Retour sur le rapport « Les Hackers de la fiscalité » de Mounir Mahjoubi, prêt à déposer un amendement

Après sa note d’analyse sur la fiscalité numérique présentée fin septembre, l’ancien secrétaire d’Etat au numérique Mounir Mahjoubi, député de Paris, veut déposer un amendement pour obliger les GAFAM et autres acteurs du Net étrangers à divulguer leurs vrais résultats en France.

Le député (LREM) Mounir Mahjoubi (photo) s’apprête à déposer un amendement « pour forcer les compagnies à être transparentes » sur leurs revenus réalisés en France, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 qui est examiné en commission des finances à l’Assemblée nationale depuis le 8 octobre et jusqu’au 14 octobre. « C’est le rôle du Parlement d’aider le gouvernement à améliorer ses lois. Je garde donc ouverte la possibilité de déposer un amendement pour forcer les compagnies à être transparentes en France », a-t-il confié à l’agence Bloomberg le 26 septembre dernier.

Réforme « trop timide » ; « durcir le ton »
Dans sa note d’analyse « Les Hackers de la fiscalité » d’une vingtaine de pages (https://lc.cx/Fisc), l’ancien secrétaire d’Etat chargé du Numérique (mai 2017-mars 2019) et ancien président du Conseil national du numérique (février 2016-janvier 2017) « appelle le Parlement [où il siège comme député de Paris depuis avril 2019, ndlr] à durcir le ton envers ces pratiques et à exiger plus de transparence sur les activités françaises de ces groupes ». Selon lui, la transparence doit venir non seulement des entreprises du numérique – les GAFAM en tête (Google, Amazon, Facebook, Apple et Amazon) – mais également de l’Etat français : « J’encourage l’Etat à transmettre au Parlement les éléments l’ayant conduit à estimer le rendement de la nouvelle taxe sur les services financiers ». Au niveau de l’Union européenne et de l’OCDE, il y a bien un travail collectif qui est mené sur ces questions, mais Mounir Mahjoubi estime que « le processus de réforme est en marche mais demeure trop timide » (1).
Car, en attendant une politique fiscale digne de ce nom à l’heure de l’économie numérique, les chiffres collectés par le député parisien (voir tableaux ci-dessous) démontrent que – rien que pour les GAFAM – le chiffre d’affaires « déclaré » l’an dernier est quatre fois inférieur à celui estimé « réalisé » (14,9 milliards d’euros réalisés en 2018, contre 3,4 milliards d’euros déclarés).


Quant au bénéfice imposable, il serait en réalité près de neuf fois supérieur à ce que ces cinq géants du Net auraient bien voulu faire croire au fisc français (3,4 milliards d’euros avant impôt estimés, contre 398 millions d’euros déclarés). Résultat : les GAFAM ont payé l’an dernier à Bercy près de neuf fois moins d’impôts dont ils auraient dû théoriquement s’acquitter en réalité (seulement 398 millions d’euros au lieu de 1,156 milliard d’euros). « J’approxime le manque à gagner pour l’Etat français à 1 milliard d’euros par an », estime Mounir Mahjoubi. Autant dire que la « taxe GAFA » – de 3 % sur le chiffre d’affaires des entreprises technologiques qui génèrent au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel – que la France se vante d’avoir mise en place et applicable à partir du 1er janvier 2019 fait pâle-figure. Car celle-ci devrait rapporter quelque 400 millions d’euros cette année, 450 millions l’an prochain, 550 millions en 2021 et 650 millions en 2022. De plus, cette taxe est provisoire, le temps que l’OCDE aboutissement à faire adopter de règles fiscales communes avec ses pays membres (2).
Mounir Mahjoubi a été élu député le 28 avril dernier de la 16e circonscription de Paris, succédant ainsi à Delphine O – sœur de… son successeur au gouvernement Cédric O – qui était sa suppléante (lire en Une). L’actuel secrétaire d’Etat chargé du Numérique, en fonction depuis le 31 mars, n’a pas fait de commentaire sur le rapport de son prédécesseur. @

Charles de Laubier