Vincent Dureau fut le grand absent du lancement en France de la Google TV, dont il est le « père »

Intervenu le 18 septembre à Paris lors de la première grande démonstration de la Google TV, dont il est le directeur des partenariats pour l’Europe, Christian Witt a donné le 27 septembre le coup d’envoi en France de la « box Internet » de Sony qui va déchaîner la télévision et le PAF.

Vincent Dureau

Le paysage audiovisuel français (PAF) s’en remettra-t-il ? Le coup d’envoi de la commercialisation de la Google TV a été donné le 27 septembre par le japonais Sony. La France est ainsi le deuxième pays en Europe – avec l’Allemagne et les Pays-Bas – à commercialiser la box audiovisuelle intégrant le système d’exploitation Android, l’accès optimisé à YouTube, le navigateur Chrome et la boutique Google Play. Et ce, après la Grande-Bretagne et l’Australie en juillet, et avant le Brésil et le Mexique en octobre. Le sud-coréen Samsung vise lui aussi l’Europe. « La Smart TV avec Google TV sera lancée d’ici la fin de l’année, avec les contenus premium de Samsung Apps », nous a indiqué Christian Witt, directeur des partenariats Google TV pour la région EMEA (1).
Ailleurs, d’autres fabricants se partagent les rôles. Aux Etats-Unis, le sud-coréen LG commercialise depuis juin et l’américano-taïwanais Vizio depuis juillet. Au Canada, Mexique et Brésil, c’est pour bientôt. Quant au chinois Hisense, il se lancera en Amérique du Nord cet automne et en Asie ensuite.

Sony ne donne pas d’objectifs de ventes…
Ironie de l’histoire, le « père » de la Google TV est un Français ! Il s’agit du très discret Vincent Dureau (notre photo) qui est à l’origine du projet depuis qu’il a rejoint la firme de Mountain View dans la baie de San Francisco. Ex-ingénieur ENST (2) chez Thomson durant dix ans, c’est lui qui avait ensuite co-fondé en 1994 OpenTV – pionnier franco-américain des décodeurs TV interactifs. Mais il a brillé par son absence en France pour le lancement… Après l’échec de la première version de la Google TV lancée aux Etats-Unis il y a deux ans, où Sony, Intel et Logitech ont essuyé les plâtres, Vincent Dureau espère enfin être récompensé de sept ans d’efforts.
En Europe, la petite box Internet de Sony – la NSZ-GS7 de 20 cm sur 15 – est commercialisée avec ou sans lecteur Blu-Ray, 199 euros, accompagnée d’une télécommande recto-verso (clavier d’un côté) et gyroscopique (pour en faire une manette de jeux). « Nous ne divulguons pas nos objectifs de ventes », a nous répondu Philippe Citroën, DG de Sony France, en marge de la présentation du 27 septembre (lire aussi ci-contre). C’est sans doute pour ne pas gêner le lancement européen de la box TV de Sony que, le 31 juillet, le géant du Net a reporté à une date indéterminée de sa sphère Nexus Q, laquelle, connectée à un téléviseur, permet d’y diffuser des contenus multimédias (films, séries, musiques, télévisions, …).

Convaincre publicitaires et partenaires
Edition Multimédi@ a par ailleurs demandé à Christian Witt si Google envisageait de lancer sa propre « Nexus TV », comme cela est fait depuis cet été avec la tablette Nexus
7 ou après la tentative avortée du smartphone Nexus One il y a deux. « Non, ce n’est pas prévu. Nous nous appuyons sur nos différents partenaires industriels qui intègrent Android et Google TV », nous a-t-il répondu en marge de la première grande démonstration en France de la Google TV, le 18 septembre devant un parterre de
150 professionnels de la publicité (annonceurs et agences) réunis sur le thème de la convergence.
« La télévision va rester le premier écran grâce à l’intégration d’Android et de Google Play, et à la facilité d’usage offerte. Le téléspectateur pourra interagir avec son téléviseur à partir de son smartphone ou sa tablette (3), laquelle devient le second écran TV », leur a expliqué Christian Witt. Google TV joue l’ouverture avec sa nouvelle plateforme Android TV proposée gratuitement aux fabricants – comme il le fait pour les smartphones auprès des fabricants de mobiles – et des développeurs d’applications. Google Play prélève 30 % de commission sur les ventes.
En France, les premiers partenariats avec des fournisseurs de contenus ont été conclus avec non seulement France Télévision, France 24 et Euronews, mais aussi une multitude d’éditeurs tels que AuFeminin (Axel Springer), Universal Music (Vivendi), Télé 7 Jours (Lagardère), Dailymotion (France Télécom), MySkreen (Frédéric Sitterlé), 20 Minutes (Schibsted), ou encore QooQ (Unowhy). Mais derrière la Google TV, il y a la puissance de feu de YouTube qui ambitionne de concurrencer les chaînes de télévision en lançant ses propres chaînes thématiques et des programmes exclusifs.
C’est l’effet « GooTube » (4) ! Le bouquet TV du géant du Net doit être lancé en France « avant fin 2012 », comme l’a indiqué le DG de Google France, Jean-Marc Tassetto. AuFeminin en ferait partie, tout comme le producteur Endemol, l’agence Capa, Kabo Productions ou encore 3e OEil Productions.

« GooTube » affole le PAF
YouTube achète chaque programme original jusqu’à 1 million d’euros, puis partage les recettes publicitaires (5). Pour mesurer l’audience « multi-écran », Google s’est associé à Médiamétrie pour lancer un panel en avril 2013. Les fameux Original Programming lancés aux Etats-Unis sur YouTube Channels drainent déjà plusieurs millions de téléspectateurs, parfois plus que des chaînes traditionnelles américaines. En mai 2011, Google avait annoncé qu’il consacrerait 100 millions de dollars dans des contenus audiovisuels exclusifs.
L’investissement de Google dans la production audiovisuelle est un tournant historique pour le PAF. D’autant qu’en France, plus que partout ailleurs dans le monde, les groupes privés de télévision craignent l’arrivée de ce nouvel entrant Over-The-Top (OTT). Contrairement à France Télévisions, les TF1, M6 et Canal+ – ainsi que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) avec lesquels elles veulent préserver leur écosystème fermé IPTV (6) – ne cessent de dénoncer un « Internet non régulé » et la « concurrence déloyale » que représentent ces acteurs du Net « venus de l’étranger » et non soumis aux mêmes règles en termes de financement de la création et de fiscalité numérique. Ils en appellent aux pouvoirs publics pour imposer aux nouveaux venus de la TV connectée et de la VOD implantés en dehors de l’Hexagone les mêmes obligations et taxes qui pèsent sur eux (7). Et concernant la « taxe Google 2.0 » (sur les régies publicitaires du Net), Jean-Marc Tassetto nous a répondu en marge de la conférence du 18 septembre que « taxer la publicité en ligne va pénaliser les PME qui créent des emplois en France » et « que [ses] équipes [des Affaires publiques] discutent actuellement » avec son auteur Philippe Marini, le président de la commission des Finances du Sénat…

TV connectée : livre vert européen fin 2012
Par ailleurs, Google participe – contrairement à Apple – aux réunions confidentielles de la Commission de suivi des usages de la TV connectée mise en place par le CSA (8), lequel doit – selon nos informations – dresser un premier bilan des travaux « à l’automne » à l’issue de la prochaine plénière prévue « vers la Toussaint ». Tandis que la Commission européenne publiera un livre vert sur la TV connectée « avant la fin de l’année ». Quant à la Cnil (9), elle compte publier à l’automne un guide des bonnes pratiques de la TV connectée… @

Philippe Citroën, DG de Sony France :
« Les discussions se poursuivent avec TF1 et M6 »

Interrogé par EM@ sur l’absence dans le bouquet Google TV de TF1 et M6, pourtant présentes sur respectivement Google Play et les téléviseurs connectés Bravia de Sony, le patron de Sony a répondu que « les discussions se poursuivent avec elles ». Depuis la charte « TV connectée » signée par les seules chaînes le 19 octobre 2010, « un désaccord persiste sur l’utilisation de la surface de l’écran » (pas de surimpression sur leurs programmes). Par ailleurs, selon nos informations, TF1 – qui a perdu le 29 mai dernier contre YouTube – va faire appel. @

Les opérateurs télécoms prônent la TV sur fibre

En fait. Le 3 octobre, lors du colloque organisé par l’association des opérateurs télécoms historiques (Etno) et le Financial Times, la commissaire européenne Neelie Kroes a lancé l’idée de réduire les revenus des réseaux de cuivre d’un opérateur historique s’il n’investit pas dans la fibre optique.

 En clair. Les opérateurs historiques n’apprécient guère la menace de Neelie Kroes.
Par la voix de leur association de lobbying basés à Bruxelles, Etno (1), ils estiment
que baisser les prix de leur boucle locale freinerait leur investissement dans la fibre.
Les France Télécom, Deutsche Telekom et autres Telecom Italia en appellent plutôt à
la Commission européenne pour « encourager la demande » pour les réseaux très haut débit et notamment pour « encourager la migration de la télévision de plateformes [de diffusion] terrestres vers les réseaux haut débit dont la fibre, ou vers les réseaux mobile/satellites lorsque la fibre n’est pas disponible ».
Pour le président de l’Etno, Luigi Gambardella, « la TV-over-fiber sera la killer application pour encourager la demande pour les réseaux de fibre ». Basculer la télévision sur fibre permettrait en plus, selon les opérateurs historiques, de libérer des fréquences pour les réseaux mobile ou sans fil. Le problème est que la demande en fibre reste poussive :
4,1 millions d’abonnés dans les Vingt-sept, sur les 23,4 millions de raccordement déployés, selon une étude de l’Idate pour le FTTH Council Europe (EM@43, p. 5).

30 Mbits/s au moins par Européen d’ici 2020
L’objectif communautaire – que tous les Européens aient au moins 30 Mbits/s d’ici 2020, dont la moitié à 100 Mbits/s – semble hors d’atteinte. Mais la Commission européenne ne désarme pas. La commissaire européenne en charge du numérique propose donc de faire d’une pierre deux coups : baisser les prix « trop élevés » du dégroupage des opérateurs historiques, sauf « dérogation » faite aux opérateurs historiques qui investiraient suffisamment dans un réseau de fibre optique et dans
un temps raisonnable. Pour les opérateurs historiques récalcitrants, l’exécutif européen envisage de réduire le prix de location de la paire de cuivre.
Neelie Kroes, dont l’objectif est d’inciter à terme au remplacer (switch-off) le cuivre
par la fibre (2), constate en outre que les régulateurs nationaux divergent lorsqu’il s’agit de définir les « tarifs orientés vers les coûts » d’accès à la boucle locale de cuivre des opérateurs historiques. Le dégroupage du réseau téléphonique – c’est-à-dire sa location par les opérateurs concurrents ou fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – varie en effet de 5,21 euros à 12,41 euros par mois, selon les Etats membres. Bruxelles lance une consultation publique jusqu’au 28 novembre. @