Lutte contre le piratage : la responsabilisation de tous les intermédiaires du Net se précise

Le gouvernement étudie actuellement comment responsabiliser davantage les intermédiaires techniques – hébergeurs, financiers, publicitaires, … – dans la lutte contre le piratage en streaming et téléchargement direct. L’autorégulation des acteurs serait privilégiée plutôt que la loi.

Les mécanismes de notification pour informer les « intermédiaires techniques » d’Internet – entendez à ce stade les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les hébergeurs – ne sont pas assez efficaces pour lutter contre le piratage. C’est en substance ce qui ressort de la synthèse, publiée le 2 août dernier, des réponses à la consultation publique de la Commission européenne dans le cadre de la révision de la directive de 2004 sur les droits de propriété intellectuelle dite IPRED (1).

La notification et le juge insuffisants
Le succès de la notification, qui consiste à signaler à un intermédiaire du Net une violation de la propriété intellectuelle pour qu’il la fasse cesser, dépend aussi de la bonne foi des acteurs du Net en questions et de leur promptitude à appliquer la procédure de type notice and take down. Pour renforcer les mesures contre les infractions au droits d’auteurs, la question que pose la Commission européenne est donc de savoir s’il faut – et comment – plus impliquer les intermédiaires techniques, dont la définition pourrait être élargie à l’ensemble des prestataires de l’Internet – y compris les fournisseurs de systèmes de paiement et les acteurs de la publicité en ligne.
La réponse de la France à cette consultation IPRED (2) est d’autant plus instructive que
le pays de l’Hadopi permet déjà – en invoquant l’article L336-2 du code de la propriété intellectuelle – de demander au juge d’ordonner « toutes les mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteurs ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ». La France vise donc à travers la formulation « toute personne » l’ensemble des acteurs du Net, donc pas seulement les « intermédiaires » FAI et hébergeurs au sens de la directive DADVSI (3) transposée plus largement en France par la loi du 12 juin 2009 dite Hadopi 1. Ainsi, cet article L336-2 déroge-t-il à l’article 6-1-8 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui se limite aux intermédiaires techniques tels que les FAI et les hébergeurs, conformément à la directive Commerce électronique. C’est sur ce fondement que les organisations française APC (4), FNDF (5) et SEVN (6) ont déposé fin 2011 une
« action en cessation » contre Google, Yahoo et des FAI dans l’affaire pour demander au juge de les obliger à déréférencer et/ou bloquer AlloStreaming. Or Yahoo conteste le fait que les moteurs de recherche puissent être concernés, ce qui est contraire selon le groupe américain à la directive DADVS (7). Verdict le 26 septembre. L’issue de cette affaire AlloStreaming est très attendue par le gouvernement français, lequel est en train justement d’examiner les propositions de Mireille Imbert Quaretta, actuelle présidente
de la CPD (8) de l’Hadopi, et de Pierre Lescure, ex-président de la mission Acte II de l’exception culturelle. La première a remis le 25 février 2013 un rapport sur les moyens
de lutte contre le streaming et le téléchargement direct de contenus illicites. « Les pistes d’évolution envisagées visent ainsi à responsabiliser davantage les sites de contenus
et de référencement mais également à impliquer l’ensemble des intermédiaires de l’écosystème du streaming et du téléchargement direct. (…) La réflexion ne se limite d’ailleurs pas aux intermédiaires techniques mais touche aussi les fournisseurs d’instruments de paiement et les acteurs de la publicité en ligne », préconise la magistrate. Le second, qui s’est inspiré de la première, a remis (9) le 13 mai 2013 son rapport.
« L’implication des intermédiaires techniques et financiers qui constituent l’écosystème Internet (hébergeurs, moteurs de recherche, services de paiement, acteurs de la publicité en ligne, voire fournisseurs d’accès à Internet et opérateurs de nommage) peut permettre de contourner la difficulté d’appréhender directement les responsables de la contrefaçon en ligne », écrit le rapport Lescure. La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, qui a déjà fait sienne la proposition de responsabilisation de tous les intermédiaires du Net, attend d’ici la fin de l’année – avant qu’il ne soit rendu public en janvier 2004 – un nouveau rapport de Mireille Imbert Quaretta, chargée d’« élaborer les outils opérationnels permettant d’impliquer les intermédiaires techniques et financiers
dans la lutte contre la contrefaçon en ligne » (10).

Vers une autorégulation d’Internet ?
Mais si le gouvernement suit « MIQ » et Lescure jusqu’au bout, il devrait privilégier l’auto-régulation. « Est encouragée l’autorégulation sous l’égide de l’autorité publique plutôt que la recherche de nouveaux dispositifs contraignants », explique MIQ. « La puissance publique pourrait promouvoir, tout en l’encadrant, une autorégulation fondée sur des engagements pris volontairement par les différentes catégories d’intermédiaires », complète Pierre Lescure. @

Charles de Laubier