La « Net Neutrality » n’est plus un sujet tabou en Europe

La 31e édition du « Digiworld Summit » organisé par l’Idate à Montpellier, les 18 et 19 novembre derniers, a réussi à lancer le débat sur la neutralité de l’Internet.

L’Arcep, l’autorité de régulation en charge notamment des communications électroniques en France, va organiser un colloque au printemps 2010 sur la neutralité de l’Internet.
C’est ce qu’a annoncé son président, Jean-Ludovic Silicani, lors du Digiworld Summit.
Le gendarme des télécoms, qui a déjà engagé en interne une réflexion depuis fin septembre dernier, « devrait, dans la foulée, être en mesure de soumettre à consultation des recommandations puis de publier des lignes directrices au début de l’été 2010 ». Cette réflexion, a-t-il précisé, s’appuiera sur deux principes essentiels.
Le premier : « la non-discrimination, c’est-à-dire le fait qu’un opérateur de réseau ne puisse favoriser indûment certains contenus, notamment les siens s’il est intégré verticalement, et utilise le même réseau que les autres éditeurs de contenus ».
Le second : « la transparence, notamment vis-à-vis du consommateur qui doit être informé dans l’hypothèse où des règles de gestion de trafic son mises en oeuvre ».
Le régulateur va ainsi participer au débat engagé en Europe. Le nouveau Paquet télécom, adopté le 24 novembre par le Parlement européen, donne le pouvoir aux régulateurs nationaux de fixer un niveau de qualité minimale et d’interdire toute discrimination dans l’accès aux contenus et services (1).
Le président de l’Arcep intervenait en préambule d’une table ronde du Digiworld Summit, où l’on a vu s’affronter sur la « Net Neutrality » deux géants américains : Google et AT&T, en présence d’un opérateur télécom européen – Deutsche Telekom. Aux Etats-Unis, le débat fait rage depuis plus d’un an.

Dialogue de sourds entre AT&T et Google
Avec l’explosion de la vidéo, de la musique et des films, ou encore la montée en puissance des chaînes de télévision et de radio sur le Web, Internet peut-il encore continuer à supporter tout ce flux ? « Congestion et gestion du trafic constituent le double problème qui se pose aux opérateurs télécoms, lesquels doivent éviter de porter atteinte à la neutralité de l’Internet », a expliqué Yves Gassot, directeur général de l’Idate, en préambule au débat. Pour Google, le principe de Net Neutrality doit être réaffirmé par le régulateur fédéral américain des communications. « La FCC (2) a introduit deux principes [sur les six soumis à consultation publique depuis le 22 octobre 2009, ndlr] qui sont la non-discrimination [l’internaute doit accéder à tous les contenus légaux de son choix] et la transparence [les consommateurs doivent être averti en cas de restriction] », s’est félicité Richard Whitt, conseiller juridique Telecom and Media de Google à Washington.
En réponse, le vice-président Public Policy d’AT&T, Jeff Brueggeman, a préféré éviter
la polémique : « La FCC doit trouver un équilibre entre non-discrimination et autorisation de gérer le réseau, avec des garde-fous. Trop de contraintes risquent d’étouffer l’investissement. Il n’est pas besoin de réglementation prématurée ».

Qualité : vers la différenciation tarifaire
En réponse pour Google, Richard Whitt a affirmé qu’il ne veut pas empêcher les AT&T, Verizon et autres Comcast à investir dans leurs réseaux mais « s’il y a trop de souplesse, il y aura trop de différenciation des flux et les fournisseurs de contenus devront payer pour ces lignes prioritaires ». Et Jeff Brueggeman de répliquer pour
AT&T : « Les réseaux peer-to-peer doivent être améliorés dans leur gestion du trafic. Nous y travaillons.
Car il y a beaucoup d’applications qui provoquent des embouteillages sur notre infrastructure.» Le vice-président des affaires publiques internationales de Deutsche Telekom, Roland Doll, semblait compter les points, tout en étant sur la même longueur d’onde que son homologue d’outre- Atlantique. « La différen-ciation tarifaire est un ‘must’ pour répondre à la demande de qualité de service, et ce à un prix attrayant. Openness [réseaux ouverts] ne veut pas dire gratuit ! On doit faire payer pour plus de qualité. Gagner de l’argent avec le trafic ne suffit plus. Pour la télévision sur Internet (IPTV), la gestion du trafic est nécessaire comme pour les réseaux privés virtuels
(VPN) », a-t-il déclaré. Mais d’émettre un bémol cependant : « Si nous dégradons
ou restreignons l’accès à des services en ligne, voire les interrompons, nos clients n’hésiteraient pas à passer chez nos concurrents ». Seuls les réseaux mobiles semblent épargnés.
C’est du moins la position des opérateurs de réseaux sans fils qui estiment la technologie cellulaire déjà limitée en bande passante. Aux Etats-Unis, la FCC a déjà posé la question de savoir s’il fallait aussi appliquer la Net Neutrality aux opérateurs mobiles… A suivre. @