Le rapport révèle que 70 % des consommateurs sont abonnés à au moins un service de streaming (contre 59 % en 2018) et près de trois consommateurs sur quatre (72 %) utilisent désormais des appareils de streaming (contre 67 % en 2018) », relève l’enquête de Limelight Networks. En effet, près des trois quarts des consommateurs qui regardent des vidéos en ligne utilisent des appareils de diffusion en continu (streaming) et cette proportion est en augmentation sur un an.

Multi-équipement « streaming » en hausse
Globalement, les téléspectateurs et vidéonautes choisissent les téléviseurs intelligents – Smart TV avec applications vidéo (31,1 %) – plus souvent que tout autre appareil. Viennent ensuite, la clé Amazon Fire TV (20,5 %), Google Chromecast (17,6 %), consoles de jeux vidéo (16,7 %), Apple TV (12,6 %), set-top box ou lecteur DVD (17,1 %), et Roku (5,7 %). Les données de l’étude sur trois ans montrent que les « box » (set-top-box) et les lecteurs de DVD avec des capacités de streaming sont en déclin, au profit notamment d’Amazon Fire TV, de Google Chromecast, des consoles de jeux vidéo, d’Apple TV ou encore de Roku (voir tableau ci-contre). La préférence pour les appa-reils de streaming varie selon le pays, avec les Smart TV ayant la plus forte utilisation à Singapour (48,5 %), set-top-box et lecteurs DVD en Corée du Sud (25,6 %), Google Chromecast et Amazon Fire TV en Inde (respectivement 26,6 % et 34,4 %, Apple TV en Corée du Sud (18,2 %, et Roku aux États- Unis (26 %). Pour la France, la console de jeux vidéo connectée s’avère être le premier moyen d’accès aux services de streaming vidéo (23,6 %), ce qui est le plus forte taux d’utilisation des neuf pays étudiés (devant les Etats-Unis), suivie de la Smart TV (22,8 %), Google Chromecast (19,6 %), de la « box » ou du lecteur de DVD connecté (15,8 %), d’Amazon Fire TV (12,2 %), d’Apple TV (11,8 %) et de Roku (2 %). Le potentiel de croissance de ces appareils de streaming est important puisque 35 % des répondants déclarent ne pas avoir ce type d’équipement. Les smartphones et les Smart TV sont les appareils privilégiés pour le streaming. « Pour la première fois, les smartphones ont dépassé les ordinateurs comme appareil préféré pour le visionnage de vidéos en ligne », souligne le rapport « State of Online Video ». Le bingewatching ne rime plus forcément avec le salon, mais de plus en plus avec la mobilité et les transports. Une passion dévoreuse et chronophage. @

Charles de Laubier