Marché unique numérique : Neelie Kroes présentera le 11 septembre le nouveau « Paquet télécom »

La fragmentation du marché des télécoms en Europe, que cela soit dans ses pratiques tarifaires ou dans ses régulations encore trop nationales, nécessite des remèdes qui plairont moins aux opérateurs télécoms qu’aux consommateurs européens.

(Depuis la publication de cet article dans EM@84, la Commission européenne a présenté le 11 septembre 2013 son projet pour un marché unique des télécoms)

Par Charles de Laubier

NKC’est le 11 septembre que la commissaire européenne en charge de l’Agenda numérique, Neelie Kroes (photo), présentera un nouveau « Paquet télécom » en prévision du Conseil de l’Union européenne (UE) d’octobre.
Son objectif sera d’achever la création d’un marché unique numérique en remédiant à la fragmentation du marché des télécoms en Europe.
Les eurodéputés auront à se prononcer sur cette réforme législative des télécoms vers Pâques 2014 en vue d’une entrée en vigueur des nouvelles directives à partir de 2015.

Vers un marché unique des télécoms
Neelie Kroes entend donner une nouvelle impulsion pour créer un vrai « marché unique des télécoms ». Le 30 mai dernier, devant le Parlement européen (1), elle prévenait : le Paquet télécom sera un « compromis législatif radical (…) pour le bien-être à long terme des consommateurs ».
Comprenez : les opérateurs télécoms n’auront pas le dernier mot. « Il n’est pas d’autre secteur [que les télécoms], dans notre marché unique européen encore incomplet, qui ait moins besoin de barrières, et c’est pourtant dans ce secteur qu’elles sont le plus hautes. (…) Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser subsister les innombrables obstacles artificiels et inutiles qui existent aujourd’hui. (…) Nous pourrons faire plus s’il y a plus de liberté, de concurrence et d’opportunités et si les droits des consommateurs sont vraiment respectés ! », a insisté la commissaire européenne.

Conjuguer concurrence et investissement
Cette volonté de mettre un terme aux « frontières artificielles » faisant obstacles à la concurrence sur un marché unique numérique inquiète les opérateurs télécoms qui reprochent à la Commission européenne de favoriser depuis vingt ans la concurrence
et les consommateurs – et partant la bataille tarifaire – au détriment de leurs parts de marché, de leurs marges et de leurs capacités de financement dans des réseaux très haut débit (4G et FTTH).
C’est ce qu’exprime par exemple Orange (2), relayé par le gouvernement français
(l’Etat étant actionnaire à 27 %). « Aujourd’hui, la priorité ne doit plus être d’accroître la concurrence entre les opérateurs télécoms, qui est désormais bien installée (dans de nombreux pays d’Europe les principales offres d’accès à l’Internet fixe multiservice ou “triple play” sont à un tarif plus de deux fois inférieur à ce qui est disponible aux Etats- Unis), mais de créer les conditions pour le développement des réseaux à très haut
débit qui contribueront à une attractivité durable de l’Europe », ont en effet écrit Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin (3) dans une tribune parue dans Les Echos du 24 juin dernier.
L’inquiétude des opérateurs télécoms grandit, alors que Neelie Kroes a déjà annoncé fin mai son intention de mettre fin aux tarifs dits de roaming au sein de l’UE d’ici les élections européenne de mai 2014. Dans leur résolution sur « l’achèvement du marché unique numérique » adoptée le 4 juillet dernier, les eurodéputés se sont déjà « réjouis de l’intention de la Commission de présenter un nouveau paquet télécoms pour remédier à
la fragmentation du marché dans ce secteur, y compris des mesures pour supprimer les tarifs d’itinérance à l’avenir ».
La neutralité du Net et la qualité de service seront aussi au coeur du Paquet télécom
à venir. « Je garantirai la Net Neutrality. (…) Je mettrai fin aux blocages et restrictions anticoncurrentiels, pour chaque citoyen, sur chaque réseau, sur chaque terminal », a promis Neelie Kroes, le 9 juillet dernier devant une commission du Parlement européen. Dans la résolution des eurodéputés, le Parlement européen « invite la Commission et les Etats membres à renforcer la gouvernance du marché unique du numérique, en veillant
à la neutralité d’Internet ». La Commission a justement confirmé le 9 juillet avoir perquisitionné chez des opérateurs télécoms (Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, …) soupçonnés d’abus de position dominante dans l’interconnexion Internet (4). « Ce service est crucial pour le fonctionnement d’Internet et pour la capacité des utilisateurs finaux à atteindre le contenu Internet avec la qualité de service nécessaire, sans tenir compte de
la localisation du fournisseur », a expliqué l’exécutif européen pour montrer l’importance de ces perquisitions surprises.

Lever les obstacles pour le consommateur
Bref, Neelie Kroes devra ménager la chèvre (les opérateurs) et le chou (les consommateurs). Au-delà du marché unique des télécoms, les eurodéputés invitent
les Etats membres et la Commission européenne « à faire du développement du
marché unique du numérique une priorité politique absolue et à élaborer une approche d’ensemble » et « à renverser, d’urgence, les obstacles qui s’opposent encore au marché unique du numérique ». @

Charles de Laubier