La France veut aboutir en 2020 à la signature d’un « contrat de filière commun» aux industries culturelles

Avec des « Etats généraux des industries culturelles et créatives » qui se déroulent de décembre 2019 à mars 2020, le président de la République, Emmanuel Macron, veut faire de l’« exception culturelle » française une filière industrielle à part entière avec la création d’un « comité stratégique de filière ».

La musique, le cinéma, le livre, l’audiovisuel, le jeu vidéo, les créations numériques, les arts visuels, le spectacle vivant, la presse, la radio, l’architecture, … L’objectif du chef de l’Etat est de « structurer les différents secteurs en une véritable filière » (1). Pourquoi ? Parce que tous ces secteurs des industries culturelles et créatives (ICC) sont confrontés à des défis communs, parmi lesquels la révolution numérique, la blockchain (chaîne de blocs) et l’intelligence artificielle (IA). Se posent aussi pour toutes les questions de financement de la création, d’exportation des oeuvres à l’international ou encore de formation.

Faire face à la révolution numérique
« Les secteurs qu’elles représentent en France pèsent 640.000 emplois et 91 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est pour leur faire bénéficier pleinement de ce potentiel économique que nous lançons, les Etats généraux des industries culturelles et créatives (ICC) », a déclaré Franck Riester, ministre de la Culture, le 28 novembre dernier, en présence de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances. D’après le 3e Panorama des ICC, réalisé par le cabinet EY (ex-Ernst & Young), publié le jour même (2), la valeur ajoutée des ICC est de 47,5 milliards d’euros, soit 2,3 % de l’économie nationale – « un poids économique comparable à celui de l’industrie agroalimentaire et 1,9 fois plus important que celui de l’industrie automobile » (dixit EY).
A ceci près que le « chiffres d’affaires » de cette étude commanditée par le lobby des industries culturelles elles-mêmes – France Créative (3), qui dénonce depuis sa création en 2012 un « transfert de valeur » au profit des plateformes numériques (4) – mélange revenus directs et subventions publiques. Ces aides de l’Etat et des collectivités territoriales pèsent tout de même 16,6 milliards d’euros dans le « chiffre d’affaires » des ICC sur l’année 2018. Et encore, cette subvention globale dont bénéficient les industries culturelles ne prennent pas en compte les crédits d’impôts dont elles bénéficient chaque année (5). Par exemple, le crédit d’impôt du jeu vidéo (CIJV) instauré en 2017 fait que près d’un tiers des dépenses de production de ce secteur sont aujourd’hui défiscalisées. Ne sont pas non plus comptées les avances annuelles à l’audiovisuel public (environ 3,9 milliards d’euros via la redevance audiovisuelle) ni les dépenses fiscales en matière de culture et de communication (autour de 1,5 milliard d’euros). Ce montant de 16,6 milliards de subventions publiques exclut également les allocations octroyées dans le cadre du régime des intermittents du spectacle. Dès lors, la comparaison avec d’autres secteurs de l’économie française est sujette à caution.
Mais revenons aux motivations des Etats généraux des ICC, lesquels doivent aboutir à « l’installation d’un comité stratégique de filière en avril 2020 et à la signature d’un contrat stratégique de filière des industries culturelles et créatives [CSF ICC, ndlr] d’ici fin 2020 », sous l’égide d’Emmanuel Macron (photo). Pour préparer cette échéance, le gouvernement a lancé une consultation préalable en ligne (6), à laquelle les professionnels des secteurs culturels concernés ont jusqu’au 31 décembre prochain pour y répondre. La synthèse des contributions sera remise en mars 2020 au président de la République, qui installera le mois suivant le bureau du CSF ICC (bureau composé de 10 à 15 membres représentants du secteur privé, de l’Etat et des organisations syndicales), afin de parvenir à la définition et à la signature du contrat de filière en novembre 2020.
La mise en œuvre du contrat de filière des industries culturelles s’étalera alors jusqu’en novembre 2023. « Les industries culturelles et créatives (…) sont devenues un enjeu majeur pour la compétitivité, l’attractivité et le développement de notre économie. La révolution numérique a largement contribué à l’accélération de ce phénomène et à la profonde mutation du secteur. (…) Dans le même temps, l’ouverture et l’intensification de la concurrence internationale qui en découlent rendent indispensables l’élaboration d’une stratégie nationale concertée », justifie le gouvernement dans sa note explicative (7).

La culture, une industrie comme les autres
Ainsi, à l’instar de dix-huit autres filières telles que l’automobile, l’agroalimentaire, l’aéronautique, la mode & luxe ou encore la transformation & valorisation des déchets qui ont chacune leur propre comité stratégique de filière (CSF), les industries culturelles et créatives sont, elles aussi, appelées par le gouvernement à se regrouper au sein d’un CSF. Et ce, dans le cadre du Conseil national de l’industrie (CNI), créé en 2010 et placé sous la houlette du Premier ministre et du ministre de l’Economie et des Finances. @

Charles de Laubier