Steve Crossan, Google : « Etant basé à Paris, l’Institut culturel aura une touche un peu plus européenne »

L’Institut culturel que dirige Steve Crossan sera complètement opérationnel l’été prochain. Conforme à l’ambition mondiale de Google, il met en ligne photos, films, sons, documents ou encore manuscrits. Il en assure aussi la protection et laisse le contrôle total à ses partenaires culturels.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Quelle est la mission et quelles sont les dernières créations de l’Institut culturel de Google ?
Steve Crossan :
L’Institut culturel a pour mission de développer des solutions d’hébergement, de visualisation et de numérisation, pour aider nos partenaires à promouvoir et préserver la culture en ligne. Son objectif est de développer – en partenariat avec les institutions culturelles de différents pays – une plateforme d’ingénierie et de produits afin de favoriser la conservation et l’accès aux contenus culturels à travers le monde. Ainsi,
en France par exemple, nous avons conçu décembre dernier – en partenariat avec le Pavillon de l’Arsenal – la plus grande maquette numérique au monde représentant le Grand Paris en 2020 grâce à Google Earth et à des modélisations des bâtiments en 3D. Le tout est visible sur 48 écrans de l’outil de visualisation Liquid Galaxy.
Nous sommes également partenaires de l’exposition « la France en relief » qui se tiendra le 18 janvier prochain au Grand Palais. Nous avons ainsi relevé le défi – avec des entreprises françaises expertes en numérisation, notamment Aloest et Westimages –
de numériser et mettre en ligne certains plans reliefs (datant du XVII au XIXe siècle)
des principales villes fortifiées françaises.?

EM@ : Quand cet Institut culturel – annoncé en septembre 2010 – sera-t-il installé
et pourquoi Google a-t-il choisi Paris pour l’établir ?
S. C. :
Nous avons choisi d’établir à Paris cet Institut culturel, lancé en avril 2011,
pour porter ce projet ambitieux au-delà du monde anglophone. En tant que carrefour incontournable de la création, de l’innovation et du rayonnement culturel, Paris était un choix évident. L’espace physique de l’Institut culturel, qui se situera rue de Londres, au sein du bureau parisien de Google, sera en place et totalement opérationnel à l’été 2012.

« Il ne s’agit pas seulement de numérisation mais de trouver des solutions d’hébergement et dediffusion des contenus déjà numérisés permettant aux propriétaires
de ces contenus de conserver un contrôle total sur la publication. »

EM@ : Cet Institut culturel a été présenté comme étant européen, puis Google lui
a donné une envergure mondiale. Est-il plus américain qu’européen ?
S. C. :
Mondial ne signifie pas américain ! Le fait que nous soyons en France donnera probablement à l’Institut culturel une touche un peu plus européenne, mais notre objectif est de rendre accessible au plus grand nombre toutes les cultures du monde sans se soucier des frontières géographiques.

EM@ : Sur une soixantaine d’ingénieurs du centre de R&D, combien y seront affectés ? Est-ce suffisant ? Ingénieurs et culture : est-ce compatible ?
S. C. :
Le centre de R&D de Google France comptait au début de l’année six ingénieurs ; ils sont aujourd’hui plus de dix fois plus nombreux. Et l’Institut culturel, qui compte à ce jour une équipe d’une vingtaine d’ingénieurs et chefs de produit, en fait partie. Il s’agit d’un rythme de croissance très rapide. Or il n’est pas forcément facile d’embaucher autant
de personnes et de s’organiser si rapidement, mais nous n’avons pas terminé. Nous continuerons de nous agrandir au cours de l’année 2012.

EM@ : Après la mer Morte, le musée Yad Vashem, le Art Project et le « Liquid Galaxy » à Paris, quels sont les autres outils et services que lance l’Institut culturel pour préserver et diffuser la culture en ligne ? L’Institut culturel va-t-il aussi numériser livres, magazines et documents ?
S. C. :
Nous allons étendre les services et outils Google déjà existants pour permettre à nos partenaires d’en bénéficier, à travers de nouveaux formats. Nous laissons à Google Livres la numérisation des livres. L’Institut Culturel se concentrera davantage sur la photo, les archives de films, les sons, les documents ou encore les manuscrits. Il ne s’agit pas seulement de numérisation mais de trouver des solutions d’hébergement et de diffusion des contenus déjà numérisés permettant aux propriétaires de ces contenus de conserver un contrôle total sur la publication.

EM@ : L’Institut culturel va-t-il œuvrer pour le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre piratage des œuvres sur Internet ? Comment va-t-il y contribuer concrètement ? Travaillera-t-il (avec YouTube) sur les empreintes numériques de contenus vidéo et audio avec Content ID ou une autre technologie ?
S. C. :
Google a développé de nombreux projets et technologies qui contribuent à résoudre les problématiques de piratage sur Internet. C’est le cas notamment de Content ID, le système d’identification numérique de contenu développé par YouTube. Pour les services et produits que nous lançons, nous proposons à nos partenaires qui le souhaitent, des fonctionnalités permettant de lutter contre le pillage de contenu ou
le marquage numérique. Vous en saurez davantage à ce sujet dans quelque temps.

EM@ : Le 7 décembre, Eric Schmidt a déclaré à Libération que « si les Français veulent faire participer Internet au financement de la culture, je n’ai pas de problèmes avec ça ». Cela veut-il dire que le projet de taxe Google n’aurait pas dû être abandonné par la France ? L’Institut culturel va-t-il lutter contre le dumping fiscal qui pénalise la culture en ligne ?
S. C. :
Je ne suis pas sûr que ce soit à l’Institut culturel de répondre à cette question. Notre rôle dans cet écosystème est de créer des produits et des services qui permettent à la fois de répondre aux besoins du secteur de la culture et d’offrir la meilleure expérience possible aux utilisateurs.?

EM@ : Google a indiqué mi-octobre travailler dans le monde avec plus de 50.000 partenaires médias, auxquels Google News a reversé jusqu’à présent plus de
6 milliards de dollars. Dans quels modèles économiques, Google/YouTube et l’Institut culturel vont reverser de l’argent aux partenaires culturels ? Quels
liens voyez-vous entre culture et publicité ?
S. C. :
Comme vous le mentionnez, Google et YouTube soutiennent un grand nombre de créateurs de contenus, pas seulement à travers la publicité mais également à travers des produits comme OnePass, qui est une solution de paiement développée par Google pour les éditeurs désireux de faire payer leurs contenus numériques. YouTube a en effet contribué à créer un écosystème grâce auquel une nouvelle génération de créateurs
de contenus est capable de gagner sa vie.
L’objectif premier de l’Institut culturel n’est pas de trouver de nouvelles sources de revenus pour les créateurs de contenus. Notre travail s’adresse davantage aux conservateurs de musées et institutions culturelles qui cherchent un moyen de mettre
en ligne leurs contenus pour les rendre disponibles à un large public, tout en gardant
le contrôle. Nous n’excluons pas pour autant de développer, à l’avenir, des solutions technologiques visant à générer des nouvelles sources de revenus, mais ce n’est pas notre priorité pour l’instant. @