Frédéric Mitterrand : « Le dialogue avec Google doit mettre fin rapidement aux différends passés »

Le ministre de la Culture et de la Communication, dont le budget 2012 croît de 0,9 % à 7,4 milliards d’euros, répond aux questions de EM@. Il se félicite des accords avec Google sur la numérisation des livres, de l’action de l’Hadopi qui a « convoqué une soixantaine d’internautes », tout en s’opposant à l’idée de licence globale.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La Martinière a finalement signé avec Google fin août, après Hachette Livre fin juillet ; Gallimard, Flammarion et Albin Michel ont suspendu début septembre leur action en justice contre Google pour discuter : va-t-on vers une collaboration de la BNF avec Google ?
Frédéric Mitterrand :
J’ai rappelé à plusieurs reprises qu’avant toute collaboration de Google avec les grandes institutions nationales comme la Bibliothèque nationale de France, il convenait que le respect des droits des auteurs et des éditeurs soit assuré. Je me réjouis donc de constater que les accords passés entre Google et Hachette puis La Martinière consacrent la reconnaissance de ces principes.

EM@ : Quelle est la prochaine étape ?
F. M. :
Je souhaite à présent que le dialogue très positif établi avec les dirigeants de Google aboutisse rapidement à une solution mettant fin aux différends passés, et applicable à l’ensemble des ayants droits français.

EM@ : Cela va faire un an que la “réponse graduée” fonctionne et quelques internautes présumés pirates d’œuvres culturelles (musique et films) ont reçu leur 3e avertissement. Mais aucun n’a été traduit à ce jour devant la justice : pourquoi ?

F. M. : L’action de l’Hadopi s’est traduite par l’envoi de plusieurs centaines de milliers de premiers mails de recommandation, l’envoi de milliers de lettres recommandées (la troisième recommandation), et, en effet, par la convocation d’une soixantaine d’internautes, dont le dossier est instruit par la Commission de protection des droits(1). Il est absolument normal, c’est sa mission, que la Commission de protection des droits examine avec attention les dossiers qui lui sont soumis, avant une éventuelle transmission au Parquet.

EM@ : L’action de l’Hadopi est-elle satisfaisante ?
F. M. :
Au titre de sa mission de promotion de l’offre légale, l’Hadopi a décerné le label « PUR » à 33 sites et mis en place 5 ateliers de recherche (« labs »). Ce bilan est très encourageant : très loin de la vision caricaturale qu’en donnent les socialistes, on s’aperçoit que l’Hadopi a une vocation pédagogique, que cette pédagogie est bien acceptée et que ses premiers effets se font sentir.

EM@ : Est-ce que le piratage sur Internet baisse ?
F. M. :
Les études montrent que le piratage baisse plus en France que dans les autres pays. Plus de la moitié des internautes déclarent que l’action de l’Hadopi est positive et qu’elle les incite à se tourner vers l’offre légale. Dans le même temps, on a assisté à un décollage de la musique numérique – + 23% depuis un an [selon les derniers chiffres du Snep, ndlr] – ces derniers mois.

EM@ : La licence globale, que prône Martin Aubry notamment, est-elle possible ?
F. M. :
La proposition socialiste de licence légale entraînerait un cataclysme économique et juridique. Elle signerait l’arrêt de mort des sites de musique en ligne légaux, qui proposent plus de 12 millions de titres et sont en pleine croissance, de 20 % depuis un an. Elle représente aussi, de la part des socialistes, la négation du droit des créateurs : ce serait un retour en arrière terrible pour les revenus des artistes alors que nous nous sommes employés à mieux les protéger contre le piratage. C’est aussi le reflet d’une réflexion politique superficielle sur le financement de la création.

EM@ : Que proposez-vous dans ce domaine ?
F. M. :
A travers la mission sur le financement de la filière musicale, dont les propositions seront bientôt connues [le rapport de la mission « Chamfort-Colling-Thonon- Selles-Riester » sur le financement de la diversité musicale à l’ère numérique vient d’être remis au ministre, ndlr], mon ministère développe une approche beaucoup plus approfondie et globale, qui prend en compte les besoins de l’ensemble de la filière musicale, et se concentre sur les vrais débats : la relance de la production de nouveaux talents, la contribution des acteurs du numérique au financement de la création, la croissance des service innovants de musique en ligne, dont dépend la rémunération des artistes et créateurs. @