La publicité en ligne est menacée par les règles anti-cookies et la fiscalité numérique

Alors que le marché français de la publicité en ligne enregistre un ralentissement de sa croissance au 1er semestre 2012 et que ses prévisions pour l’ensemble de l’année sont revues à la baisse, son avenir s’assombrit avec la protection des données personnelles et la fiscalité numérique.

Par Charles de Laubier

Selon les prévisions du Syndicat
des régies Internet (SRI), le marché français de la publicité en ligne n’atteindra pas en 2012 les 8 %
de croissance qu’il espérait il y a
six mois. Cela devrait être finalement 6 %, pour atteindre 2,726 milliards d’euros d’investissements publicitaires sur Internet. Ce taux
de croissance est presque la moitié des 11 % de croissance entre 2010 et 2011 (voir tableau ci-contre). La conjoncture économique (1) y est pour beaucoup. « Le digital n’échappe pas au tassement voire au gel des budgets chez certains annonceurs », constate le SRI (2) pour le 1er semestre.

En faveur des internautes et de l’Etat ?
Mais deux autres facteurs pourraient assombrir un peu plus les perspectives de croissance de l’e-pub en France, déjà bien en retard par rapport aux Etats-Unis et
au Royaume-Uni : le projet de loi fiscalité numérique, d’une part, et l’obligation de consentement sur les cookies, d’autre part. En matière de fiscalité numérique, le sénateur Philippe Marini prévoit – dans sa proposition de loi déposée le 19 juillet – de taxer non pas les annonceurs basés en France, comme il avait tenté en vain de le faire lors de la première « taxe Google » en 2011, mais les régies publicitaires où qu’elles soient dans le monde. « De ce fait, Google Ireland sera redevable de la taxe au regard du milliard d’euros de chiffre d’affaires (…) sur le marché français en qualité de régie publicitaire. Cette taxe sera également due par tout acteur français ou étranger en fonction de seuils d’activités minimales (3). (…) Cette taxe serait calculée en appliquant un taux de 0,5 % à la fraction comprise entre 20 millions d’euros [de chiffre d’affaires, ndlr] et 250 millions d’euros et de 1% au-delà », détaille-t-il dans les motifs.
Elle pourrait rapporter à l’Etat 20 millions d’euros cette année, dont la moitié acquittée par Google… Ce montant est à comparer à la taxe qui existe déjà par ailleurs sur la publicité télévisée : 54 millions d’euros en 2012.

Le SRI s’est prononcé contre cette « taxe Google 2.0 » qui, selon lui, représente « un réel danger pour l’équilibre de l’écosystème numérique en France ». L’Association des services Internet communautaires (Asic), qui réunit Google, Facebook, Microsoft, Yahoo, eBay ou encore Dailymotion (4), dénonce elle aussi « une mesure dangereuse pour tout un écosystème ». Quant à l’Union des annonceurs (UDA), elle s’y oppose aussi.
Autre épine dans le pied de l’e-pub, celle du consentement préalable pour les cookies sur lesquels s’appuient les annonceurs et les régies du Net pour mesurer et valoriser leurs campagnes publicitaires en ligne. Cela fera un an le 26 août qu’est parue au Journal Officiel l’ordonnance de transposition du Paquet télécom, lequel prévoit notamment l’accord préalable des internautes avant de recevoir toute prospection directe, cookies compris. Mais la France a ménagé la profession en laissant l’internaute ou le mobinaute activer ou pas – s’il est technophile… – les paramètres de son terminal (5). La part belle est encore laissée à l’auto-régulation, l’Interactive Advertising Bureau (IAB) incitant – avec plus ou moins de succès depuis le 30 juin (6) – les publicitaires, régies et annonceurs à estampiller leurs publicités sur Internet d’une icône « Adchoice ». Cette icône redirige l’utilisateur vers le site paneuropéen Youronlinechoices.eu, qui informe sur les cookies et permet de les gérer en ligne (option optout). Mais les réformes législatives sur la protection des données personnelles que la commissaire européenne Viviane Reding a lancées en début d’année – examinées les 11 et 12
juillet derniers par le Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI) – sont bien plus contraignantes : le consentement explicite des utilisateurs devra être obligatoire
avant de déposer des cookies. Est-ce la mort programmée de ces « témoins » ou « mouchards » ? Selon l’OJD (7), les cookies ont déjà une durée de vie limitée car
le taux de leur effacement par les utilisateurs eux-mêmes est de 30 % ou 35 %
par mois. @