Contenus dans les nuages

Depuis la nuit des temps, il n’est pas de fête qui se respecte sans musique. Vérité immuable, alors même que les moyens techniques permettant à nos ados d’animer leurs soirées n’en finissent pas de muter : du vinyle et son pick-up des années 1960 à la K7 et son Walkman, en passant par le CD et son lecteur, jusqu’aux fichiers MP3 téléchargés sur PC qui permettaient, au tournant des années 2000, de faire défiler des playlists tout au long de la nuit. En 2010, il suffisait d’un quelconque terminal mobile pour « streamer » – par la magie du Cloud – un choix de musiques apparemment infini. Pourtant, l’informatique en nuage est sans doute presque aussi ancienne que l’Internet, puisque la virtualisation à la base du « cloud computing » remonte aux années 1960. Elle consiste à mutualiser sur un même serveur des applications tournant sur des machines différentes. Les hébergeurs et les fournisseurs de services d’applications (ou Application Service Providers) nous ont peu à peu accoutumés à ce nouvel âge de la révolution numérique, en commençant tout d’abord par quelques applicationsphares comme les services de messagerie. Si nous avions encore l’habitude d’archiver sur nos PC des contenus téléchargés auprès de pionniers comme Kazaa, Napster ou encore eMule, les usages précurseurs étaient pourtant déjà là : pourquoi continuer à stocker des fichiers sur son disque dur quand on pouvait y accéder rapidement, à tout moment et d’un seul clic ?

« Le Cloud permet de rechercher dans de larges catalogues, de stocker à distance et d’écouter en streaming : où que l’on soit, sur le terminal de son choix ».

Opérateurs : l’ère des géants

Assis à mon bureau, j’ouvre comme chaque matin le courrier de la nuit d’un ordre vocal bref. Le premier message de la liste, déjà triée par genre, est ma facture mensuelle de communication. L’entête du courriel, au nom de Google Network, me surprend… Aurais-je changé mon abonnement pour choisir un opérateur d’un genre nouveau ? La sonnerie de réveil de mon téléphone, en déchirant les derniers lambeaux de mon rêve, m’apporte une réponse définitive à cette question. Cet épisode singulier me ramène pensif, dix ans en arrière, à une époque où des débats houleux animaient les conférences internationales des acteurs-clés de la filière des télécoms, d’où émergeaient des termes souvent ésotériques pour le commun des utilisateurs : réseaux hybrides, spectre, capex, neutralité, services managés, over-the-top, … De manière plus prosaïque, cela revient à dire que les opérateurs télécoms devaient faire face à des enjeux colossaux : mettre en place parallèlement les réseaux fixes de fibre optique et les réseaux mobiles de 4e génération, assurer la diffusion d’un ensemble de services et de terminaux de plus en plus nombreux et complexes, tout en déployant
des stratégies internationales ambitieuses. Comment s’étonner dès lors que les plus puissants d’entre eux ont rassemblé leurs forces, poursuivant une course à une taille critique sans cesse croissante. Comme s’ils s’abandonnaient à une force centrifuge les poussant sans cesse à la concentration.

« Je viens de souscrire auprès de ma banque habituelle, chef de file d’une de ces nouvelles alliances, la dernière offre septuple-play »