La DGMIC fête ses dix ans le 13 janvier et accueille le 15 janvier Jean-Baptiste Gourdin à sa tête

La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) est née il y a dix ans au sein du ministère de la Culture. C’est la main invisible de toutes les réformes dans ce domaine, dont celle de l’audiovisuel. Après Laurence Franceschini puis Martin Ajdari, c’est au tour de Jean-Baptiste Gourdin de la diriger.

Il est depuis quatre ans l’adjoint du directeur général des médias et des industries culturelles, Martin Ajdari, dont il prend la succession le 15 janvier. Jean-Baptiste Gourdin (photo) devient ainsi le troisième patron de la DGMIC depuis que celle-ci a pris forme le 13 janvier 2010 au sein du ministère de Culture. Depuis une décennie, la direction générale des médias et des industries culturelles est l’épicentre des réformes touchant aussi bien l’audiovisuel, la presse (1), le pluralisme des médias, le livre, la musique, la publicité et les activités multimédias que les services d’information en ligne, l’économie culturelle et l’économie numérique. La DGMIC a en outre pour mission de « suivre » (sans en avoir la tutelle) le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et, même si cela n’est pas explicitement dit dans ses missions (2), le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). C’est en quelque sorte la plaque tournante de la « rue de Valois », le ministère de la Culture, où les projets de loi – à savoir les textes déposés au nom du gouvernement – sont écrits, amendés et peaufinés avant d’être déposés par le Premier ministre (3) devant l’Assemblée nationale ou le Sénat. Ce fut le cas pour le mégaprojet de loi « relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique », qui, après plus de deux ans de gestation, a été présenté en conseil des ministres le 5 décembre dernier et déposé le même jour au palais Bourbon, où le texte sera débattu non pas en février mais en avril.

Tête de pont culturelle et audiovisuelle du gouvernement
Martin Ajdari fut l’artisan de l’ombre de cette grande réforme de l’audiovisuel voulue par Emmanuel Macron, président de la République et grand-ordonnateur du texte, tandis que Franck Riester, ministre de la Culture, en est le porteur, et Edouard Philippe, Premier ministre, le dépositaire. Autant dire que la DGMIC fait office de tête de pont du gouvernement au sein du ministère de la Culture pour mettre en œuvre sa politique culturelle, médiatique et audiovisuelle. Auparavant, la direction du développement des médias (DDM) – que la DGMIC a remplacée il a dix ans – était, elle, rattachée aux services du Premier ministre. Ce changement de tutelle ne change rien à l’affaire, à ceci près que le périmètre d’intervention a été élargi au livre (lecture comprise) et à l’économique culturelle.

Les coulisses de l’actualité normative
Maintenant que Martin Ajdari a quitté le « 182 rue Saint- Honoré » – Immeuble des Bons enfants qu’occupe la DGMIC non loin de la rue de Valois – pour l’Opéra national de Paris, Jean-Baptiste Gourdin (38 ans) prend la relève. Enarque et conseiller référendaire à la Cour des comptes, l’adjoint qui remplissait jusqu’alors les fonctions de chef du service des médias devient le directeur. Depuis 2016, entre cinq mois passés à la sous-direction du développement de l’économie culturelle et quatre ans et demi au service des médias dont il était le chef, il a eu à préparer et à suivre plusieurs textes législatifs comme le projet de loi sur l’audiovisuel (bientôt débattu), celui sur les fausses nouvelles dites fake news (loi contre la manipulation de l’information promulguée en décembre 2018), cet autre sur la lutte contre la haine sur Internet (renvoyé à l’Assemblée nationale le 20 janvier, suite à l’echec de la commission mixte paritaire), ou encore le texte sur la création du Centre national de la musique (loi promulguée en octobre 2019), le CNM étant opérationnel depuis le 1er janvier et sous tutelle du ministère de la Culture et de sa DGMIC.
Dans cette activité normative intense, il fut aussi aux avant-postes de la loi créant un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (promulgué en juillet 2019), et celle modernisant la distribution de la presse, tout en prenant en compte les kiosques numériques (en vigueur depuis octobre 2019). Jean-Baptiste Gourdin a en outre eu à piloter des dossiers transversaux tels que le Pass Culture à 500 euros (seulement 35.000 inscrits de 18 ans sur 150.000 jeunes pourtant concernés dans 14 départements). Les tout premiers dossiers qu’il a eus à traiter rue Saint-Honoré ont été plutôt européens : la nouvelle directive sur les services de médias audiovisuels (SMA), promulguée en novembre 2018 et transposable dans toute l’Europe au plus tard le 19 septembre 2020 ; le règlement ePrivacy bientôt devant le parlement européen, dans le prolongement du RGPD (4) ; les négociations sur le droit d’auteur, dont la directive « sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique » a été promulguée en mai 2019. Est-ce maintenant le calme après la tempête pour Jean-Baptiste Gourdin promu à la tête de la DGMIC ? « Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler de “calme après la tempête”, répond-t-il à Edition Mulimédi@. D’abord parce que l’examen parlementaire du projet de loi audiovisuel promet de fortement mobiliser nos énergies tout au long de l’année 2020, et qu’il faudra ensuite en préparer les textes d’application (5). Ensuite parce que nous sommes également très impliqués dans la mise en œuvre des textes déjà votés : mise en place de la gouvernance du CNM, textes d’applications de la nouvelle loi “Bichet” sur la distribution de la presse, mise en œuvre du droit voisin de la presse avec des discussions compliquées avec Google que nous suivons étroitement, … ». Il rappelle en outre que nombre de textes n’ayant pas les médias pour objet principal accueillent, par voie d’amendement, des dispositions intéressant l’audiovisuel ou la presse.
Au niveau européen, la DGMIC va aussi continuer à avoir du pain sur la planche. « La Commission européenne a mis la question de la régulation des plateformes, qui nous concerne très directement, au cœur de ses priorités », rappelle Jean-Baptiste Gourdin. La révision de la directive « E-commerce », notamment sur la responsabilité des plateformes, promet d’être houleuse. Sur son compte LinkedIn, il revendique une « expertise des enjeux numériques de la culture ». La gestion du spectre hertzien ou encore l’analyse du rôle des algorithmes n’ont également plus de secrets pour lui. Mais ce trentenaire de la génération Millennials est déjà rompu aux chamboulements de l’ère numérique. Avant la DGMIC et un passage de deux ans au CSA comme directeur de cabinet du président (à l’époque Olivier Schrameck), Jean-Baptiste Gourdin fut le coordinateur de la mission « Acte 2 de l’exception culturelle » voulue par François Hollande en 2012 et confiée à Pierre Lescure. Le rapport qui en découla, intitulé « Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique », fut remis en mai 2013 au président de la République décidé à supprimer l’Hadopi. Le rapport Lescure avait donc préconisé de confier la réponse graduée au CSA. « Le principal message politique de la suppression de la Hadopi s’approche bien d’une incitation au piratage », avait dénoncé à l’époque Franck Riester, ancien rapporteur de la loi Hadopi et alors député UMP. Aujourd’hui ministre de la Culture, ce dernier porte le projet de loi de réforme de l’audiovisuel prévoyant… la fusion de l’Hadopi et du CSA – pour former l’Arcom.

Du rapport Lescure aux origines du CNM
Mais les 719 pages du rapport Lescure n’avaient pas suffi, il y a six ans, à mettre d’accord les industries culturelles et les acteurs du numérique (lire EM@80, p. 3). Juste avant de coordonner la mission « Acte 2 de l’exception culturelle », Jean-Baptiste Gourdin fut directeur de l’association de préfiguration du CNM (soutien à la filière musicale). Mais cette première tentative engagée en 2011 fut abandonnée l’année suivante. Huit ans après, le CNM existe enfin. @

Charles de Laubier