L’arrêt de Megaupload en janvier 2012 a contrarié deux plaintes importantes instruites en France

Qui a-t-il de commun entre la plainte du 9 mai 2011 de la société Cogent contre Orange devant l’Autorité de la concurrence et l’assignation du 30 novembre 2011 des syndicats APC-FNDF-SEVN devant le tribunal de grande instance de Paris ? Pas grand-chose à part… feu Megaupload.

Par Charles de Laubier

En attendant de renaître de ses cendres sous le nom de Megabox (1), l’arrêt manu militari de Megaupload le 19 janvier 2012 a contrarié deux procédures juridictionnelles qui étaient enclenchées depuis la fin de l’an dernier en France. D’une part, il s’agit de
la plainte du 9 mai 2011 de la société Cogent contre Orange devant l’Autorité de la concurrence pour abus de position dominante dans l’interconnexion de flux Internet.

Les deux procédures se poursuivent
D’autre part, cela concerne l’assignation déposée le 30 novembre 2011 par les ayants droits APC-FNDF-SEVN devant le TGI de Paris pour exiger que les FAI (2) et les moteurs de recherche (3) respectivement bloquent et dé-référencent les sites web Allostreaming (4) pour cause de piratage. Selon nos informations, les deux procédures
se poursuivent.La société Cogent devrait en effet faire appel – d’ici le 20 novembre – devant la Cour d’appel de Paris contre la décision de l’Autorité de la concurrence. Les sages de la rue de l’Echelle ne voient pas d’abus de position dominante lorsque France Télécom veut faire payer à Cogent l’acheminement du trafic vidéo. Les syndicats APC (cinéma) et SEVN (vidéo), eux, indiquent à Edition Multimédi@ que leur assignation « suit son cours » malgré l’arrêt de Megaupload et de son site affilié Megavideo, lesquels alimentaient en grande partie Allostreaming. Dans ces deux affaires, en effet, Megaupload s’avère être à l’origine de tous les maux. En effet, ce méga site d’hébergement créé en 2005 (5) a provoqué : dans le cas de Cogent, une explosion de trafic vidéo, qui était son diffuseur de contenus auprès des différents FAI français au moment des faits ; dans le cas de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), une recrudescence de piratages de films constatés au détriment des trois syndicats professionnels du cinéma et de la vidéo.
En arrêtant le site de streaming et de direct download Megaupload, alors comptant près
50 millions d’utilisateurs et générant près de 5 % du trafic vidéo mondial, l’essentiel des problèmes à l’origine des deux plaintes en France s’effondrait aussi. Selon Médiamétrie, Megaupload enregistrait sur l’Hexagone près de 5 millions de visiteurs uniques en novembre 2011.

Quid de la neutralité de l’Internet ?
Concernant l’affaire « Cogent contre Orange », on peut se demander si l’Autorité de la concurrence n’aurait pas au contraire condamné France Télécom si les contenus de Megaupload avaient continué à ne pas aboutir jusqu’aux abonnés d’Orange en violation du principe de neutralité du Net. Dans le cas de l’affaire « APC-FNDFSEVN contre les acteurs du Net », on peut se demander là aussi si l’affaire instruite par le TGI de Paris n’a pas perdu de sa substance depuis la disparition de la « galaxie Allo » en janvier, dans la foulée de l’arrêt de Megaupload à laquelle elle donnait accès via des annuaires de liens. Que pesait au juste la plate-forme de Hong-Kong dans ces deux affaires françaises ? Selon la décision de l’Autorité de la concurrence du 20 septembre, le ratio limite de « 2,5 pour 1 » – au-delà duquel France Télécom demande à ce qu’un accord de peering « gratuit » (échange de trafic sans facturation avec un acteur du Net comme Cogent) devient payant – avait été largement franchie. En décembre 2009, ce déséquilibre de trafic « au détriment » d’Orange avait atteint un ratio de « 13 pour 1 » ! « Mais depuis l’arrêt de Megaupload en janvier, il n’y a plus eu de problème », nous a-t-on indiqué du côté de la rue de l’Echelle. Quant à l’assignation du 30 novembre 2011, elle visait indirectement Megaupload – à l’instar de Megavideo ou de VideoBB – dans la mesure où ce pionnier du « cloud computing » grand public « ne pouvait pas faire utilement l’objet de demandes dans le cadre de la présente procédure » (6). « En effet, expliquent les trois syndicats du cinéma et de la vidéo, il a été constaté que l’internaute n’est pas en mesure d’accéder directement aux contenus contrefaisants stockés et se voit contraint de passer par des sites [d’annuaires] de liens » (7).

Malgré l’arrêt de Megaupload en janvier
En outre, l’Alpa n’a pas été capable de distinguer les fichiers illicites des œuvres légales sur Megaupload. Résultat : c’est les annuaires de liens du « réseau Allostreaming » qui a été visé par la France. Mais Les Etats-Unis seraient, en quelque sorte, venus couper l’herbe sous le pied des ayants droits français. Le trio APCFNDF- SEVN – épaulé par l’Alpa – s’était d’ailleurs retrouvé au TGI de Paris le 26 janvier pour s’interroger sur la suite à donner à la procédure après l’arrêt de Megaupload (8). Finalement, elle suit son cours. L’affaire « Cogent contre Orange » n’est pas finie non plus. @