Après l’ordinateur, le smartphone est de plus en plus utilisé pour pirater des contenus audiovisuels

S’il y a bien un sujet qui n’était pas d’actualité au dernier Mobile World Congress, grand-messe de la mobilité qui s’est tenue à Barcelone, c’est bien celui de l’émergence du piratage de contenus à partir des smartphones. En France, ils seraient déjà près de 2 millions de mobinautes à pirater.

« Si auparavant le piratage nécessitait de télécharger un logiciel de peer-to-peer sur ordinateur, désormais le piratage est facilité par la possibilité d’accéder à des contenus en streaming sur des smartphones ou tablettes. La consommation illégale de contenus audiovisuels se développe sur les supports mobiles ». C’est ce que constate le cabinet EY dans son étude sur le piratage en France publiée fin février (1).

Streaming, DDL, live, P2P, …
C’est d’autant plus inquiétant pour les industries culturelles et les ayants droits que
la France compte aujourd’hui plus de mobinautes (24,3 millions) comparés aux internautes par ordinateur (23,8 millions) et même aux tablonautes (12,5 millions). Globalement, d’après l’institut de mesure d’audience Médiamétrie qui s’appuie sur
un panel d’analyse de 20.000 internautes (2), la France compterait aujourd’hui 13 millions de pirates en ligne (3) qui auraient consommé « illégalement » 2,5 milliards
de contenus audiovisuels. Parmi eux, ils sont maintenant 1,8 million de mobinautes
– soit 15 % de l’audience totale – à pirater des contenus audiovisuels à partir d’un smartphone. Ils sont dans ce cas 43 % à le faire sur des sites pirates de streaming,
21 % sur des sites de téléchargement direct (DDL), 20 % en live streaming (diffusion audiovisuelle en direct) et 16 % sur les réseaux peer-to-peer (P2P) (voir graphique ci-dessous). Les contenus audiovisuels pris en compte par EY, qui a analysé les données non seulement de Médiamétrie, mais aussi de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) et du Centre nationale du cinéma et de l’image animée (CNC), comprennent les films, les séries, les documentaires, les jeux vidéo, les informations
et les sports télévisuels, mais pas les plateformes légales de type YouTube, Dailymotion ni les réseaux sociaux comme Facebook. L’individualisation de la consommation média tend à augmenter le piratage à partir d’un smartphone. En complétant les données par une enquête terrain menée auprès de 3.000 individus ayant consommé des contenus vidéo de façon illégale sur douze mois, EY évalue globalement (ordinateurs, smartphones et tablettes) le « manque à gagner » en France à 1,35 milliard d’euros en 2016, et appelle notamment à « valoriser la richesse de l’offre légale » puisque l’étude constate que « 75 % des utilisateurs se déclarent prêts à payer pour une offre légale en l’absence d’alternatives illégales ».
L’étude d’EY est venue compléter l’étude de l’Alpa publiée également fin février, en partenariat avec Médiamétrie et le CNC, sur la consommation illégale de vidéos en France (voir tableau p.10). Si le nombre d’« internautes indélicats » (sic) a diminué – pour la première fois depuis que des mesures fiables existent – de 8 %, soit d’environ
1 million d’internautes sur un an (4), le piratage à partir d’un smartphone explose. En effet, en 2016, l’Alpa montre que sur les 1,9 million de mobinautes « pirates » (on remarquera la différence inexpliquée avec les 1,8 million de EY…) 44 % le font sur des sites de streaming, 38 % sur direct download et 18 % sur du peer-to-peer. Les croissance à deux ou trois chiffres l’an dernier démontrent la forte poussée du piratage mobile par rapport à 2015 : respectivement + 81 %, + 283 % et + 92 %. Les 25-49 ans « pirates » sont les plus nombreux, suivis par les 15-24 ans, puis les 50 ans et plus. De là à ce que le mobile prenne le relais du piratage, l’avenir nous le dira. @

Charles de Laubier