Jeux vidéo : industrie culturelle sans droits d’auteurs

En fait. Le 24 septembre, les sénateurs André Gattolin et Bruno Retailleau ont publié leur rapport sur les jeux vidéo. Pour soutenir ce secteur, ils prônent une
taxe sur les jeux vidéo vendus en boîte sur support physique en France. Mais cette « industrie culturelle » peut-elle se passer de droits d’auteurs ?

En clair. Oeuvre logicielle ou oeuvre culturelle ? Pour les deux sénateurs, le jeu vidéo relève d’une industrie culturelle (1), d’ailleurs plus importante – avec 53 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2012 dans le monde, selon l’Idate – que le cinéma et la musique. En France, d’après le SNJV (2), le jeu vidéo pèse 3 milliards d’euros, contre 1,3 milliard pour le cinéma, 1,2 milliard pour la vidéo et 617 millions d’euros pour la musique.
« Le jeu vidéo constitue la première industrie culturelle en Europe. (…) La Commission européenne en a consacré le caractère culturel dans une décision de 2007 relative aux aides d’État », soulignent les sénateurs.

Mais ils déplorent que cette industrie culturelle du jeu vidéo soit, elle, dépourvue de droits d’auteurs. « [Nous avons] un seul regret : l’application du droit d’auteurs au jeu vidéo aurait pu permettre de lui donner un attribut symbolique des industries culturelles et la reconnaissance institutionnelle tant attendue par le secteur. Peut-être peut-on envisager que les récents accords signés avec la Sacem [en 2012 au profit des compositeurs de musique de jeux, rémunérés en droits d’auteurs, ndlr] en application, en quelque sorte, de la jurisprudence Cryo, trouveront à terme une équivalence pour les autres composantes du jeu ». L’arrêt Cryo du 25 juin 2009 a affirmé en effet la cohabitation de plusieurs régimes de droits d’auteur en fonction des différentes composantes du jeu : graphisme, musique, logiciel et narration. En attendant, à l’heure où le marché des jeux vidéo prend de l’ampleur en ligne au détriment des ventes de boîtes, l’« absence de régime juridique » sur fond « d’instabilité jurisprudentielle » perdure. « Le débat sur l’application du droit d’auteur aux jeux vidéo n’a jamais cessé, en raison du souhait de certaines sociétés de gestion collective, et notamment la SACD (3) [assimilant le jeu vidéo à une oeuvre audiovisuelle, ndlr] de bénéficier des revenus générés par cette industrie ».

Malgré un compromis trouvé en septembre 2012 (cession de droits contre rémunération proportionnellement aux résultats), les acteurs du jeu vidéo et le SNJV ont rapidement renoncé au droit d’auteurs – lui préférant l’intéressement des salariés. Le SELL (4), lui, demande de « ne pas alourdir le cadre règlementaire et fiscal ». Mais avec l’explosion
des jeux vidéo sur Internet et applis mobile, le débat pourrait être relancé. @