RNT : le seuil décisif des 20 % de couverture de la population française sera enfin atteint en 2018

L’année 2018 sera déterminante pour le déploiement de la radio numérique terrestre (RNT) en France. Le seuil des 20 % de couverture de la population française à partir duquel les fabricants de récepteurs auront l’obligation d’y intégrer le DAB+ – et le T-DMB ? – devrait être atteint en septembre.

Le seuil des 20 % de couverture de la population française
à partir duquel les fabricants de récepteurs ont l’obligation d’intégrer la radio numérique terrestre (RNT) dans leurs appareils n’a finalement pas été atteint en 2017, contrairement
à ce qu’avait indiqué Patrice Gélinet à EM@ dans une interview parue en mai 2016 (1), alors qu’il était encore membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Son mandat s’étant achevé il y a un an, en janvier 2017, c’est Nicolas Curien – son successeur depuis lors – qui pourra annoncer le franchissement de ce seuil décisif des 20 % d’ici la fin de l’année.

Déclenchement attendu en septembre
La loi de 2007 sur la modernisation de la diffusion audiovisuelle a en effet fixé ce taux de couverture de la RNT comme le déclencheur de l’intégration obligatoire des normes RNT – DAB+ en tête – dans les récepteurs radios et autoradios. « Le seuil de 20 % de couverture, déclenchant l’obligation légale d’installation du DAB+ dans les récepteurs, sera en tout état de cause atteint avant la fin 2018, après le démarrage des émissions
à Lille, Lyon et Strasbourg », a déjà promis le CSA. Pour l’heure, seules les villes de Paris, Marseille et Nice bénéficient de la RNT depuis le 20 juin 2014, date à laquelle les premières émissions ont pu commencer en France avec plus d’une centaine de radios numériques. Selon son nouveau calendrier accéléré du déploiement de la RNT en France, la région lilloise et une grande partie des Hauts-de-France devraient être couvertes dès le mois d’avril par les premières retransmissions. Elles seront suivies d’ici le mois de septembre par les zones étendues de Lyon et de Strasbourg. C’est à ce moment-là que le seuil des 20 % sera enfin atteint. C’est du moins ce qui devrait arriver si le CSA respecte son « calendrier accéléré ». L’organisme professionnel WorldDAB table sur ce mois de septembre qui sera un tournant industriel pour la RNT. Début 2019 devraient suivre les régions de Rouen et de Nantes (après la sélection des candidatures en janvier 2018), puis vers le milieu de l’année 2019 celles de Toulouse
et de Bordeaux. Quant aux deux prochains appels à candidatures pour de futures nouvelles retransmissions en RNT qui ne débuteront pas avant fin 2020, pour totaliser cette fois 70 % de la population française couverte, ils seront lancés en juillet 2018 pour l’un (Dijon, Poitiers, Pau, Grenoble, Toulon…) et en juillet 2019 pour l’autre (Caen, Clermont-Ferrand, Nancy, Rennes, Montpellier…), portant chacun sur 15 villes et leurs environs. Pour les 30 % restants de la population métropolitaine, il faudra patienter jusqu’en 2022 pour bénéficier des retransmissions RNT, pour peu que les appels à candidatures soient enclenchés l’année précédente. Le président du CSA, Olivier Schrameck (photo), lors de ses vœux du 23 janvier, a bien évoqué le seuil tant attendu des 20 % mais sans être précise sur la période de déclenchement. Et pour cause.
Le CSA n’a pas encore fait connaître sa méthode de calcul de population en RNT permettant de déclarer franchi le seuil de couverture des 20 %. « Le 20 décembre dernier, le Conseil a décidé du lancement d’appels multi-régionaux en 2018 et 2019,
ce qui permettra d’atteindre plus rapidement le seuil de 20 % de couverture de la métropole déclenchant l’obligation d’équipement de tous les récepteurs ». Quand bien même le régulateur de l’audiovisuel aurait trouvé sa méthode, il lui sera difficile de se prononcer sur le taux de couverture de la RNT dès le mois de septembre, une fois les émissions sur Lille, Lyon et Strasbourg démarrées. Car le taux de couverture de la RNT dépend du choix des sites que feront les opérateurs de multiplex, ces derniers ayant des obligations de couverture progressive des allotissements mis en appel et peuvent constituer le réseau de diffusion qu’ils souhaitent. « Dès lors, le taux de couverture ne pourra être connu qu’a posteriori, une fois que les opérateurs de multiplex constitués auront choisi leurs sites », nous avait expliqué Patrice Gélinet en 2016.
Mais la mise en oeuvre industrielle du déploiement des récepteurs RNT va poser un autre problème : celui de la norme que devront intégrer les fabricants dans leurs récepteurs radios et autoradios. En effet, de par la loi française, ils sont obligés d’intégrer dans les dix-huit mois à la suite du seuil déclencheur à la fois la norme DAB+ plébiscitée par les éditeurs de radios mais aussi la technologie T-DMB spécifique à la France et inutilisée ! Imaginez votre radio-réveil doté de deux puces RNT dont l’une moribonde…

T-DMB et DAB+ : deux normes obligatoires ?
C’est d’ailleurs ce qu’avait déjà dénoncé dès 2014 en parlant d’« aberration » (2)
le Syndicat des industriels de matériels audiovisuels et électroniques (Simavelec), fusionné depuis au sein de l’Alliance française des industries du numérique (Afnum). Car dans sa grande bonté, le législateur français a habillé la RNT de deux arrêtés, l’un n’allant pas sans l’autre : l’arrêté du 3 janvier 2008 retenait – il y a dix ans maintenant – la norme technique T-DMB pour la France, tandis qu’un second arrêté du 16 août 2013 modifiant le précédent autorisait – cinq ans après – l’utilisation aussi d’une norme plus populaire en Europe, le DAB+. Ainsi, l’obligation est double pour les industriels qui vont se retrouver avec un surcoût si rien n’est fait pour rectifier le tir. De quoi donner du souci aux membres industriels de l’Afnum qui suit de près la RNT à travers ses deux commissions, « Technique & Services » et « Audio-Vidéo ».

Ne m’appelez plus jamais « RNT »
Quant au Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti), qui réunit 160 radios locales privées, il demande au CSA « d’abord, le retrait de la norme
T-DMB de l’arrêté dit “signal”, et ensuite l’établissement de la méthode de calcul de population en RNT permettant notamment de déclarer franchi le seuil de couverture des 20 %, ce qui permettrait immédiatement la mise en oeuvre industrielle du déploiement des récepteurs ».
Sans attendre le seuil déclencheur, des industriels n’ont pas attendu pour se mettre à la norme. Selon WorldDAB, Jato et l’institut GfK, le nombre cumulé de récepteurs DAB+ vendus à ce jour en France dépasse largement 1,2 million d’unités. Alors que le marché français des « transistors » classiques (les postes de radio) est en recul de près de 10 % sur un an, le segment des récepteurs de radios numériques est, lui, en plein boom avec une croissance annuelle de plus de 20 %. Quant aux autoradios DAB+, ils sont déjà proposés en option par les constructeurs automobiles. Mais si l’on circule hors de Paris, Marseille et Nice, plus de signal numérique. Mais le CSA devrait lancer mi-2018 un appel à candidatures pour deux multiplex nationaux pour couvrir en réception
« outdoor » l’ensemble du territoire et en particulier les grands axes autoroutiers français. Si ce calendrier était respecté, c’est à partir de fin 2019 et début 2020 que les auditeurs conducteurs pourront écouter une station sans interruption et sans réglage durant de longs voyages à travers les routes de France.
Une chose est sûre : le régulateur ne parle plus de T-DMB. Le président du CSA préfère en effet rebaptiser « DAB+ » la radio numérique terrestre, plutôt que de dire
« RNT » – « précisément pour mieux la distinguer de la diffusion hertzienne des services de télévision », la TNT (3). Peut-être aussi pour faire oublier les débuts difficiles et laborieux de la RNT, « alors que sa crédibilité avait été fortement entamée par tant d’analyses sévères, de retards et d’atermoiements et par des expériences jusque-là inégalement satisfaisantes » (dixit Olivier Schrameck lors de ses voeux). Sur la centaine de stations disponibles en DAB+, essentiellement des radios indépendantes ou associative (Radio FG, Latina FM, Skyrock, Sud Radio, MFM, Ouï FM, Nova, etc), force est de constater que les quatre groupes privés nationaux des radios NRJ, RTL Europe 1, et RMC/BFM (entre autres stations) boudent depuis le début les appels à candidatures. Ils craignent une multiplication de l’offre de stations qui constituent pour une nouvelle concurrence, avec le risque d’une baisse de leurs recettes publicitaires. Le gouvernement, lui, a demandé au CSA en novembre 2016 à préempter des fréquences pour Radio France (FIP à Lille et Lyon, Mouv’ à Strasbourg) et pour France Médias Monde (RFI à Lille, Lyon et Strasbourg). Les émissions publiques devraient démarrer en 2018, à moins que les finances publiques et la réforme de l’audiovisuel public ne viennent contrarier cette perspective… Et dire que la RNT avait été promise
– du moins sur les trois premières agglomérations prévues Paris, Marseille et Nice –
« pour fin 2008 » par Nicolas Sarkozy, alors président de la République… Il y a dix ans ; il y a un siècle ! Une décennie et quatre rapports plus tard (Kessler de mars 2011, Tessier de novembre 2009, Hamelin d’octobre 2009 et CSA de 2015), la radio numérique accélère en France à partir de cette année et les trois ans qui viennent.
Et ce, pour le plus grand confort des auditeurs (voir encadré ci-dessous). Reste à savoir si la France rattrapera sont retard « DAB+ » par rapport à ses voisins européens, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse ou les Pays-Bas. La Norvège est le pays le plus avancé après un « Digital Switch Over » (DSO) qui a abouti fin 2017 à l’extinction de la FM (4). La Suisse devrait procéder son DSO entre 2020 et 2024. @

Charles de Laubier

ZOOM

Le DAB+, c’est mieux que la FM
Le Digital Audio Broadcasting amélioré (DAB+) garantit un son numérique de qualité, d’une grande clarté et sans interférences : le signal passe partout et occupe la bande de fréquences VHF, dite « bande III », qui était utilisée par la télévision analogique avant l’avènement de la TNT en 2005. L’écoute est largement améliorée par rapport à la FM.
Cette norme de diffusion numérique permet en outre d’accéder plus simplement aux stations de radio, directement par leur nom. Fini les recherches laborieuses à travers les fréquences. De plus , l’auditeur peut avoir accès à des données associées provenant de la station qu’il écoute : textes d’information affichés sur de petits écrans digitaux pour les postes les plus simples, voire visuels tels que des illustrations d’album, de photo d’un animateur, ou encore d’actualités générales comme la météo ou le trafic routier, à voir sur des postes de radio numérique dotés d’un écran couleur. Le tout : toujours gratuitement comme la FM. Et contrairement aux webradios accessibles sur
IP (Internet), l’écoute du DAB+ a l’avantage de rester entièrement anonyme : pas d’exploitation de données personnelles @