La bataille du paiement mobile risque de tourner à l’affrontement entre « telcos » et GAFA/BATX

Le paiement sur la facture de son opérateur mobile est un moyen direct pour régler ses achats en ligne, sans utiliser sa carte bancaire. Mais les GAFA (américain) et les BATX (chinois) concurrencent de plus en plus les partenaires de confiance des « telcos », comme le français Digital Virgo.

PayPal, Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay, AliPay, TenPay, … et bientôt WhatsApp Pay, sans oublier M-Pesa en Afrique. Les solutions de paiement mobile proposés par des acteurs globaux du Net et/ou des fabricants de smartphones se sont multipliées ces dernières années, au risque de faire de l’ombre aux acteurs locaux du paiement dit « sur facture opérateur télécoms » tels que le britannique Bango, l’américain Boku, le japonais Docomo Digital, l’autrichien Dimoco, l’estonien Fortumo ou encore le français Digital Virgo.

Le smartphone à l’assaut de la CB
« Le paiement télécom est devenu une alternative incontournable au paiement par carte bancaire (CB) pour les marchands de biens et services. Plus simple et plus rapide, il se révèle également plus sécurisé dans la mesure où il ne nécessite pas de renseigner les coordonnées bancaires à chaque transaction. Les numéros de carte ou de compte ne circulent pas en ligne et les parcours de paiement sont courts », assure la société Digital Virgo (ex- Jet Multimédia), fondée il y a trente ans par Eric Peyre. Il en est l’actuel président et détient 50,4 % du capital et 50,61 % des droits de vote via sa holding familiale Ioda. Son entreprise, basée à Lyon (1), prépare son introduction en Bourse sur l’Euronext à Paris.
Dans son « document de base » enregistré le 24 avril auprès de l’Autorité des marché financiers (AMF), Digital Virgo fait état d’un chiffre d’affaires de 258,3 millions d’euros en 2018, d’un bénéfice net de 21,1 millions d’euros, et d’un endettement de 55,1 millions d’euros. Objectif : accélérer son développement à l’international, « avec comme priorité le renforcement de ses positions dans les pays d’Afrique et l’accélération de son implantation au Moyen Orient ». Mais le français, déjà présent dans 48 pays, n’est pas le seul à vouloir jouer global sur un marché mondial du paiement mobile en pleine croissance. Au-delà des acteurs locaux (Bango, Boku, Dimoco, …) et des géants du Net en embuscade, des prestataires aux ambitions internationales se développent. C’est le cas du portugais Timwe, spécialiste de la monétisation mobile, présent dans
80 pays (en Amérique Latine et au Moyen Orient). Il travaille avec plusieurs opérateurs mobiles tels Claro, Movistar, Tim, Vodafone ou Orange. Digital Virgo se retrouve également en concurrence avec l’italien Neomobile, fournisseur de monétisation de contenu et de trafic, présent dans 18 pays et partenaire des opérateurs mobile comme Bouygues, Tim, Vivo ou T-Mobile. Partant du constat qu’il y a dans le monde 8 milliards d’abonnements mobile, contre environ 3,7 milliards de détenteurs d’une carte de paiement, les intermédiaires du m-paiement tels que Digital Virgo jouent plus que jamais les intermédiaires – en tant que « partenaire de confiance » – entre les opérateurs télécoms, qui ont un accès direct aux abonnés, et les « marchands »,
qui souhaitent accéder à l’importante base de clientèle des opérateurs télécoms. Ces marchands peuvent être des producteurs de contenus (musiques, vidéos, jeux, …), des médias (télévision, presse, radio, …), des sociétés de billettique (transports, parkings, concerts, …). Les « telcos », eux, peuvent ainsi augmenter leur ARPU (2) et fidéliser leurs abonnés.
La monétisation mobile est encore un marché fragmenté, malgré une certaine consolidation des acteurs à laquelle participe activement Digital Virgo. Il y a  dix ans, son développement a commencé en Europe centrale, avec les acquisitions de Blue Orange en Slovaquie et de I-Play en Pologne. Son implantation se poursuit en 2010
au Brésil, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo. Les années suivantes, les sociétés françaises Cellcast Media et Prizee.com sont rachetées. Parallèlement, Digital Virgo se renforce en Pologne et en Afrique de l’Ouest (3), et fait l’acquisition de Contento Media en Colombie, au Mexique et au Brésil. En 2012, les sites web Paruvendu.fr et Carriereonline.com (de la Comareg) tombent dans son escarcelle (4). Puis, c’est le Pérou et le Mexique. L’année 2016 est une période charnière avec un endettement bancaire (LBO) et un recentrage sur son coeur de métier, tout en s’implantant en Egypte, au Cameroun (acquisition de Mobile Voice System Cameroun) et au Nigéria. Digital Virgo a en outre racheté en 2017 les sociétés Addict Mobile (publicité mobile ciblée) et Rentabiliweb Telecom (interactivité et micro-paiement).

Digital Virgo aux Etats-Unis d’ici fin 2019
L’an dernier, la société DV Urban Convenience a été rachetée par le groupe d’Eric Peyre auprès de Netsize ; Starfish Mobile (Afrique du Sud) et DV Turkey Dijital (Turquie) ont aussi été intégrés. Cette année, une filiale a été créée en Lituanie et
un projet de filiale à Dubaï vient d’être lancé, tandis qu’une implantation aux Etats-Unis est prévue « au second semestre 2019 ». La bataille du « pay » s’intensifie. @

Charles de Laubier