« BBC à la française » : le candidat Macron en a rêvée ; le président de la République va-t-il le faire ?

« Nous rapprochons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public », avait promis le candidat Emmanuel Macron. Maintenant qu’il est chef de l’Etat, sa promesse est pour l’instant sans lendemain.

« Il est beaucoup question de “BBC à la française” – expression qui semble toujours plus chic que
“RAI à la française” ou “RTVE à la française”, pour ne prendre des exemples que dans des démocraties. Je vais être très clair : c’est pour moi exactement le chemin qu’il ne faut pas prendre », avait lancé Mathieu Gallet (photo de gauche), PDG de Radio France, en pleine torpeur de l’été, le 26 juillet dernier devant la commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale où il était auditionné.

Harmonisation des statuts : 40 M€ par an
Quant à Delphine Ernotte (photo de droite), président de France Télévisions, elle est moins catégorique que son homologue de Radio France mais néanmoins réservée sur la faisabilité d’une telle «BBC à la française» : « Réunir des entreprises publiques, cela suppose avant toute chose – avant même d’envisager la moindre réforme – de renégocier un accord collectif et harmoniser les différents statuts. (…) Mais cela prend beaucoup de temps – au moins trois ans. De plus, les synergies se traduisent d’abord par une hausse des coûts (1). (…) La fusion des entreprises audiovisuelles n’est donc pas une bonne méthode pour réduire les coûts… », avait-elle expliqué une semaine avant, le 19 juillet, devant la même commission de l’Assemblée nationale. De tout façon, selon elle, « une BBC à la française, c’est vrai que cela fait rêver : (…) cela fait envie. Malheureusement, nous avons un peu “loupé le coche”… Il aurait fallu s’y mettre plus tôt. (…) La nouvelle frontière : un Netflix à l’européenne plutôt qu’une BBC à la française ». Autant dire que les deux présidents de l’audiovisuel public ne sont pas très disposés – et c’est un euphémisme – à s’approprier la promesse du chef de l’Etat actionnaire de leur groupe audiovisuel public respectif.
Auditionné lui aussi devant la même commission le 25 juillet, interrogé par une députée sur le « rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques » et la nomination de leurs dirigeants par les conseils d’administration, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Olivier Schrameck, a botté en touche : « Je ne sais pas et n’ai pas à me prononcer sur ce sujet. J’attends la décision – si elle doit venir – du pouvoir politique. Nous l’appliquerons alors avec ponctualité et scrupule ». Alors que le projet de loi de Finances 2018 – examiné à l’Assemblée nationale en commission des Finances le 11 octobre et commission des affaires culturelles à partir du 24 octobre – entérine la baisse du budget global de l’audiovisuel public (2) décidé par le gouvernement sous la férule d’Emmanuel Macron, le rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques n’est plus évoqué. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, parle désormais de « transformation » de l’audiovisuel public. Le 14 septembre dernier, lors de l’annonce de la révision à la baisse du budget global de l’audiovisuel public, elle a évoqué « les chantiers de transformation lancés par les groupes du service public audiovisuel » dont elle invite à « mutualiser les forces et les initiatives » dans le sillage de la chaîne d’info Franceinfo issue de la coopération entre France Télévisions, Radio France, France 24 et l’INA. A défaut de « BBC à la française »,
à laquelle ne croyait pas non plus Fleur Pellerin lorsqu’elle était rue de Valois, le contribuable français – dont le paiement de la redevance audiovisuelle finance l’audiovisuel public à hauteur de 3,6 milliards d’euros – peut s’attendre à d’autres synergies autours de nouvelles plateformes numériques : une sur l’information jeunesse pour les 15-30 ans, d’une part, et une sur la culture à partir de Culturebox et en partenariat avec Arte, d’autre part. « Ce que nous souhaitons faire, et que nous avons, me semble-t-il, réussi à faire au sein de Franceinfo, c’est d’éviter de doublonner les investissements. Nous devons exister dans le numérique ; c’est là que ça se passe, que tout le monde regarde l’information qui tombe », a expliqué Delphine Ernotte devant les députés cet été.
Quant au futur « Netflix à la française » qu’elle prévoyait de lancer cet automne en partenariat avec La RTBF et Radio Canada, il devrait être retardé au « début d’année 2018 ». C’est ce que la présidente de France Télévisions a indiqué le 31 août devant l’Association des journalistes médias (AJM).

« Un grand service public audiovisuel » (Hollande)
Mais un « Netflix à la française » ne mènera pas à une « BBC à la française ».
Le « grand service public audiovisuel », dont a rêvé François Hollande lorsqu’il était chef de l’Etat (3) et repris par son pseudo-dauphin Emmanuel Macron, verrat- il le jour ? A l’instar de la Grande-Bretagne, de la Belgique, de l’Italie, de la Suisse et de l’Espagne, avec respectivement une BBC, une RTBF, une RAI, une RTS ou encore une RTVE, la France pourrait avoir à l’avenir son « France Télévisions- Radios » (4). Dans un rapport daté du 1er avril 2016, la Cour des comptes évoquait la fusion entre la radio et la télévision publiques françaises. @

Charles de Laubier