Nicolas de Tavernost, M6 : « Nous préférons les réseaux administrés aux réseaux ouverts »

Le président du directoire du groupe M6, Nicolas de Tavernost, a expliqué
– le 4 février lors des 10e « TMT Predictions » (1) du cabinet d’études Deloitte –
que la télévision généraliste n’est pas en déclin face à la vidéo sur Internet.
Mais elle pourrait l’être si…

… Si les chaînes de télévision ne gagnent pas « la bataille commune avec les opérateurs de broadband [les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui distribuent sur leur box de la télévision, ndlr] », dont elles sont partenaires, elles ne pourront pas faire face à ce que le patron du groupe M6 appelle « un problème économique majeur ».
A savoir : « des recettes qui suivent grosso modo l’inflation et des coûts [de programmation] qui augmentent, sur un marché ou l’offre de télévision a été multipliée par trois et dans un contexte de réglementation complexe ».

Le TV linéaire reste dominante
Pour l’heure, Nicolas de Tavernost se dit satisfait de l’année 2010 : « La télévision généraliste est revenue, le chiffre d’affaires aussi, et la durée d’écoute a augmenté de façon régulière » (2). Comme le prédit Deloitte, la télévision généraliste conforte son
statut de « super média » et le téléspectateur reste dans sa grande majorité fidèle aux programmes linéaires (push), malgré la poussée du Net (pull). Mais demain ? Le patron
de M6 considère que l’avenir d’une chaîne comme la sienne n’est pas sur le téléviseur connecté mais sur les réseaux des FAI. « Nous préférons des réseaux administrés au réseau ouvert comme la TV connectée. Nous préférons les gestionnaires de réseaux plutôt que de financer du hardware [téléviseurs connectés ou des décodeurs, ndlr] ». M6 est diffusé sur les offres dites IPTV sur les « box » d’Orange, SFR, Free, Numericable et sur les décodeurs de CanalSat, que cela soit en direct ou en différé.
« Les opérateurs qui ont fait confiance aux marques, au lieu d’imposer leur portail,
ont eu le plus de succès », constate-t-il. Pour lui, la télévision restera importante sur
les réseaux où elle peut « rester maître de son produit » et où il y a une « relation commerciale » – se réservant, dans le cas contraire, le droit « de ne pas distribuer
nos signaux sur les réseaux ». C’est le cas lorsque la « box » d’un FAI – comme sur
la nouvelle Freebox – permet de naviguer sur le Web à partir de son téléviseur pour aller visionner les services de catch up TV des chaînes (M6 Replay en l’occurrence), sans accord préalable. Et à plus forte raison lorsqu’un fabricant de téléviseur connecté offre de la vidéo et de la télévision de rattrapage « Over-The-Top » (OTT), c’est-à-dire en s’affranchissant des chaînes et des FAI jusqu’alors maîtres du PAF (3). Pour tenter d’empêcher toute OPA sur l’écran de la part des fabricants (Philips, Samsung, LG, Panasonic, …), d’Appel TV ou de Google TV, le groupe M6 a cosigné le 19 octobre dernier avec TF1, France Télévisions, M6 ou Canal+ une charte sur la TV connectée pour « continuer à exercer un contrôle total et exclusif sur les contenus et services affichés en surimpression ou autour de leurs programmes diffusés » (4) (*) (**). Autre danger que Nicolas de Tavernost pointe du doigt : le piratage en ligne. « Je ne suis pas sûr qu’il y ait un effet Hadopi : il y aura très peu d’effet positif contre le piratage ; l’accès direct au piratage est un problème. C’est l’une des raisons pour lesquelles Google TV
a du mal à négocier avec les studios. Nous, nous sommes du côté des studios. Dans cette bataille, les FAI doivent être à nos côtés », affirme-t-il. Le piratage de programmes audiovisuels intervient au moment où M6 veut de plus en plus produire ses propres contenus (séries, fictions, films, …), dont la chaîne entend maîtriser les droits tout en luttant contre le piratage. « Nous voulons remonter dans la chaîne de valeur pour contrôler nos contenus et être détenteur de nos droits. Or, en France, la réglementation
va à l’encontre de cela. Aux Etats-Unis, les grands réseaux de télévision ont des studios de cinéma (Fox, Universal, Disney, Paramount, …). Si cela continue, ce sera
la fin de la production audiovisuelle en France et la télévision généraliste deviendra
une toute petite chose », prévient-il. Pour l’heure, M6 table sur ce qui fait la force d’une chaîne généraliste: le direct et l’événement « live » (sports, actualités, …). Et cela se constate jusque sur la télévision de rattrapage : « La catch up TV représentera 5% à
10 % de la consommation de télévisuelle. Et ce sont les programmes “live” qui seront les plus concernés, car c’est l’événement que le consommateur veut rattraper », explique Nicolas de Tavernost.

Tablettes et réseaux sociaux
Il considère en outre que les tablettes deviennent pour M6 « le deuxième écran » idéal pour la catch up TV et l’interactivité avec les réseaux sociaux (5). « Nous pouvons nous mettre d’accord avec des opérateurs ». Et il ne pense pas que les Apple TV, Hulu et autres Netflix américains bousculeront le PAF s’ils arrivent. « Les marges de la TV payante ou de la VOD sont très faibles, voire négative. Il n’y a pas de menace pour
la TV généraliste ». Tant que les prévisions de Deloitte ne le contrediront pas… @