« Build-up » de Fimalac depuis 2013, Webedia va avoir 15 ans mais sa rentabilité dépend des GAFA

Cofondé il y a près de 15 ans, Webedia – initialement éditeur de Purepeople et de Puretrend – a crû à coup d’acquisitions (Terrafemina, Allociné, Jeuxvideo.com, 750g, Talent Web, Easyvoyage, …) moyennant 350 millions d’euros à ce jour. Mais la fin des cookies déstabiliser le groupe.

Webedia, la « pépite » du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, fondateur de la holding Fimalac qui en a pris le contrôle il y a plus de huit ans, peut-elle se transformer en boulet ? La question peut paraître brutale, tant cet éditeur de médias en ligne se fait fort de se montrer à son avantage : plus de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, près de 30 millions de visiteurs par mois, des cibles plutôt jeunes appréciées des annonceurs, une rentabilité revendiquée, mais secrète, 2.500 salariés, …

« Accepter les cookies sinon payer » : réglo ?
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes numériques, si l’on en croit Véronique Morali (photo), l’épouse de Marc Ladreit de Lacharrière et présidente de Fimalac Développement, ainsi que présidente du directoire de Webedia : « Sur le cinéma, le jeu vidéo et la cuisine, nous avons plutôt réussi. Nos sites assez emblématiques nous permettent de proposer du contenu, lequel n’est pas seulement monétisé par de la publicité traditionnelle mais aussi par du programmatique (achat d’espaces publicitaires en temps réel, comme à la Bourse) pour toucher les cibles – plutôt jeunes – au meilleur moment. Et nos annonceurs nous demandent aussi de les aider à aller jusqu’à la vente, jusqu’à la transaction : c’est l’affiliation sur laquelle nous nous sommes positionnés », s’est-elle félicitée en décembre, lors d’un entretien organisé par l’école de commerce HEC et relayé par Challenges et BFM Business (1).
Mais la dirigeante, qui a créé en 2008 le magazine féminin en ligne Terrafemina (intégré cinq ans plus tard dans Webedia tout juste acquis par son mari), reste très discrète sur la rentabilité du groupe. D’autant que sa maison mère, Fimalac, n’est plus cotée en Bourse depuis juillet 2017. Rentabilité opérationnelle et pertes nettes ? « Malheureusement, nous ne communiquons pas ces informations pour l’instant », a répondu un porte-parole à Edition Multimédi@. Secret décidément bien gardé. Or la viabilité économique de la « pépite », qui veut « aider l’industrie culturelle française » (2), dépend étroitement des géants américains du Net. « Si les GAFA peuvent produire tous les contenus qu’ils veulent et à tout moment, tant leur puissance financière est grande, nous pouvons résister en nous positionnant sur des verticales où ils ne sont pas et où ils acceptent d’avoir de “petits partenaires” [comme Webedia, ndlr] », a expliqué Véronique Morali, en assumant cette « complémentarité ». Mais la fin annoncée des cookies publicitaires pourrait déstabiliser le modèle économique de Webedia. « Sur la data, nous sommes très attentifs. Nous travaillons avec la Cnil qui nous régule comme tous les sites médias. Nous avons choisi une stratégie transitoire en attendant de savoir ce que Google va décider sur le monde sans cookies », a-t-elle indiqué, alors que Google vient d’annoncer justement la fin des cookies tiers sur Chrome d’ici fin 2023 (3). Depuis mars 2021, Webedia a pris le parti de mettre sur sa soixantaine de sites web des « cookie wall » (4) : soit les internautes acceptent les cookies et accèdent gratuitement aux contenus, sinon ils doivent payer – 2 euros pour un mois (5) pour chaque site de Webedia – pour y accéder. La Cnil s’était opposée à une telle pratique, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat en annule l’interdiction complète (6). Le gendarme des données considère cet « accepter ou payer, sinon pas d’accès » comme étant susceptible de porter atteinte à la liberté du consentement. La licéité sera analysée par la Cnil « au cas par cas » avec les éditeurs (7)… « La gratuité l’emporte, les visiteurs préférant accepter des cookies », a fait valoir Véronique Morali.
La présidente de Webedia a en outre reconnu que l’année 2020, impactée par la pandémie, avait été « difficile ». Elle ne s’est pas attardée sur les nombreux départs de youtubeurs à fortes audiences : Hugo Tout Seul, Squeezie ou encore Léopold ont quitté Webedia. Elle a relativisé ces désaffections, qui se sont poursuivies l’an dernier comme l’a montré le « bye bye webed » de McFly et Carlito (8) – fameux duo qui avait séduit Emmanuel Macron (9). Certains d’entre eux se sont affranchis de Webedia après avoir encaissé en 2019 leur dernier gros chèque du montant que ce dernier devait, selon Capital, leur verser en plusieurs années (earn out) pour l’acquisition de leur participation dans la régie publicitaire Talent Web (10). Une audience globale qui plafonne Cyprien, Norman et Natoo étaient aussi au capital de Talent Web au côté de Mixicom, réseau de chaînes Internet tombé dans l’escarcelle du couple Lacharrière-Morali, mais ils sont toujours là (11), au sein de la nouvelle entité Webedia Creators (12). Depuis, l’audience globale de Webedia en France semble plafonner au-dessus des 28 millions de visiteurs uniques par mois. Ce qui, d’après les classements de Médiamétrie, place l’éditeur de Terrafemina, d’Allociné, de Jeuxvideo.com, de 750g ou encore d’Easyvoyage en douzième ou treizième position (c’est selon) de l’Internet français. @

Charles de Laubier