Pierre-François Racine, nouveau président du CSPLA, a déjà la tête dans les « nuages »

Les « nuages » s’amoncèlent au-dessus du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), dont Pierre-Français Racine vient d’être nommé président. Son projet d’avis sur « l’informatique en nuage » est contesté. La séance plénière
du 23 octobre s’annonce houleuse.

(Depuis la parution de cet article, le CSPLA a rendu son avis consultatif le 23 octobre 2012 et a adopté le rapport correspondant. La balle est dans le camp du gouvernement)

C’est un casse-tête. Réactivé il y a un peu plus d’un an maintenant, après trois ans de mise en sommeil, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) voudrait adopter lors de
sa prochain séance plénière du 23 octobre – qu’ouvrira la ministre Aurélie Filippetti – un projet d’avis sur « l’informatique en nuage » qui est vivement contesté par les opérateurs télécoms et les acteurs du Web. Mais, selon nos informations, le remplacement récent – par arrêté du 2 octobre – de Sylvie Hubac, devenue directrice de cabinet du chef de l’Etat, par Pierre-François Racine (notre photo), conseiller d’Etat,
à la présidence du CSPLA pourrait retarder l’adoption de cet avis qui est accompagné d’un rapport.

Apple, Amazon, Google, Orange, SFR, …
Que dit en substance l’avis du CSPLA ? « Les copies faites dans le cadre d’un service
de cloud computing ne peuvent bénéficier du régime de l’exception de copie privée et doivent donc faire obligatoirement l’objet – de la part des prestataires de ces “nuages informatiques” – de demandes préalables systématiques auprès des ayants droits ». Autrement dit : les Apple, Amazon, Google et autres Dropbox, ainsi que les centrales numériques des opérateurs télécoms Orange, SFR ou encore Bouygues Telecom (1), auraient une responsabilité nouvelle vis-à-vis des ayants droits. En effet, ces derniers
ne reconnaissent pas que les copies réalisées par un prestataire de cloud computing
et de stockage – pour le compte d’utilisateurs qui possèdent les fichiers d’œuvres – puissent entrer dans le cadre de l’exception de copie privée.
Si cet avis ne se prononce pas sur une taxe copie privée que les ayants droits souhaitent voir appliquée aux « nuages » (2), il tente en revanche de trancher une autre question tout aussi épineuse : celle du régime de l’exception de copie privée, laquelle autorise un utilisateur à faire des copies d’une oeuvre – musiques, films, journaux, radios, chaînes, livres, vidéos, photos, dessins, etc. – sans qu’il ait à demander l’autorisation aux ayants droits et/ou à payer en plus pour ces copies (3). Or, aux yeux des industries culturelles, il n’y a pas de « partage » – c’est-à-dire pas de « mise à disposition du public » (4) – mais uniquement du « stockage ». En conséquence, affirme le CSPLA, ceux qu’il appelle les « purs services de casier » ne peuvent bénéficier du statut d’hébergeur. Ce statut aménagé par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (loi dite LCEN) devrait en effet – revendiquent
les opérateurs télécoms et les plateformes du Web – leur accorder une responsabilité limitée en tant qu’hébergeurs, lesquels ne sont tenus responsables de piratage en ligne – et a fortiori des copies illicites – que si les contenus contrefaits leurs sont signalés par notification (5). Ainsi, les prestataires de nuages
– à l’instar des sites de partage vidéo comme YouTube ou Dailymotion (6) (*) (**)
– n’ont aucune obligation de contrôle préalable des contenus stockés chez eux et encore moins de filtrage ou de blocage généralisé des œuvres non autorisées. Contactée  par Edition Multimédi@, l’Association des services Internet communautaires (Asic)  – réunissant notamment Google, Microsoft, Yahoo, Dailymotion, Myspace, Spotify ou encore AOL – s’inscrit en faux contre l’avis du CSPLA : « Il n’entre pas dans cette mission du CSPLA de débattre à nouveau du statut des intermédiaires de l’Internet. L’interprétation adoptée par la commission [« Informatique en nuage »]
est totalement contraire aussi bien à l’esprit qu’à la lettre de la directive européenne “Commerce électronique” et même de la LCEN. Expliquer que les personnes qui stockent des fichiers pour le compte de tiers ne seraient pas des hébergeurs est, par définition même, une aberration », s’insurge Benoît Tabaka, secrétaire général de l’Asic et responsable des relations institutionnelles de Google France. L’Asic rejoint ainsi
la Fédération française des télécoms (FFT) qui, dans un courrier daté du 2 octobre adressé à l’avocat Jean Martin (président de la commission « nuage » du CSPLA) et révélé par notre confrère PC INpact (7), estime « extraordinaire » que cette instance juridique parapublique puisse remettre en cause le statut d’hébergeur.

La balle dans le camp d’Aurélie Filippetti
Le rapport et le projet d’avis, concoctés par la commission « Informatique en nuages », ont été transmis le 28 septembre à la cinquantaine de membres titulaires qui la composent (sans parler d’autant de suppléants…) pour recueillir leurs dernières remarques avant que le tout ne soit remis à la ministre de la Culture et de la Communication. @

Charles de Laubier