Licence légale applicable aux webradios : tensions avec la SCPP et la SPPF, discussions avec la Sacem

Les webradios veulent bénéficier au plus vite de la licence légale, plus avantageuse. Mais les producteurs de musique (SCPP et SPPF) refusent
ce mode de rémunération pourtant prévu par la loi « Création ». La commission
« rémunération équitable » doit fixer le barème.

Selon nos informations, les groupes NRJ (NRJ/Chérie FM/Rire & Chansons/Nostalgie) et Lagardère Active (Europe1/Europe 2/ RFM/Virgin Radio) ainsi que La Grosse Radio sont parmi les radios qui ont refusé de
signer avec la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) un accord de droit pour leurs webradios. Et pour cause : depuis la promulgation de la loi « Création » le 8 juillet 2016 (1), ces radios sur Internet bénéficient désormais de la licence légale jusqu’alors réservée aux radios de la FM.

Barème de rémunération à fixer
Cette licence légale, créée il y a une trentaine d’années par la loi « Lang » du 3 juillet 1985 sur les droits d’auteur, dite loi « Lang », permet depuis aux radios hertziennes (de la bande FM notamment) de payer une redevance annuelle de 4 % à 7 % de leur chiffre d’affaires – versée à la Spré (2) – pour avoir le droit de diffuser, gratuitement pour les auditeurs, de la musique. Avec la loi « Création », les webradios peuvent à leur tour bénéficier de cette licence légale au lieu d’avoir à négocier un accord avec chaque société de gestion collective des droits d’auteurs (non seulement la SCPP et la SPPF, mais aussi l’Adami (3) et la Spedidam (4)). L’article 13 de la loi « Création » modifie
le fameux article L. 214 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dans lequel il est désormais ajouté que « lorsqu’un [morceau de musique]a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer public… à sa communication au public par un service de radio » – et non plus seulement en radiodiffusion (hertzien) et par câble.
Mais cette extension n’est pas du goût de la SCPP ni de la SPPF qui contestent
cette disposition et affirment que leurs contrats avec les éditeurs de webradios sont
à renouveler, d’où des relations quelque peu tendues. La SCPP – le bras armé du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) représentant les majors de la musique (Universal Music, Sony Music et Warner Music) – menace même d’utiliser
la voie judiciaire de la « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) pour obtenir du Conseil Constitutionnel la censure de l’article qu’elle conteste plus que jamais (5). Maintenant que des éditeurs de webradios tels que NRJ, Lagardère Active ou La Grosse Radio ont refusé de signer un contrat, le conflit est maintenant ouvert. D’autant que le barème de rémunération des ayants droits au titre de la licence légale applicable au webcasting n’est pas encore établi. « Dans l’attente de cette entrée en vigueur, le régime juridique des droits exclusifs continue de s’appliquer », estime par exemple la SCPP qui entend dans les prochains mois continuer à autoriser et percevoir auprès
des webradios les redevances – aux conditions qu’elle accordait jusqu’à présent dans le cadre de ses contrats de droits exclusifs. Or ce barème de rémunération et les modalités de versement de cette rémunération sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l’Etat. Cette commission dite de « rémunération équitable » (6), qui est présidée depuis le 13 février dernier par Célia Vérot (photo), conseillère d’Etat (7), s’est récemment dotée d’une « formation spécialisée des services de radio sur Internet » (8) où sont représenté les « bénéficiaires du droit à rémunération » (SCPP, SPPF, Spedidam, Adami) et les « représentants des utilisateurs de phonogrammes » (Geste, Sirti, SNRL, SRN).
Une première réunion s’est tenue au mois de mars pour entamer les discussions ou débuter les hostilités, c’est selon. « Il s’agit d’éviter d’avoir des tarifs qui explosent et
de mettre en place l’ensemble des dispositifs de remise qui existent en FM pour les calquer sur les différentes activités, sachant que de plus en plus de webradios proposent des contenus qui ne sont pas seulement musicaux », a expliqué Xavier
Filliol devant des membres du Groupement des éditeurs de contenus et de services
en ligne (Geste), où il est co-président de la commission « audio digital ». Au sein de
la commission « rémunération équitable », il est cette fois suppléant de Cécile Durand (Lagardère Active) pour le Geste.

Contrat-type avec la Sacem
Par ailleurs, les éditeurs de webradios négocient avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) un contrat-type pour les webradios commerciales. Ces dernières tentent d’obtenir des taux de rémunération du droit d’auteur inférieurs à ceux pratiqués – actuellement 12 % du chiffre d’affaires pour les webradios, alors que c’est moitié moins pour les radios FM. Cette différence de traitement entre radios sur la FM et radios sur Internet apparaît injustifiée. Les discussions se poursuivent. @

Charles de Laubier