Snapchat fait la distinction entre social et média pour mieux attirer annonceurs et éditeurs

Pour Snap qui édite Snapchat, le fonctionnement en mode « média social »
– où photos et vidéos des amis se mêlent à celles des contenus professionnels – a vécu. Ce mixte favorisaient les fake news et déplaisait aux éditeurs et annonceurs. En France, la nouvelle version est en place depuis le 13 février.

« En plus de nos efforts en cours pour faire croître le nombre de nos utilisateurs, la réalité augmentée, et les contenus, nous pensons que le nouveau design de notre application Snapchat nous donnera de bonnes bases pour faire évoluer notre activité. C’est pourquoi notre nouveau format sépare désormais “social” et “média”, résolvant ainsi beaucoup de problèmes qui surgissaient quand on mélange des amis avec les créateurs professionnels de contenus », a expliqué Evan Spiegel (photo), cofondateur et directeur général de Snap, lors d’une conférence téléphonique le 6 février, à l’occasion de la présentation des résultats annuels.

Ne pas mêler fake news et annonceurs
Cette décision de bien faire la distinction entre les contenus « sociaux » (de la famille
et des amis) et les contenus « médias » (des éditeurs et créateurs professionnels) a été prise il y a plusieurs mois, au moment où les fausses nouvelles battaient leur plein sur Internet. « Jusqu’alors, le média social mixait les photos et les vidéos provenant des amis avec des contenus d’éditeurs et de créateurs. Brouiller les lignes entre les créateurs professionnels de contenus et vos amis a été une expérience intéressante sur Internet, mais cela a provoqué quelques effets secondaires étranges (tels que les fake news) et nous a fait réaliser que nous avions à nous améliorer pour vos amis plutôt que juste nous exprimer nous-mêmes », avait déjà justifié Snap en novembre 2017 sur le blog de l’entreprise (1). Désormais, le nouveau Snapchat – installé notamment en France depuis le 13 février – sépare « social » de « média ». A gauche de l’écran, l’on retrouve les messages (chat), les « bitmoji » et les stories des amis. A droite de l’écran, les contenus de partenaires éditeurs avec l’espace Discover (Découvrir), la carte Snap Map pour localiser ses amis, ainsi que les stories publiques des médias et des influenceurs.
La société américaine Snap, qui veut attirer encore plus d’annonceurs et de partenaires média, entend ainsi dissocier le côté rendu plus personnalisé de Snapchat avec une page d’amis plus dynamique, du côté plus « public » avec la nouvelle page Discover des éditeurs et créateurs. « Séparer social de média nous permet de construire le meilleur moyen de communiquer avec les amis et le meilleur moyen de regarder de super contenus – tout en résolvant beaucoup de problèmes qui rongent Internet aujourd’hui », insiste encore la direction de Snap. C’est que cette start-up cotée à la Bourse de New York veut afficher de meilleures performances vis-à-vis des éditeurs
et des annonceurs publicitaires et comme Evan Spiegel commence à le voir : « Nous observons que le nombre d’utilisateurs quotidiens actifs qui regardent les stories sur Discover a progressé de 40 % sur la nouvelle version par rapport à l’ancienne. Nous constatons aussi des gains en termes de performances publicitaires, tant en termes de temps passé que d’engagement, ainsi qu’une augmentation générale de notre ARPU [en hausse de 46 % à 1,53 dollars en 2017, ndlr] comparé à l’ancien design ».
Discover, la plateforme des partenaires médias de Snap (2), est en quelque sorte sanctuarisée. En France, où elle a été lancée en septembre 2016, plus d’une douzaine d’éditeurs y sont présents : Le Monde, Le Figaro, Paris Match, L’Express, L’Equipe, l’AFP, MTV, Vogue, Society, Cosmopolitan, Konbini, etc. Au niveau mondial, Evan Spiegel a indiqué que Snap avait reversé pour 2017 « plus de 100 millions de dollars aux partenaires », soit près du double par rapport à l’année précédente. Cela représente plus de 12 % de son chiffre d’affaires qui s’est élevé l’an dernier à 824,9 millions de dollars (+100 % sur un an). Malgré des pertes nettes chroniques, Snap
vise toujours à terme la rentabilité. Du succès ou de l’échec du nouveau Snapchat dépend l’avenir de l’entreprise. Valorisé 21,4 milliards de dollars (au 22-02-18), Snap
a perdu de la valeur depuis son introduction il y aura un an en mars (3). Le chinois Tencent n’en a cure : il a augmenté l’an dernier sa participation au capital, actuellement autour de 10 %.

En France, 13 millions de « snapchatters »
Parmi les Millennials, qui constituent le gros bataillon des utilisateurs de Snapchat avec 12 minutes en moyenne par jour en 2017 – au détriment de Facebook (9 mn/jour), selon Médiamétrie (4) –, beaucoup ont exprimé leur désarroi ou leur perplexité, voire leur agacement envers cette nouvelle présentation. Selon la dernière mesure « Internet global » de Médiamétrie (ordinateur et/ou smartphone et/ou tablette), Snapchat totalise en France plus de 13 millions de visiteurs uniques par mois – sur 187 millions de
« snapchatters » revendiqués par Snap dans le monde, Etats-Unis en tête. @

Charles de Laubier