Presse écrite : l’abandon du papier par certains éditeurs se poursuit au profit du tout-numérique

Il y a ceux qui disparaissent corps et biens ; il y en a d’autres qui résistent en se délestant du papier. Les journaux – quotidiens en tête – ont tendance à tourner la page du papier, dont les ventes déclinent, pour miser sur le numérique. Et ce, afin d’alléger leurs coûts – mais aussi leur revenus…

Bien que la presse magazine résiste le mieux à la baisse continue des ventes
« papier », les quotidiens, eux, accuse le coup. En France, selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ex-OJD/Audipresse), la presse quotidienne a vu ses ventes baisser de -1,4 % en 2015 par rapport à l’année précédente. A elles seules, les ventes en kiosque ont même chuté de – 8,6 %. Les abonnements « papier » sont eux aussi en baisse. Ce déclin de la presse quotidienne papier touche tous les titres
(Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien, …).

Quotidien : chute des ventes en kiosque
Et comme si cela ne suffisait pas, il y a aussi une désaffection des annonceurs pour le journal imprimé : les investissement publicitaires dans les quotidiens papier ont chuté de – 12,4 %, selon l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep). Résultat : de plus en plus de kiosques physiques ferment, dont rien qu’un millier l’an dernier pour tomber à 24.877 points de vente, selon le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). D’autres signes ne trompent pas : Le Monde a fermé en septembre son imprimerie historique d’Ivry-sur-Seine ; le groupe Amaury a fait de même pour la sienne à Saint-Ouen, avant de céder Le Parisien à LVMH (Les Echos) pour ne garder que L’Equipe. Quant aux prix des quotidiens, ils ont encore augmenté : Le Monde est devenu depuis janvier le quotidien papier le plus cher, à 2,40 euros l’exemplaire, au risque pour la presse imprimée de devenir un produit de luxe de moins en moins diffusée (1).
En cinq ans, trois quotidiens papier ont disparu en France : France Soir n’est plus imprimé depuis fin 2011 et n’existe plus que sur Internet ; La Tribune a fait de même début 2012 mais en gardant une édition hebdomadaire imprimée (2) ; Metronews a déclaré forfait en mai 2015 et son propriétaire TF1 n’a gardé que le site web. L’abandon du papier par la presse est une tendance mondiale, même si l’on voit de nouvelles initiatives « imprimées » comme The New Day lancé fin février (3). Le quotidien britannique The Independent, fondé en 1986, va imprimer sa dernière édition papier
le 26 mars prochain, soit quelques jours après son édition dominicale The Independent on Sunday. Au Canada, les quotidiens La Presse et Guelph Mercury ont cessé aussi le papier pour se rabattre à leur tour sur le tout-numérique. La Presse a tout de même gardé une édition imprimée le samedi. Aux Etats-Unis, le quotidien centenaire The Christian Science Monitor – une sorte de La Croix américain – a été parmi les premiers quotidien à abandonner le papier. The Onion, né comme hebdomadaire parodique en 1988, est devenu entièrement numérique fin 2013. National Journal a, lui, franchi le pas du tout-digital début 2016. Sans parler de nombreux magazines américains dont la version papier a été sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. L’érosion des ventes papier
et les arrêts de journaux imprimés ne datent pas d’hier et ces deux phénomènes liés
ne sont pas prêts de s’arrêter. Selon les chiffres de la Newspaper Association of America (NAA), le nombre de quotidiens a chuté de – 13 % aux Etats-Unis en vingt
ans. The Rocky Mountain News, un quotidien de Denver (Colorado), fondé en 1859,
a complètement disparu des radars en octobre 2009, tandis que The Seattle Post-Intelligencer (surnommé P-I) né en 1863 est devenu uniquement online en mars
2009. La troisième voie consiste à ne plus imprimer qu’une à trois fois par semaine, comme The Times-Picayune, journal de La Nouvelle-Orléans fondé en 1837, qui
paraît seulement trois jours dans la semaine. D’autres tablent sur l’édition dominicale. Qu’adviendra-t-il des rescapés de la presse papier dans trois à cinq ans ? The New York Times, The Wall Street Journal ou encore The Washington Post – ce dernier ayant été racheté en août 2013 par Jeff Bezos, patron d’Amazon, pour 250 millions de dollars – vont-ils eux aussi à terme tourner la page du journal papier ? Question de rentabilité : selon le Pew Research Center, la presse imprimée rapporte encore en moyenne cinq fois plus que le site web du même journal.

Papier subventionné par le numérique ?
Pour que le numérique devienne plus rapidement leur relais de croissance (4), certains éditeurs se diversifient en ligne. Le Figaro, dont les ventes papier ont reculé de – 0,8 % l’an dernier et surtout de -11,4 % en kiosque pour accuser une perte opérationnelle, a poursuivi sa diversification sur Internet en rachetant CCM Benchmark (Linternaute.com, Commentcamarche.net, Journaldesfemmes.com, …). Le quotidien du groupe Dassault s’est déjà développé dans les services en ligne (Explorimmo.com, Cadremploi.fr, Bazarchic.com, …). C’est à se demander si, à l’avenir, le numérique ne subventionnera pas le papier des journaux et le e-commerce leurs rédactions. @

Charles de Laubier