Pourquoi la vidéo menace la neutralité du Net

En fait. Le 17 novembre, lors du DigiWorld Summit de l’Idate à Montpellier, le séminaire
« Média » a fait la part belle à la vidéo en ligne, qui explose de 100 à 130 % par an et qui participe pour plus de la moitié à l’augmentation – de 50 % à 60 % par an – du trafic de l’Internet. Ce n’est pas neutre…

En clair. Imaginez que 40 % du trafic sur Internet soient de la vidéo en ligne mais que ces flux génèrent seulement 4,4 % des revenus du réseau des réseaux. Imaginez aussi que seulement 10 % du trafic sur le Net soient issus des moteurs de recherche mais que ces derniers représentent 26,7 % du chiffre d’affaires généré sur le Net. Cette dé-corrélation entre le trafic et les revenus est à l’origine des craintes des opérateurs télécoms de voir leurs réseaux saturer et des débats remettant en cause la neutralité. Et la montée en charge de l’Internet mobile et l’arrivée de la télévision connectée devraient accentuer le fait que le trafic augmente plus vite que les revenus. Les YouTube, Yahoo, Dailymotion et autres Facebook sont montrés du doigt par les opérateurs télécoms qui veulent un retour sur investissement. Comment ? En instaurant un péage sur leurs infrastructures, notamment à travers une « tarification à la terminaison d’appel data » ou d’un « paiement d’une interconnexion premium par les fournisseurs de services ou de contenus ». Le système de peering, selon lequel les opérateurs du Net s’échangeaient sans facturation mais compensation leurs trafics plus ou moins sysmétriques, est en passe de devenir obsolète avec le déséquilibre des flux provoqué notamment par la vidéo. Les acteurs du Web, de plus en plus gourmands en bande passante, estiment, eux, qu’ils font le nécessaire pour optimiser leur trafic, notamment avec des CDN (1). « Il n’y aura pas de Big Bang », a lancé Martin Rogard, DG de Dailymotion France, affirmant qu’il pouvait y avoir un effet de congestion mais pas de blocage. « Les grands émetteurs de trafic doivent contribuer [au financement
de notre réseau]», a répondu Stéphane Richard, DG de France Télécom. Dans cet écosystème perturbé, l’arrivée de la télévision connectée laisse présager une augmentation exponentielle de la vidéo sous toutes ses formes (VOD, catch up TV,
pub vidéo, …). Les fabricants de téléviseurs, vont à leur tour venir bousculer la chaîne de valeur (lire p. 7). Google TV, Apple TV mais aussi Yahoo ont déjà posé des jalons pour contôler le téléspectateur. Yahoo, dont la directrice « connected TV » pour l’Europe, Shirlene Chandrapal, s’est rendue pour la première fois au DigiWorld Summit, a indiqué à EM@ avoir trois accords européens ; avec le sud-coréen Samsung (2), le japonais Sony et le turc Vestel. Et dans le monde, « Yahoo! TV » est déjà présent sur 5,5 millions de téléviseurs connectés. @

L’apparent paradoxe de la vidéo sur Internet

En fait. Le 5 octobre, l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) a présenté en avant-première les thèmes de sa 32e conférence internationale DigiWorld Summit avec la questionclé « Qui finance l’Internet
du futur ? ». Au cœur des enjeux : l’explosion de la vidéo sur Internet.

En clair. Pour Gilles fontaine, directeur général adjoint de l’Idate, il y a un « apparent paradoxe de la vidéo à la demande (VOD) ». Selon lui, il y a en effet une multiplication
des offres concurrentes sur le marché de la VOD mais en même temps des freins à
son développement comme l’explosion des offres de vidéos gratuites sur Internet (1), piratage en ligne des vidéos, et navigation « cauchemardesque » dans les services.
« Je suis sceptique sur le potentiel de développement de la VOD, qui va rester un
petit marché. En cela, je ne crois pas à la disparition du DVD », a-t-il expliqué.
L’autre facteur défavorable à la VOD reste que les chaînes de télévision n’ont pas dit leur dernier mot face à la délinéarisation. « Les chaînes se différencient de la VOD grâce aux directs, aux exclusivités et aux retransmissions d’événements et de sports,
le cinéma n’étant plus un différenciant face à la VOD », a poursuivi Gilles Fontaine, également coauteur de l’étude « Future Télévision. Stratégies 2020 ». Reste que le paradoxe réside dans la multiplication de l’offre de plateformes de VOD, dont le nombre se situe aujourd’hui autour d’une quarantaine, et l’explosion de la vidéo sur le Net via des sites de partage vidéo comme YouTube et Dailymotion, ou de télévision de rattrapage comme Hulu (2).
« C’est à se demander comment le consommateur va survivre quand il est habitué à naviguer dans une “mosaïque” de dix à quinze chaînes », s’interroge-t-il. Mais cette
« migration Internet » de la vidéo devrait trouver son aboutissement dans le salon.
« Après le câble, le satellite ou encore l’ADSL, la télévision connectée est la dernière brique de la diffusion vidéo, même si la télécommande est encore assez frustre », affirme Gilles Fontaine. Les bouquets de vidéos (chaînes, programmes, films, séries, …) vont se multiplier sur Internet, à l’image de la société californienne Sezmi qui, indique-t-il, propose d’agréger les offres de VOD et de catch up TV pour offrir un service dit “all-in-one personal TV” à des prix adaptés à chaque usage. « Sezmi pourrait amener les utilisateurs à renoncer à des offres de VOD classique du câble, du satellite ou de l’ADSL », estime-t-il. Apple TV ou Google TV devraient eux-aussi bousculer le paysage audiovisuel. « Une offre alternative moins chère sur Internet au bouquet de télévision payante n’est pas exclue ». @

La vidéo sur le Net est « une piste » pour Le Figaro

En fait. Le 12 octobre, Etienne Mougeotte était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Le DG adjoint du groupe Le Figaro et directeur
des rédactions (quotidien, magazines, web, …) veut que le chiffre d’affaires provenant du numérique passe « le plus vite possible » de 15 % à 20 %.

En clair. Sans dévoiler les premiers résultats de la nouvelle formule hybride « gratuit-payant » du Figaro.fr lancée en février (1) avec un objectif de 60.000 abonnés d’ici trois ans, Etienne Mougeotte a expliqué que la diversification du groupe Le Figaro passait
par Internet. Au-delà des sites Adenclassified (petites annonces), Ticketac (billetterie), thématiques (santé, automobile, …) et des versions en ligne du Figaro Magazine ou
de Madame Figaro, le groupe de presse va accélérer sur le Web. Interrogé par Edition Multimédi@ sur ses ambitions en matière de vidéo sur le Net, l’ancien dirigeant de TF1
a répondu que « cela peut être en effet quelque chose à regarder, même s’il n’y a pas encore de Web TV rentables ». Et d’ajouter : « Développer la vidéo sur Internet est une piste. Nous faisons déjà de la vidéo sur le Figaro.fr, notamment avec le Buzz Média, mais ce sont des formats courts de quelques minutes ». Le groupe de Serge Dassault, qui a déjà indiqué être prêt à des acquisitions dans le Web, détient 20 % du capital de la société française The Skreenhouse Factory. Habert Dassault Finance en détient autant (2). Créée il y a trois ans par Frédéric Sitterlé, cette société édite le portail vidéo MySkreen et la plateforme documentaire Vodeo TV, tout en possédant depuis juin 34 % d’Imineo (W4TCH TV). Elle réalise en outre Lefigaro.fr et Tvmag.com. Or, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) négocie son entrée au capital de cette jeune société pour créer – avec l’aide du grand emprunt (lire EM@ 21, p. 4) – une plateforme de VOD et de télévision de rattrapage. « Il s’agit en effet d’un très beau contrat. Mais je ne peux pas vous dire si [le groupe Figaro] compte monter dans le capital », nous a répondu Etienne Mougeotte sur ce projet. Contacté, le président de l’INA, Mathieu Gallet, nous indique être en discussion avec les actionnaires de The Skreenhouse Factory pour
« une participation de quelques millions d’euros à l’occasion d’une augmentation de capital ». Quoi qu’il en soit, le patron de la rédaction du Figaro constate que « la délinéarisation va inciter à consommer de plus en plus d’images sans passer par le truchement des chaînes ». Internet, qui selon lui « fonctionne comme une agence de presse », va se traduire par « le rapprochement des rédactions web et papier, et ce le plus rapidement possible ». Tenté il y a un an par le toutpayant, Lefigaro.fr lui a préféré le gratuit-payant pour profiter de la reprise publicitaire sur le Net. @

Comment France Télévisions va rattraper son retard

En fait. Le 23 juillet, est paru au « J.O. » le décret présidentiel officialisant la nomination à la tête du groupe France Télévisions de Rémy Pfimlin, lequel avait
été nommé en Conseil des ministres le 21 juillet. Désigné pour cinq ans par
Nicolas Sarkozy, il remplacera Patrick de Carolis le 22 août.

En clair. Le remplaçant de Patrick de Carolis a déclaré vouloir faire du numérique
« la colonne vertébrale » du groupe de télévisions publiques. « France Télévisions doit rattraper son retard, notamment dans les échanges vidéo pratiqués sur les réseaux sociaux et dans la télévision de rattrapage : le portail de télévision de rattrapage de France Télévisions n’a été ouvert que le 2 juillet [Pluzz, lire EM@17 p. 4, ndlr], alors que plus de 10 millions de personnes consomment déjà régulièrement la télévision de rattrapage », a lancé Rémy Pfimlin (1) lors de son audition parlementaire le 12 juillet (jour même où le CSA a donné son aval). Est-ce une critique négative adressée à celui qui est directeur général de France Télévision Interactive depuis huit ans maintenant ? Ancien fondateur du portail Voila.fr chez Wanadoo après avoir été directeur du projet TV numérique câble et satellite de France Télécom (2), Laurent Souloumiac a été nommé en avril 2002.
Cet X-Télécom (48 ans) a été l’artisan de la télévision publique sur ADSL et de la vidéo à la demande (VOD) de France Télévisions à partir de 2004. Trois ans plus tard, il noue un partenariat exclusif avec Orange pour un service de télévision de rattrapage appelé Rewind TV, puis rebaptisé « 24/24 TV » à la demande du CSA. Mais l’exclusivité Orange-France Télévisions est contestée par la concurrence et le rapport Hagelsteen de février dernier (lire EM@7 p. 8 et 9), retardant du même coup la montée en charge du service de catch up TV.
Pour rattraper le retard, Rémy Pfimlin a indiqué qu’il allait confier la responsabilité du numérique « à un collaborateur, qui, à mes côtés, déterminera les objectifs en termes d’investissements, de développement d’offres et d’initiatives ». Il s’agit de notamment de l’éditorialisation des contenus pour qu’ils soient – « dès la conception des programmes » – conçus pour être diffusés « sur l’ensemble des supports ». Parmi
les défis que souhaite relever Rémy Pfimlin, il y a celui des réseaux sociaux et des
sites de partage de vidéos : « En donnant aux internautes la possibilité de “réagréger” des programmes, afin de se constituer leur propre offre – ce dernier point est crucial, s’agissant d’attirer les plus jeunes vers le service public », précisait-il. Cependant,
« la webTV ne pourra pas remplacer l’antenne mais la compléter », a-t-il prévenu.
La télévision mobile personnelle (TMP) sera en outre développée. @

UltraViolet veut être une alternative à iTunes

En fait. Le 20 juillet, plus d’une soixantaine de groupes de la high-tech et des médias – réunis dans le consortium Digital entertainment Content Ecosystem (DECE) – ont annoncé qu’ils testeront à l’automne leur nouveau format musique
et vidéo baptisé UltraViolet, lisible sur tous les terminaux.

En clair. De Microsoft à NBC Universal/Comcast, en passant par Paramount, Warner Bros., Sony Pictures, Cisco, IBM, Hewlett-Packard, Adobe, Nokia, Philips, LG Electronics, DivX, CinemaNow, Alcatel-Lucent et Technicolor (ex-Thomson), ils
sont aujourd’hui près de 60 industriels du cinéma, des médias audiovisuels et des technologies à proposer une alternative à la presque toute puissance d’Apple et
son format propriétaire ALAC (Apple Lossless Audio Codec) utilisé pour les fichiers musicaux et vidéos sur iTunes Store. Comme la marque à la pomme ne brille pas
par son ouverture (1) (*) (**) et s’impose progressivement partout dans le monde,
la concurrence s’organise depuis le début de l’année au sein du consortium « cross-industry » DECE (Digital Entertainment Content Ecosystem). Objectif : tenter d’imposer une nouvelle norme qui doit être testée à la rentrée aux Etats- Unis. Les spécifications techniques d’UltraViolet seront ensuite proposées sous licence avant la fin de l’année. Fonctionnant à la manière du streaming (sans téléchargement de fichier préalable) et dans un environnement de cloud-computing (ressources de stockage informatique accessible à distance), elle offrira « le choix et la liberté d’acheter, de gérer et de regarder des films numériques, des programmes télévisés ou d’autres contenus de divertissement ». Le logo UltraViolet sera à terme estampillé sur les terminaux et services, afin que le grand public les identifie facilement.
« En complément du DVD et du Blu-ray sur les marchés résidentiels du divertissement, UltraViolet permettra aux consommateurs de regarder leurs programmes numériques sur de multiples plateformes, telles que des télévisions connectées [à l’Internet], des micro-ordinateurs, des consoles de jeux, des smartphones et des tablettes, de manière aisée et continue », explique Mitch Singer, président de DECE et par ailleurs directeur technique de Sony Pictures Entertainment. Les utilisateurs pourront créer gratuitement leur compte sur le site web UltraViolet (2), incluant notamment un « panier de droits » (Digital Rights Locker) qui seront interopérables. Les studios hollywoodiens y voient un moyen de compenser rapidement la baisse des ventes de DVD. Le nom UltraViolet a été retenu car il s’agit en fait d’un dérivé du format Blu-ray. Apple n’est pas le seul à être absent de ce consortium. Disney, qui pousse son propre format appelé KeyChest, ou encore Amazon n’ont pas (pour l’instant ?) rallié cette initiative. @